« La Tunisie face à un contexte géopolitique en devenir : le Brics et le nouvel ordre mondial », tel est le thème d’une récente communication donnée par l’économiste statisticien Hédi Zaiem dans le cadre de l’université d’été de la Fondation Mohamed Ali El Hammi (FMAH ex Acmaco) tenue à Hammamet.
Faisant une lecture sagace de la déclaration finale du 15ème sommet du Brics qui vient de se tenir, du 22 au 24 août 2023, à Johannesburg, en Afrique du Sud un des fondateurs du groupe avec le Brésil, la Russie, la Chine et l’Inde, l’auteur des « fausses pistes », connu pour être une économiste atypique, a -si on l’a bien compris du moins- cherché à relativiser les grands espoirs placés par « le Sud Global » dans le groupe BRICS et ses institutions.
Le BRICS, une machine pour casser l’unipolarité
Le Sud global, qui rassemble des pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie perçoit dans le groupe BRICS une alternative viable aux difficultés dont souffrent la plupart des pays en développement.
Parmi ces difficultés, figurent, en bonne partie, les conditionnalités drastiques exigées pour l’obtention des crédits par les maîtres actuels du monde, les institutions de Bretton wood’s : le FMI et la Banque Mondiale.
Selon l’économiste, l’émergence du BRICS en tant que groupement qui rejette avec virulence le monde unipolaire actuel où « la notion même de développement, relève-t-il, n’a plus aucun sens, puisque le pôle dominant (USA et alliés) décide de votre part de la richesse créée mondialement ».
Les scénarios possibles
Les conséquences de ce rejet sont à percevoir d’après le conférencier, à travers deux scénarios.
Le premier serait « une guerre dévastatrice dont personne ne connait l’issue. Et le conférencier de temporiser : « Dans tous les cas, dit-il, les Etats Unis et leurs alliés doivent comprendre qu’ils ne peuvent plus vivre selon les mêmes standards qu’avant, et qu’ils doivent s’ajuster, avec tout ce que cela signifie comme perte de pouvoir et recul de leur niveau de vie ».
Le deuxième serait toujours d’après Hédi Zaiem,« une transition négociée et un nouveau partage du monde ». En témoignent, d’après lui, « les tons modérés des deux camps (…). C’est le scénario d’un nouveau Yalta qui semble le plus probable. Cet Yalta consacrerait un partage du gâteau avec deux systèmes parallèles. Une sorte de nouvelle « guerre froide », ce qui en fait ne sera qu’un ajournement du problème ». Pour Hédi Zaiem, « un partage du monde serait une reproduction de la période de la « Guerre froide » avec cette nuance.
Cette fois ci, cette guerre froide se fera, d’après lui, entre deux « belligérants » qui ont la même idéologie : en l’occurrence, le capitalisme. Les deux hypothétiques blocs sont des blocs de pays « capitalistes ».
Limites du BRICS
Le conférencier devait traiter ensuite des limites du BRICS qui a été élargi lors de son dernier sommet à six autres pays : l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l’Iran, l’Egypte, l’Ethiopie et l’Argentine, passant ainsi de cinq à onze membres (46 % de la population mondiale et un peu plus du tiers du PIB mondial). Cet élargissement, qui offre aux BRICS une meilleure possibilité de peser sur la scène mondiale, demeure toutefois insuffisant.
Pour Hédi Zaiem, le BRICS est, certes, une importante brèche dans le système unipolaire, mais présente le désavantage de ne pas proposer, pour autant, un nouveau modèle de développement pour le monde, « hormis plusieurs déclarations d’intention », dit-il.
PPar-delàce constat du conférencier il faut reconnaître que le BRICS a encore du chemin à faire pour s’imposer comme un bloc crédible, et ce pour moult raisons : le Brics n’est pas une organisation internationale. Il ne dispose pas, encore, de structures permanentes, à l’exception de la Nouvelle Banque de Développement (NDB).
Autre faiblesse du BRICS : l’hétérogénéité de leurs membres, qui ont des systèmes politiques différents et ne partagent ni marché unique, ni production de normes communes.
Pour reprendre, à ce propos, le journaliste écrivain Alain Frachon « Le Sud global que prétend représenter le BRICS est une mauvaise expression. Elle rassemble des pays aussi puissants que la Chine et l’Inde et certains des plus misérables de la planète. Le Sud global est divers et se comporte diversement, tantôt derrière le bloc sino-russe, tantôt avec les Occidentaux ». Sans commentaire.