Un constat : lorsque les responsables du ministère de l’Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche parlent des pistes à explorer pour atténuer l’impact du stress hydrique, ils ont, souvent, cette tendance fâcheuse à évoquer des solutions très coûteuses pour les finances publiques et pour les consommateurs. Ils occultent, cependant, des panacées moins coûteuses et à portée de main.
Parmi les solutions onéreuses, ils citent le dessalement de l’eau de mer et la construction des barrages souterrains. A titre indicatif, le coût d’un mètre cube d’eau dessalée est estimé à plus de trois dinars contre une moyenne de 500 millimes le mètre cube d’eau douce fourni par le réseau de la SONEDE.
Des solutions onéreuses pour le budget et pour le consommateur
Concernant les barrages souterrains, un système onéreux consistant à retenir des eaux souterraines par un para fouille (corps du barrage) mis en place en travers des chenaux des eaux souterrains. Ce système demanderait une quantité énorme de travaux de construction.
Ce genre d’ouvrage, le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche projette d’en construire à partir de 2035.
C’est du moins ce qu’a annoncé, le 23 octobre 2023, sur les ondes de la radio privée, Mosaïque fm, Rafik Aini, directeur de cabinet du ministre de l’Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche.
La Tunisie doit économiser l’eau et ne pas exporter des produits agricoles qui nécessitent beaucoup d’eau
Son argumentaire est, à priori, convaincant. L’objectif recherché à travers ce type de barrage très coûteux serait de préserver une bonne qualité de l’eau et dissuader l’évaporation d’une partie des réserves hydriques. D’après des chiffres officiels, sur un volume global de précipitations de 37 milliards de mètres cubes total enregistrés chaque année, 8,5 milliards de mètres cubes d’eau ne sont pas récupérés par l’effet de l’évaporation et du ruissellement.
Par-delà la pertinence de ce justificatif, les experts pensent qu’il existe des solutions moins onéreuses pour sécuriser la pérennité du peu d’eau dont dispose le pays. C’est le cas de Raoudha Gafrej, ingénieure, universitaire, docteur en sciences de la terre.
L’experte admet qu’il est vrai que la Tunisie a peu d’eau mais le plus urgent est de commencer par dissuader toute perte et tout gaspillage d’eau.
« Un pays qui n’a pas assez d’eau doit économiser de l’eau. Il s’agit de rationaliser la consommation de l’eau et la consommation des produits créés à partir de l’eau (eau virtuelle) », dit-elle.
L’urgence, c’est dissuader toute perte et tout gaspillage d’eau.
Elle devait évoquer un deuxième facteur de sécurisation de l’eau, celui de ne pas exporter de l’eau. Est-ce logique pour un pays qui a peu d’eau et qui, en même temps, exporte de l’eau (produits agricoles exportés) ? « Le bon sens suppose en principe, il y a une exportation que je peux faire et une autre que je ne peux pas faire », a-t-elle martelé.
C’est pourquoi, elle pense qu’il est urgent de revoir de près cette exportation de l’eau par le canal des produits pour une raison principale. A partir du moment où je n’ai pas assez d’eau donc je dois me fixer des priorités et la priorité numéro un, ici, c’est subvenir aux besoins de la population locale en eau ».
Les réglementations internationales vont bientôt interdire l’exportation de produits agricoles irrigués par des eaux non renouvelables
Elle a révélé que l’évolution des réglementations internationales milite en faveur de l’interdiction de ce type d’exportation
« D’ici quelques années, a-t-elle relevé, les produits agricoles irrigués par des eaux puisées dans la nappe profonde non renouvelable seront interdits demain à l’exportation. Ils seront refoulés aux frontières sous prétexte que les produits agricoles exportés ne répondent pas aux critères de l’agriculture durable ».
La réglementation internationale va favoriser l’exploitation abusive de la nappe profonde
A l’appui de ces propos, elle cite les redevances exigées de plus en plus aux frontières. « On parle, aujourd’hui, de taxe carbone, taxe environnementale (ou écotaxe) qui concerne les émissions de dioxyde de carbone ou encore d’empreinte eau d’un produit (bien ou service). Ainsi, pour les agriculteurs qui puisent leur eau dans la nappe profonde, on va leur dire, nous refusons votre produit parce que vous êtes en train de puiser une ressource non renouvelable et aux dépens en plus des citoyens locaux », a-t-elle noté.
Les responsables tunisiens doivent prouver leur compétence en appliquant la loi sur les forages illicites et en luttant contre le gaspillage
Cela pour dire au final que nos responsables « irresponsables », au lieu de miroiter des solutions coûteuses, ils ont tout intérêt à prouver leur compétence en appliquant la loi sur les 21000 mille forages illicites qui puisent dans la nappe profonde et en luttant contre le gaspillage. Il n’est pas inutile de rappeler que les fuites d’eau générées par la vétusté des canalisations de la SONEDE dans le seul Grand Tunis équivalent le volume d’eau retenu par un barrage comme celui de Ben M’TIR, plus de 50 millions de mètres cubes.
A bon entendeur.