En prévision de la prochaine élection présidentielle en 2024, moult indices montrent que le Président Kaies Saied, pour peu qu’il annonce sa candidature, est sur une voie royale pour être réélu. Deux indices méritent qu’on s’y attarde.
Le premier indice est perceptible à travers l’incurie intellectuelle générale et le vide politique qui prévalent dans le pays. Entendre par là qu’il n’existe pas actuellement en Tunisie une offre politique et socio-économique crédible à même de rivaliser avec le projet populiste de Kaies Saied.
Effritée, divisée et décrédibilisée, l’opposition dont la plupart des leaders sont en prison a commis l’erreur assassine de se focaliser sur la tenue d’un discours réducteur à l’endroit du Chef de l’Etat sans présenter aux tunisiens une alternative acceptable.
Sans ancrage dans la société, sans cadres et sans troupes, cette opposition, au lieu de constituer des filons électoraux et de profiter, à cette fin, de la démocrature de Kaïes Saied qui lui garantit liberté d’expression et libre circulation dans le pays, a préféré opter pour la provocation irresponsable et gratuite laquelle ne peut rester indéfiniment dans l’impunité.
L’absence d’une offre politique crédible en Tunisie profite à Kaies Saied pour une réélection en 2024
Cette opposition a omis, à notre avis, que Kaies Saied, quelles que soient ses limites -et il en existe beaucoup-, ne représente pas tous les problèmes de la Tunisie. C’est un homme de passage.
Elle aurait pu gagner la sympathie des Tunisiens en proposant des solutions pour des questions majeures dont le déséquilibre régional, l’iniquité des chances, le décrochage scolaire, la pollution généralisée, l’adaptation effective au réchauffement climatique et au stress hydrique, le développement des énergies vertes, l’autosuffisance alimentaire, le vieillissement de la population…
Quand l’opposition pave le terrain pour la réélection de Kaïes Saïed
Cela pour dire que c’est sur la base de ces négligences et omissions que l’opposition a pavé le terrain pour la réélection probable de Kaïes Saïed.
Le point fort du chef de l’Etat réside certes dans sa capacité, à travers ses élans lyriques, à fouetter l’égo national et défendre par les mots –bien par les mots-le droit de tous les Tunisiens à une vie digne. Le projet de Kaies Saïed, c’est quelque part, un combat contre le sentiment d’« El Hogra » qu’éprouvent au moins 6 millions d’analphabètes et d’illettrés tunisiens depuis l’accès du pays à l’indépendance en 1956.
Les tensions économiques et le mécontentement de l’opinion publique resteront des défis pour Kaies Saied au cours de son prochain mandat
Les cadres du pays « autoproclamés élites » et vivant aux crochets des politiques et d’acteurs économiques n’ont jamais eu d’ancrage dans le pays réel, et ce, pour une simple raison. Ils parlent, s’expriment et décident dans la langue française qu’une bonne partie des Tunisiens ne maîtrise pas et ne comprend pas.
D’ailleurs, à son tour, Kais Saïed sera, un jour ou l’autre, confronté au même problème car il parle l’arabe littéraire (Al Fosha) que l’écrasante majorité des Tunisiens ne comprend pas également.
Kais Saïed exercerait un pouvoir quasi-absolu selon l’EIU
Le deuxième indice est développé dans un récent rapport prospectif sur la Tunisie par le think tank britannique The Economist Intelligence Unit (EIU), groupe connu pour ses rapports mensuels par pays, ses prévisions nationales sur cinq ans, ses rapports de risque des pays, et ses rapports industriels.
Dans ce document, l’EIU « estime que le président Kaïs Saïed sera réélu lors du scrutin prévu en 2024, et sera en exercice jusqu’à 2028. Le think tank fonde son argumentaire sur la nouvelle constitution que Kaies Saied a en grande partie rédigée ».
Et pour cause, cette même constitution qui a affaibli, estime l’EIU, le rôle du parlement, marginalisé les partis et mis toutes les institutions de la république sous le contrôle du Président Kaies Saied.
Et le rapport d’anticiper sur ce que fera Kaies Saied d’ici 2028 : « il bénéficiera d’un pouvoir quasi-absolu, un pouvoir qu’il va utiliser pour affaiblir les partis politiques et pour poursuivre son agenda populiste ».
Le document fait mention des législatives prévues pour 2027 et en minimise l’importance et l’impact démocratique rappelant la faible participation aux législatives de 2022 (11,2%).
Un mandat sous pression
Néanmoins, les auteurs du rapport estiment que le prochain mandat de Kaïs Saïed ne sera pas de tout repos. « Les tensions économiques persistantes constitueront un point de pression majeur pour le président, car le soutien antérieur à sa prise de pouvoir reposait en grande partie sur le mécontentement de l’opinion publique face à l’échec des gouvernements successifs à améliorer les conditions économiques », notent-ils.
Le rapport ne croit pas que le régime de Kaies Saied, même au cas il va essayer de le faire, « sera capable de faire beaucoup mieux sur ce front ».
Conséquence : d’après l’EIT, le mécontentement de l’opinion publique restera élevé, conduisant à des grèves et des manifestations périodiques.
Les réformes structurelles, y compris l’éducation et l’autosuffisance alimentaire, sont essentielles pour la stabilité du pays
La difficulté de mobiliser des financements extérieurs conséquents est citée par le rapport comme un des problèmes majeurs auxquels se heurtera le régime Kaies Saies d’ici 2028, et particulièrement, en 2024 et 2025.
Le document fait remarquer à ce sujet :« Nous nous attendons à ce que la Tunisie essaie de se débrouiller sans le programme de 1,9 milliards de dollars du FMI précédemment convenu, car un certain soutien des donateurs est toujours disponible. Mais la Tunisie est fermée aux marchés des capitaux et est confrontée à d’importants remboursements de dette. Nous nous attendons à ce que les remboursements des euro-obligations arrivant à échéance soient effectués en 2024, mais les finances publiques seront de plus en plus tendues, entraînant des arriérés de paiement, des pénuries de biens subventionnés et un ralentissement de la croissance qui devrait s’établir à seulement 1,5 %, tandis que l’inflation reste élevée à 6,7% ».
Par-delà ces indices, nous pensons, quant à nous, que l’essentiel c’est que le pays se stabilise un tant soit peu, qu’il soit plus visible pour tous les acteurs politiques et économiques et que des réformes structurelles soient engagées, s’agissant, particulièrement, de l’éducation, de l’autosuffisance alimentaire et de l’équilibre régional.