Les résultats préliminaires des audits, concernant les recrutements illégaux ou opérés selon le critère de l’obédience partisane, dans les administrations et les institutions publiques, sur plus de 10 ans, ont révélé des abus énormes.

Le Président de la République, Kaïes Saïed en a révélé quelques-uns en recevant le 13 octobre 2023, le président de l’Assemblée des représentants du peuple, Brahim Bouderbala.

Le Chef de l’Etat a donné à cette occasion l’exemple d’un audit effectué dans l’un des établissements publics. Ce dernier a fait état de 1.500 recrutements non conformes aux règlements en vigueur.

“Le nombre des personnes concernées est estimé à 150 mille fonctionnaires”, a estimé Ahmed Souab, ancien magistrat et opposant au mouvement du 25 juillet 2021.”

Ahmed Souab, ancien magistrat et opposant au mouvement du 25 juillet 2021, a estimé dans une interview accordée au site d’expression arabe Achariaa al Magharibi, le nombre des personnes concernées à 150 mille fonctionnaires exerçant dans les ministères, les établissements publics et entreprises publiques sont concernées. Il s’agit également des bénéficiaires de l’amnistie générale décrétée en 2011, des intérimaires, des agents provisoires et des contractuels.

Recrutement illégal, la recette

Par ailleurs, des audits approfondis fuités dont plusieurs établissements et entreprises publiques ont fait l’objet, nous apprennent que les recrutements incriminés sont pour la plupart ceux qui ont été opérés en dehors des concours nationaux qui garantissent, en théorie, transparence, équité des chances et compétence des promus.

Les principales techniques frauduleuses utilisées sont au nombre de trois. Il y a la filiation, c’est-à-dire les agents et fonctionnaires exerçant dans certains secteurs comme la fonction publique, les banques, la Banque centrale, les entreprises publiques (Steg, Sonede, Compagnie de Phosphate Gafsa, Groupe chimique…) qui bénéficient, en vertu de conventions conclues avec les syndicats, de l’avantage de recruter leurs progénitures sans passer par les concours nationaux.

La deuxième technique consiste à recruter des agents provisoires (contractuels, intérimaires …) pour une courte période, une année au maximum, pour les titulariser en suite et les intégrer dans le personnel. C’est une technique utilisée pour imposer ensuite leur recrutement automatique sans passer par l’épreuve du concours.

Pourtant la loi est très claire à ce sujet. On recrute un agent provisoire soit pour effectuer des travaux urgents que le personnel permanent n’a pas le temps de faire, soit pour répondre à un besoin d’accroissement non prévu de l’activité de l’entreprise ou de l’établissement public, soit pour exécuter des travaux saisonniers (badigeonnage, nettoyage …).

“Abstraction faite de ces pratiques frauduleuses, il faut reconnaître que cette opération d’audit global a eu le grand mérite de mettre à nu d’autres abus administratifs et financiers”, selon le texte.”

L’exemple de la Société Nationale de Transport Interurbain (SNTRI) est édifiant sur ce sujet. D’après l’audit approfondi auquel a été soumise, en 2021, cette entreprise publique, sur un total de 651 agents que compte cette entreprise 140 agents saisonniers et contractuels ont été recrutés au cours de la période 2014-2021. Au cours de la même période seuls 8 agents ont été recrutés par le biais d’un concours qui aurait été de façade d’après les auteurs de l’audit.

C’est par suite de la révélation de tant d’abus que le PDG de la SNTRI de l’époque Karim Daouass a été limogé et remplacé, en 2022, par Mounira Yahyaoui Kefef.

La troisième technique a trait à l’interventionnisme. De hauts cadres ministériels, des députés et des responsables politiques interviennent pour demander à des PDG d’entreprises et d’établissements publics de recruter des connaissances ou des proches sans passer par l’épreuve du concours. C’est un sport favori des cadres tunisiens depuis l’accès du pays à l’indépendance.

Des zones d’ombre à éclaircir

Abstraction faite de ces pratiques frauduleuses, il faut reconnaître que cette opération d’audit global ciblant les recrutements illégaux a eu le grand mérite de mettre à nu d’autres abus administratifs et financiers. Parmi, ceux-ci figurent le recours abusif aux heures supplémentaires, la réparation des accidents professionnels par le biais d’heures supplémentaires et la tolérance des responsables décideurs vis-à-vis d’agents qui ont commis des délits divers (présentation de faux diplômes, détournement de fonds, infractions disciplinaires …).

Cependant, en dépit du bien-fondé de ces audits, ces derniers gagneraient à fournir d’amples éclairages sur les solutions qu’ils comptent apporter pour régler ce problème. Ils ont également à préciser s’ils ciblent seulement les recrutés qui n’ont pas passé des concours nationaux ou tous les saisonniers et contractuels dont la situation a été régularisée conformément à des lois. C’est le cas, entre autres, des agents des sociétés d’environnement, de plantation et de jardinage (SEPJ) ou des intérimaires qui travaillaient, avant 2011, dans des sociétés sous-traitantes et qui ont été intégrés par la suite pour acheter la paix sociale à l’époque.

Cela pour dire qu’il existe des zones d’ombre qui méritent d’être éclaircies.