Industrialisation ? Désindustrialisation ? Les points de vue divergent quant à l’attractivité du site Tunisie indépendamment parlant du cadre réglementaire et du Parti « Administration » qui constitue une des plus grandes entraves au développement de l’économie nationale.
Il est triste de rappeler à ce propos que dans le code de l’investissement promulgué en 2016, on impose aux industriels dans les régions de titulariser dès recrutement les candidats au travail, une condition bloquante qui a fait fuir nombre d’investisseurs. Il est triste aussi que la TIA (Tunisian Investment Authority) censée centraliser toutes les actions d’investissement, faciliter, accélérer les procédures et coordonner les opérations entre les agences dédiées à l’investissement comme l’API et l’APIA, est aujourd’hui une administration peu efficiente dont les résultats à ce jour ne sont pas probants et qui ne réussit pas à améliorer l’image du site Tunisie ou à faire décoller l’investissement comme il se doit !
Il est triste de constater que l’interopérabilité entre administrations publiques dont n’a cessé de parler le ministre des Technologies de la Communication est à ce jour bloquée laissant l’investisseur potentiel à la merci de différents vis-à-vis avec chacun ses lois, sa posture et son avis (sic).
“La Tunisie a un grand potentiel industriel, mais il faut changer les mentalités régnant dans les ministères économiques” – Hechmi Alaya, éminent économiste
Il est aussi triste de voir les agents administratifs aussi peu encourageants aux entrepreneurs qui se présentent à leurs bureaux ou guichets (API), question de culture.
Il est désolant de voir la perception des opérateurs privés par les services des impôts en Tunisie. Opérateurs qu’on assomme par des présomptions de fraude au lieu de les rassurer par des présomptions de confiance.
La Tunisie est malheureusement un pays où le contrôle a priori est automatiquement adopté en lieu et place du contrôle a posteriori ! Question de culture aussi que les décideurs publics ont tout intérêt à changer pour améliorer la perception du climat d’affaires !
A l’APII, on parle d’une industrie nationale résiliente, source de richesses marquée par une croissance de 2.4% du PIB consolidé au rythme de croissance de la valeur ajoutée dans les industries manufacturières (à 5,3%) l’année.
Ainsi, on dénombre en 2022, 514 000 postes dans les 5000 entreprises employant 10 et + travailleurs avec, précise-t-on une tendance à la hausse. Parlant de la différence de -379 entreprises entre 2020 et 2023, on précise que la banque de données de l’APII ne compte que les entreprises en activité réelle durant l’année faisant l’objet de l’enquête directe et que les entreprises en arrêt provisoire ne sont pas comptabilisées.
Les déclarations d’investissements sont aussi un signe de la résilience de l’image du site Tunisie en tant que site attractif malgré les entraves administratives et le climat délétère dans lequel évolue le secteur privé. Ainsi durant les 10 premiers mois de 2023, l’investissement déclaré dans le secteur industriel a atteint le montant de 1924,4 MD contre 1796.2 MD en 2022 affichant une hausse de 7.1%.
La production industrielle à l’exportation affiche elle aussi une hausse importante de 21.7% en 2022 par rapport à 2021 soit 46221.6 MDT et une croissance de 11.4% sur les 1O premiers mois de l’année.
Un changement des mentalités s’impose
Hechmi Alaya, éminent économiste, parle, lui, dans le bulletin Ecoweek N°43 d’affaiblissement de la production industrielle malgré le rebond des industries manufacturières dû en grande partie à l’industrie du textile, de l’habillement & du cuir. Un recul qui s’explique « fondamentalement par l’effondrement du secteur de l’industrie de la chimie (-13,9% sur un an), du secteur de l’énergie (-10,7% sur un an) et, dans une mesure moindre, de l’industrie du textile, de l’habillement & du cuir (-3,6% sur un an) et du secteur des phosphates : -0,7% sur un an pour l’indice de la production minière ».
Et Hechmi Alaya de conclure que la production industrielle de la Tunisie reste fondamentalement soutenue par une demande étrangère en voie d’affaiblissement et des industries liées à la demande intérieure souffrant du recul de la demande intérieure.
“La Tunisie est classée au 132ème rang de l’Indice de Liberté Economique, ce qui la classe dans les économies « Principalement non libres »” – ITCEQ
Comment améliorer le statut d’une industrie locale et exportatrice dans un pays n’encourageant pas la liberté économique ? Dans l’Indice de Liberté Economique, la Tunisie est classée au 132ème rang avec un léger recul de son score estimé à 52.9 (contre 56.6 en 2022). Un score qui selon une étude publiée par l’ITCEQ, la maintient dans les économies « Principalement non libres ». Une catégorie dans laquelle elle figure depuis l’année 2009, alors qu’elle était classée dans la catégorie des économies « Modérément libres » dans la plupart des rapports depuis 1995.
Un grand potentiel d’amélioration existe qui permettrait au pays d’améliorer son positionnement et ses scores pour devenir un site plus attractif au national et à l’international. Toutefois, ce n’est pas en cherchant la petite bête à tout entrepreneur confirmé via services fiscaux et douaniers ou en bloquant les jeunes entrepreneurs par des formalités administratives paralysantes qu’il y parviendra.
La plus grande révolution qui doit se faire en Tunisie est celle de changer les mentalités régnant dans les ministères économiques, ministres compris !