S&P vient de publier un rapport pas très élogieux sur l’économie tunisienne. On y dresse un tableau noir du taux de chômage qui a légèrement reculé par rapport à l’année dernière mais où la part des diplômés du supérieur a augmenté passant de 23,7 % au deuxième trimestre de l’année 2023 contre 23,1 % au premier trimestre de l’année et 22,8 % au deuxième trimestre de 2022. On y parle de la perte du pouvoir d’achat, de l’asthénie de la croissance et de l’insoutenabilité de la dette.
La Tunisie a, tout de même, remboursé plus de 70% d’échéances de remboursement de grosses sommes à des prêteurs occidentaux mais ne crions pas victoire trop tôt.
« L’augmentation des avoirs en devises contraste avec les pénuries récurrentes de produits importés mais correspond à une mesure de précaution en prévision des prochaines échéances car la dette extérieure de l’État -celle inscrite dans son Budget et honorée à hauteur de 70,3% à fin août 2023- ne représente qu’une moitié environ (51,9% en moyenne des 5 dernières années) de la dette extérieure totale de la Tunisie » peut-on lire sur le bulletin d’informationn°34 d’Ecoweek.
S&P déplore les tensions entre le gouvernement tunisien et le FMI estimant que même l’accord de 1,9 milliard de dollars est à rediscuter et à recalibrer totalement. Kais Saied, président de la République n’en démord pas, pour sa part. Il tient à sa souveraineté nationale et refuse qu’on lui dicte les politiques à tenir dans son pays. Il l’a de nouveau scandé lors de la réunion du Conseil de Sécurité nationale du lundi 25 septembre. « Il faut compter sur soi-même » n’a-t-il cessé de répéter !
Mais il ne précise pas de quel soi, il s’agit. De la communauté d’affaires traitée de tous les noms et vivant dans la peur ? Des dirigeants des banques publiques que les clients fuient aujourd’hui et dont les cadres terrorisés parce qu’ayant accordé des prêts, pourtant légaux, on les mette dans les cases des corrompus et on les écroue, cherchent du travail ailleurs ? Ou encore des 638.000 chômeurs qui ne trouvent pas preneurs à cause d’une croissance économique atone et de l’absence des investissements publics et privés ?
D’ailleurs, le rapport S&P ne prévoit pas de recul du taux de chômage et n’est même pas optimiste quant à une croissance économique « respectable » pour les années 2024-2025 qui pourrait réduire considérablement le chômage. Une croissance qui ne dépasserait pas les 2% d’après les auteurs du rapport.
Les taux d’inflation situés aux alentours de 8-9%, continueront sur cette lancée et le dinar, continuera son glissement. « Il faudra d’ici 2024, quatre dinars pour obtenir un dollar américain ». Les auteurs alertent au sujet des déficits jumeaux : déficit budgétaire et déficit commercial. Ensemble, ces déficits pourraient occasionner une hémorragie des ressources handicapant au passage l’investissement national et refroidissant les velléités des investisseurs étrangers, estime-t-on.
Et pour le grand bonheur des Tunisiens et de la Tunisie (sic), il n’y a pas que S&P qui s’inquiète de la situation socioéconomique du pays, Hechmi Alaya vient de publier une petite synthèse du rapport annuel sur la liberté économique dans le monde de l’Institut canadien Fraser produit, en collaboration avec un groupe de centres de recherche et d’éducation indépendants dans près de 100 pays.
« Au classement 2023 qui vient d’être publié, la Tunisie se positionne à la 121ème place, dans le dernier quartile, celui des pays les moins libres « least free », loin derrière le Maroc (97ème) mais « plus libre » que l’Égypte (144ème), l’Algérie (157ème) et la Libye (160ème).
En Afrique, elle pointe à la 21ème place, loin derrière le Botswana (77ème) ou Kenya (78ème) et la Rwanda (80ème).
Dans les pays de la région arabe, elle se positionne au huitième rang loin derrière le Bahreïn (45ème) et la Jordanie : 51ème.
Dans le détail, la Tunisie apparaît très mal lotie dans les cinq domaines retenus par l’Institut Fraser pour mesurer la liberté économique ». La Tunisie n’est pas bien placée aussi quant au système juridique et la protection du droit de propriété où elle obtient son meilleur rang mondial (90ème) mais, toujours est-il, qu’elle ne cesse de rétrograder depuis 2010.
En revanche, au grand Dam des apprentis économistes que l’autonomie relative de la banque centrale dérange au plus haut point, le seul progrès qui mérite d’être signalé pour ces deux dernières années, estime l’Institut Fraser, a trait à la qualité de la gestion de la monnaie où la Tunisie est gratifiée de son meilleur score : 7,99 après un score moyen sur les 5 dernières années de 7,07. Une note gratifiante à voir les scores du pays dans d’autres catégories comme la liberté économique, le droit à la propriété ou la sécurité juridique.
Tant il est vrai que les dizaines de milliers d’experts des réseaux sociaux (resic) qui pensent pouvoir dessiner les politiques de l’Etat et d’Institutions aussi solides que la BCT n’ont pas voix sur le chapitre dès lors qu’il s’agit d’enjeux déterminants pour le pays telle la politique monétaire.
Mais jusqu’à quand, la compétence et l’expertise pourront tenir face aux vagues de populisme et d’ignorance ? That-is the question!
Sources: Ecoweek 34, INS, Economics4 Tunisia (E4T)