Les années 90 ont été marquées par un nouveau modèle de gouvernance sacrant l’indépendance des banques centrales par rapport au pouvoir politique. Cette orientation s’appuie sur l’idée que les banques centrales ayant pour mission la préservation des équilibres monétaires pourraient suivre des politiques plus efficaces pour la stabilité des prix.
En Tunisie, le parlement tunisien a adopté, en 2016, une loi accordant l’autonomie à la BCT. Une autonomie qui dérange et qui en fait aujourd’hui la victime de campagnes appelant à y mettre fin !
Pour l’expert financier Ezzeddine Saidane, il ne faut pas parler d’autonomie mais plutôt d’indépendance. « J’estime que l’indépendance de la banque centrale est un acquis sur lequel il ne faut pas revenir. Est-ce que la banque centrale est autonome par rapport à l’Etat ou au pouvoir exécutif ? Elle ne doit pas être indépendante par rapport à l’Etat, mais plutôt par rapport à l’exécutif »
La BCT ne s’est pas affranchie de sa dépendance au pouvoir exécutif estime M. Saidane, en rappelant que lors de la visite inopinée du président de la République à la Banque, Nadia Gamha, vice-présidente l’a informé que la BCT travaillait de concert avec le ministère des Finances sur le déficit budgétaire. « Est-ce le rôle de la banque centrale ? La BCT n’a pas usé de son indépendance pour arrêter les débordements des finances publiques. Elle n’a pas usé des prérogatives fixées par la loi de 2016, située au-dessus des gouvernements, qui donne à la banque centrale, le rôle de conseiller financier de l’Etat et ne la charge pas d’être le sauveur de l’exécutif lorsqu’il suit des politiques inefficientes ou prend de mauvaises décisions ».
Pour d’autres comme Christophe Blot, expert en Macroéconomie monétaire et financière et auteur d’une étude sur l’indépendance des banques centrales : « La gouvernance des banques centrales doit évoluer si le mandat qui leur est confié est élargi et si les interactions entre les instruments monétaire, budgétaire et prudentiel sont accrues. Le degré d’indépendance des banques centrales pourrait être atténué soit par une responsabilité plus grande et un contrôle démocratique plus étroit des banques centrales, soit par une coordination plus forte entre les institutions, ce qui plaide pour une implication du gouvernement dans le processus de prise de décision »
Cela ne veut nullement dire que la banque centrale doive financer le budget de l’Etat, insiste M. Saidane : « Rappelez-vous l’exigence de la BCT en 2020, d’une autorisation exceptionnelle de l’ARP pour financer le déficit budgétaire, parce que les lois en vigueur lui interdisaient le financement direct du budget de l’Etat ? A l’époque, la LFC 2020 avait autorisé la BCT à octroyer des facilités à la trésorerie générale de l’Etat, dans la limite de 2,81 Mds TND. Autrement dit : quelle est la différence entre donner un crédit direct à l’état et racheter les bons de trésor souscrits par les banques à la demande de la banque centrale ? ».
Pour Ezzeddine Saidane, la BCT aurait dû opposer un niet définitif à la requête du gouvernement. « La banque centrale doit dire non lorsque le gouvernement dérape. Comment pouvons-nous accepter que le budget de l’Etat de 2023 augmente de 22% par rapport à 2022 en mettant un objectif de croissance 1,8% qui ne couvre même pas les dépenses publiques ?»
Tout le monde est conscient, explique Ezzeddine Saidane, de la modestie de la capacité du système bancaire dont le financement ne peut pas dépasser les 2 à 3 milliards de dinars par an. Aujourd’hui, il est à 10 milliards par an. Qui en est responsable ?