200.000 tonnes ? 150.000 ? 125.000 seulement à cause de la sécheresse et de la canicule sur la production d’olives ? Personne ne peut donner des estimations exactes sur la récolte des olives et la production de l’huile d’olive, explique Mohamed Nasraoui, président de la Fédération des Oléiculteurs : « tout dépendra des prochaines pluies, si dans les jours qui viennent, il y a des précipitations, il sera possible d’avoir une meilleure récolte. N’oubliez pas que nous avons 1,8 million d’hectares d’oliveraies et 100 millions d’arbres ».
Dans l’attente des pluies de la miséricorde, Mohamed Ali Tabessi, agriculteur mais aussi PDG de l’Huilerie Tchila a ouvert son huilerie pour la campagne 2023.
Il rappelle : « La saison a été gravement touchée par la sécheresse. Dans le secteur oléicole, nous ne nous attendons pas à une récolte telle que celle de 2019 qui était exceptionnelle.
Je précise, toutefois que contrairement à ce que beaucoup pensent, la Tunisie n’est pas le premier producteur de l’huile d’olive mais elle produit la meilleure huile d’olive au monde.
Entre 2020 et 2022, nous avons récolté 27 médailles d’or. A chaque fois que nous participons à une compétition internationale, nous remportons la médaille d’or. La qualité compense donc la quantité ».
Le premier producteur de l’huile d’olive au monde est l’Espagne qui produit, lorsque l’année est bonne, près d’un millions 300.000 tonnes d’huile d’olive. Elle est suivie par l’Italie qui produit entre 300 et 200.000 tonnes.
Les olives, témoins des caprices du climat, dictent nos récoltes
En 2022, la récolte italienne a atteint les 315 000 tonnes. Pour la même année, la Tunisie a produit 180.000 tonnes, une performance qui reste loin de celle réalisée en 2019 durant laquelle, il y a eu une récolte record qui a atteint les 415.000 tonnes.
Depuis 2020, la sécheresse, qui s’est poursuivie n’a pas cessé de réduire la production oléicole. « Il y a des oliviers qui n’ont pas reçu une goutte d’eau sur deux années. Dans les régions du Nord, les quantités de pluies variaient entre 300 et 350 millimètres par an, cette année, nous en sommes à seulement 80 millimètres. Et vous savez pour résister aux chaleurs intenses, l’Olivier privilégie sa survie et rejette leurs fruits. Les arbres, souvent déshydratés se protègent en renfermant ses feuilles sachant que l’olivier chez nous produit tous les 2 ans. Il y a une année pour la floraison et une autre pour les fruits. Heureusement que, pour minimiser les dégâts, nous avons adopté aujourd’hui un système d’irrigation innovant et économiseur d’eau développé qui offre une solution viable à cette situation de sécheresse ».
Des estimations mais pas des certitudes s’agissant de la récolte
Les prévisions concernant la production de l’huile d’olive donnent 120 mille tonnes indique Mohamed Ali Tabbassi ce dont il doute très fort. Ses estimations à lui vont vers une production de 150.000 tonnes. Mais, parce qu’il y a toujours un mais, à condition comme précisé plus haut par le président de la chambre des oléiculteurs, qu’il y ait des précipitations.
Entre qualité et quantité, la Tunisie mise sur la suprématie de son huile d’olive
« Nombreux sont les propriétaires d’huileries qui ont fermé leurs portes, d’autres des cultivateurs ont sacrifié les avances données aux propriétaires d’oliverais car toutes leurs estimations sont tombées à l’eau. Ils sont tout simplement partis. Certains exportateurs n’ont pas encore signé de contrats à ce jour et les banques hésitent à accorder des crédits de campagne ».
Pire, les propriétaires d’huileries qui résistent se trouvent lésés car ce qu’ils gagnaient grâce à la vente du grignon,300 DT la tonne, n’est plus possible parce qu’interdit par l’Etat.
«L’Etat a donné des directives pour que l’huile de grignonne ne soit plus exportée. Cette décision n’aurait pas dû être prise en milieu de campagne. Maintenant, nombreuses sont les usines d’extraction de grignon à l’arrêt, leurs propriétaires ont peur et ne veulent pas s’engager avec nous. Alors que si nous vendons le grignon, nous permettons à l’agriculteur d’acheter les olives et nous réduisons le coût du litre d’huile d’olive. Vous savez que les olives sont récoltées, triées et broyées. Elles sont ensuite pressées, puis une étape de décantation permet de séparer l’eau et les résidus de pressage de l’huile. Reste les grignons qui sont nettoyés et pressés pour extraire les noyaux d’olive, un très bon combustible, mais aussi l’huile de grignon dont l’acidité est assez élevée et qui doit passer par le raffinage avant d’être vendue aux producteurs de sardines et de thon. C’est une huile très légère ».
La sécheresse, un adversaire redoutable pour les oliviers, menace la récolte tunisienne
La plus petite huilerie produit entre 3.000 et 4.000 tonnes de grignon ce qui lui permet de faire des bénéfices considérables, la tonne de grignon était vendue 10 Dt le kg et puis les prix sont allés crescendo au fur et à mesure que la demande mondiale augmentait.
« A ce jour, nous ne savons pas comment gérer. La campagne va démarrer, les usines d’extraction de grignon sont en attente et nous ne savons pas quoi faire alors qu’en ces années de récoltes maigres, vendre le grignon permet de réduire le prix de l’huile d’olive ».
Aujourd’hui, le cours mondial de l’huile d’olive est de l’ordre de 10 euros le litre. En France l’huile extra vierge se situe entre 21 et 64 euros. Vu les conditions climatiques, la production est à la baisse ce qui a pour résultat la hausse des prix de l’huile d’olive dans un pays comme la Tunisie où l’on s’attend à ce que le litre soit vendue 25 Dt.
Des nuages d’incertitude planent sur l’horizon économique des producteurs d’huile d’olive
Les oléiculteurs nationaux souffrent aussi de leurs incapacités à accéder aux crédits de campagne. « Nous sommes pénalisés parce que lorsque le Covid s’est déclaré, nous étions en pleine campagne et il y en a parmi nous qui ont contracté des prêts qu’ils n’ont pas pu rembourser à temps à cause de la paralysie qui a frappé le monde à l’époque à cause du confinement. Aujourd’hui, c’est la sécheresse qui frappe plein fouet le secteur oléicole et nous attendons, nous espérons des pouvoirs publics, un accompagnement, un appui et des aides pour le financement des crédits de campagne ».
Il faut espérer que les voix des oléiculteurs qui s’élèvent de plus en plus appelant l’Etat au secours portent et que les décideurs publics y répondent par des solutions concrètes et non par des discours tonitruants !