Après la clameur de la Présidence pour une révision des objectifs de l’aide au développement, une réflexion se doit d’être engagée activement pour une nouvelle modélisation du partenariat. Elle se veut imprégner de mutualisation et d’efficacité.
La députée européenne, Salima Yenbou, impliquée dans ce débat, le garantit « Place au gagnant-gagnant, l’Union Européenne doit être moteur et leader dans cette transformation de la Tunisie ». Est-ce aussi simpliste d’accepter d’être passif ? La requête de l’Etat tunisien n’est-elle pas assez audible et pourtant, tellement éloquente dans son fond.
Il est question d’une refonte du mécanisme d’appui offert par les instances internationales. Il est demandé de reprendre le lead sur la trajectoire à prendre. Le Président ne tire pas sa révérence, il appelle à de la considération et l’ouverture du débat dans l’équité et le bien du développement du pays. Pansons nos plaies économiques et scellons des coopérations avec nos partenaires historiques en adéquation avec une réelle Prospective socioéconomique.
Il est incontestable que les programmes d’assistances financières et techniques sont nécessaires de par le monde. Leurs objectifs en faveur de la paix, du développement économique, de la lutte contre la pauvreté ou de l’immigration sont fondamentales…et pour avoir de l’impact, ils doivent être alignés sur la réalité des pays et de leurs contextes. Notre pays n’échappe pas à cela et malgré les failles, une partie des programmes de soutien de la dernière décennie ont contribué à stabiliser certaines situations politico-économiques.
Depuis la révolution de 2011, il est vrai que les aides financières en faveur des projets à vocation socio-économiques, fréquemment appelés Assistance Technique et Financière se sont intensifiée en Tunisie. Si, la valeur des aides est estimée à 4,4 milliards de dinars de 2011 à 2022 (selon Marsad raqabah), aucune structure d’évaluation nationale n’est capable d’apprécier l’impact des programmes des bailleurs internationaux qui se sont déversés sur la Tunisie. La mobilisation des fonds est conséquente ! Les pourvoyeurs veulent être un acteur de taille dans le berceau du printemps arabes et ont démontré leur contribution massive dans la transition démocratique et économique.
En effet, quelles sont les défaillances des programmes de coopération internationale et pourquoi ont-ils été si peu productifs ? Aujourd’hui expliquer cet écueil est complexe.
Si du côté des partenaires internationaux, les évaluations des projets de développement sont obligatoires, il est fréquent que les rapports au profit des bénéficiaires des programmes (ministères et institutions publics) fassent défaut, ceci explique la grande difficulté à retracer l’ensemble des actions mises en place durant la dernière décennie et les bénéficiaires des programmes de dons sont aussi complices de ce dysfonctionnement, car pas en mesure de « challenger » les projets. Bien que les plans de la coopération internationale fassent l’objet de contrats avec des montant alloués et des indicateurs à atteindre, ils sont en souffrance à cause du vide institutionnel et du turn over dans les Ministères.
Certes, on essaie d’implémenter des stratégies qui ont surement fait leurs preuves ailleurs mais qui ne s’adaptent pas à la Tunisie d’aujourd’hui et à son contexte socioéconomique…et le manque d’impact n’est plus à démontrer…le « gap » est de plus en plus profond !
Alors comment casser et cesser ce cercle vicieux de donation peu impactant par manque d’évaluation et de suivi ? Comment soutenir un pays quand on sait si peu de lui ? Quels sont les garde fous à mettre en place pour que ce schéma ne se reproduise plus ?
Comment optimiser la précieuse et vitale contribution internationale de savoirs, de budgets alloués, d’équipements et d’analyses pour le développement de la Tunisie ….
Face à cette situation compacte et stérile, la réponse se trouve obligatoirement dans la transparence et la fédération de toutes les énergies, portée par un ministère régalien (voir la primature) et dont la gouvernance sera dédiée à une équipe stable et constante.
Il est temps d’écrire la vision stratégique 2035 de notre Nation…ce livret blanc sera la feuille de route qui servira de base à tout travail entamé par les Ministères afin d’associer les bailleurs de fonds à générer de la valeur ajoutée. Il sera aussi l’outil fondamental pour rafraichir les lois et permettre la transformation digitale du pays. Exposer la singularité économique de la Tunisie en s’appuyant sur ce qu’elle sait faire de mieux, valoriser notre capital humain qui représente une richesse prodigieuse aux yeux du monde, brander notre atout géographique afin de tonifier une éclosion durable de l’investissement étranger, dépoussiérer nos codes de change et autres réglementations pour hisser la croissance économique tant attendue par le peuple, telles seront les piliers de cet ouvrage.
