La Palestine était au cœur d’une rencontre organisée, vendredi, à la Cité de la culture, par le Musée National d’art moderne et contemporain, Macam Tunis, et le Théâtre de l’Opéra de Tunis, en présence de personnalités du secteur culturel et de diplomates palestiniens accrédités en Tunisie.
Des oeuvres d’artistes plasticiens tunisiens et palestiniens, appartenant à différentes générations, étaient visibles à une exposition organisée au hall de la Cité de la culture, qui est composée d’une sélection d’œuvres du Fonds national plastique. Cette exposition dont le vernissage a eu lieu au début de la rencontre, se veut un message artistique traduisant le quotidien du peuple palestinien et sa cause juste ainsi que les crimes dont il est victime sous l’occupation sioniste.
Dans une conférence sur “Les manifestations de l’engagement dans l’art palestinien”, la chercheuse tunisienne Fawzia Dhifallah est revenue sur les contours d’un mouvement artistique et plastique palestinien qui a souvent été témoin d’un peuple opprimé et d’une terre dominée par l’occupant.
Le concept de l’engagement dans l’art en région arabe a longtemps été associé à la littérature palestinienne, estime la chercheuse, citant des œuvres comme ” Des hommes dans le soleil ” (Men in The Sun), roman de l’écrivain et militant politique Ghassan Kanafani.
Elle a parlé d’un engagement apparu dans plusieurs pays, notamment dans les oeuvres poétiques telles que chez le Palestinien Mahmoud Darwich , le Syrien Adonis, -de son vrai nom Ali Ahmed Saïd-, ou encore le philosophe et écrivain français Jean-Paul Sartre, le chanteur égyptiens Cheikh Imam et son compatriote le poète Ahmad Fouad Nagm, le groupe marocain Nass El Ghiwane et de chanteurs engagés comme le Tunisien Hedi Guella et le Syrien Samih Choukeir.
Le concept d’engagement dans l’art a ainsi de multiples significations et connotations, note la conférencière. Pour cela, elle estime important de le protéger contre toute manipulation et son usage à des fins idéologiques.
Revenant sur l’historique de l’art plastique palestinien, elle souligne qu”il a réussi, au fils des générations, à marquer son engagement pour les causes de la nation et de la liberté et a souvent été la voix de la cause palestinienne et des Palestiniens sur les questions de la diaspora, du déplacement et du retour “.
L ‘art plastique palestinien, dans ses divers genres et courants, est l’expression d'” une mémoire exceptionnelle qui résiste à toute les formes d’oubli, d’oblitération et de disparition “, estime la conférencière.
Elle explique un art engagé qui ” oscille entre cette image réaliste des événements, des défaites, des tragédies et des soubresauts et celle d’un monde désiré et une source de motivation. Il traduit l’héritage culturel et historique de la Palestine et ses symboles la terre, l’olivier et Al Qods, en parallèle avec celle des massacres, des agressions, des guerres, de la mort, du deuil, de la faim, de la colère …”.
Fawzia Deifallah a parlé des débuts de l’expérience plastique palestinienne contemporaine dans les années 30 et l’émergence du mouvement artistiques par les pionniers du réalisme, citant l’exemple d’artistes plasticiens comme Ismail Shammout (1930-2006) dont l’œuvre est largement inspirée de son quotidien, à l’issue de la Nakba en 1948, au milieu des déplacés.
Elle cite le cas des galeries d’art qui “accueillaient des rencontres et des séances débats sur le mouvement plastique palestinien, en rapport avec le concept de l’engagement artistique. De 1936 à 1948, est apparu un courant plastique et la naissance de termes comme la diaspora, le retour, le refuge qui se sont imposés à travers une esthétique plastique et des références visuelles chargées de réalisme et de douleur.”
Les expositions collectives se sont poursuivies jusqu’en 1980, date de la création de la ligue des plasticiens palestiniens, et le souci était toujours celui de l’artiste engagé envers sa patrie et les causes de son peuple”. Elle évoque les artistes plasticiens palestiniens de la diaspora qui ont rejoint les académies d’art occidentales permettant ainsi à l’art palestinien de se positionner à l’international et de développer leurs expériences plastiques notamment après la première Intifada de 1987″.
La conférencière explique que “cet engagement continu d’être présent dans l’œuvre plastique de beaucoup de plasticiens dont ceux qui pratiquent l’art contemporain et réinventent leur façon de voir le monde, de s’exprimer dans des œuvres qui représentent la patrie et le rôle du corps dans l’espace public face à la domination de l’occupant.”