Dans la démarche de démocratie participative initiée par le President Kais Saied, il est recommandé de proposer aux citoyens de s’informer, de s’investir, de se mobiliser pour le suivi des projets de développement durable, une plateforme pour libérer le potentiel de chaque région sera créée, sous forme de « map » globale, dimensionnelle et temporelle…elle deviendra alors primordiale pour détecter les besoins pour faire face aux nombreux et complexes défis qui attendent le pays.
Ce travail de mémoire virtuelle, collaboratif, accessible à tous, associé à une nouvelle gouvernance sera le réceptacle de tous les projets (proposés et demandés) de la coopération internationale par secteurs d’activités avec une timeline d’exécution. Les fiches des programmes sont visibles à partir d’un moteur de recherche avancée et selon différents niveaux d’accessibilités au sein des instances ministérielles et, les projets traduiront les visions et affineront les stratégies et plans d’action.
Cette visibilité produira un intérêt direct auprès de toutes les communautés, rassemblera les transferts de savoirs et proposera un chiffrage des investissements réalisés avec effets directs de l’impact.
La plateforme présente des options sérieuses pour réduire les incompréhensions et les incapacités à travailler ensemble. Mutualisant les efforts, cet outil s’inscrit dans une politique inclusive et ouverte à tous. Chaque maillon (citoyens, TRE, secteur privé, Société civile, institutions publiques et privés, bailleurs de fonds…) renforce l’objectif d’une économie saine et ingénieuse. Un accès à une CVthèque des experts locaux et internationaux sera de mise afin que la classification des compétences permette de hausser la qualité des travaux et de donner le « lead » aux ministères et autres institutions dans le choix des forces vives affectées aux programmes développés.
La mise en place d’une plateforme digitale avec un nouveau schéma de gouvernance est la première des urgences afin de définir une prospective réelle des enjeux et dessiner une trajectoire des besoins humains, matériels et budgétaires pour activer un changement notable et bouleverser positivement l’économie du pays ! Que veut-on pour la Tunisie ?
Comment sera notre pays dans 10 ou 20 ANS ? Quel modèle économique mettre en place face au réchauffement climatique ou à la fuite du capital humain ?
Cette plateforme se doit d’être la source, la quintessence de la réflexion sur le pays, son avenir et son devenir…le gouvernement tunisien a finalement ralenti les sollicitations et aides internationales pour réfléchir sur la meilleure « sustainable » collaboration pour garantir l’impact escompté pour ses populations…aujourd’hui, le pays réclame des prêts pour ses réformes profondes et la mise en place d’une stratégie de développement et il n’échappe plus à personne que le montant des « aides » dédiées à la Tunisie durant la dernière décennie aurait pu et dû amener plus rapidement notre pays vers la paix sociale, plus de modernité, plus de développement économique….
A l’heure où notre pays commence à entamer un nouveau cycle politico-économique, où économie tunisienne a su developer une « forte capacité » de resilience inattendue (et à sa manière et à son rythme, elle met en place les réformes !) …il est important de bien choisir son cap et de se délester énergiquement des entraves comme la bureaucratie et la complexité des procédures. Si le pays actuellement commence à sortir la tête de l’eau en sachant ce qu’il ne veut plus, quels pas de géants pourra-t-il effectuer en sachant ce qu’il veut et en obtenant les moyens financiers escomptés pour mener la Tunisie vers la modernité et la prospérité ….et si l’apprentissage et l’indépendance économique réelle passaient impérativement par une mise à plat d’un modèle qui n’a plus lieu d’être…notre pays se portera mieux en coupant la branche sur laquelle elle était non pas assise mais endormie ?
Notre pays sait désormais que pour bâtir il faut adopter un processus sain/constructif. La démarche dépend de la productivité, de la conscience collective et de la mobilisation politique…et qui dit projet de développement, dit Impact et Appropriation par la partie tunisienne.
Par M. SAMI SAYA, Consultant International en développement économique