Habituées, des décennies durant, à bénéficier de moult avantages compétitifs : bas salaires, tolérance vis- à-vis des activités polluantes, exonérations fiscales et financières…, les mille entreprises off-shore françaises implantées en Tunisie, seront obligées, dorénavant, d’investir pour s’adapter aux nouvelles taxes environnementales instituées aux frontières de l’Union européenne, leur principal débouché.
La traçabilité de leurs produits sera sévèrement contrôlée aux frontières européennes. Certaines ont très vite pris conscience de ce changement des attentes de leur clientèle. Elles ont pris les devants et ont commencé à investir dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) également appelée responsabilité sociale des entreprises. La RSE étant définie par l’Union européenne comme l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes.
Plus simplement, la RSE c’est la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable.
D’autres n’ont pas pu le faire en raison de l’ampleur des dégâts occasionnés et de l’énormité des coûts de dépollution. L’exemple deux entreprises off-shore françaises opérant dans des activités extrêmement polluantes méritent qu’on s’y attarde.
Le textile, fleuron de l’industrie tunisienne est un secteur polluant
La première est une entreprise qui opère dans le textile, un secteur fort polluant. Et pour cause : avec plus de 31.000 tonnes de déchets produits chaque année, le textile en Tunisie est un secteur générateur de pollution important.
Il s’agit de la société WIC MIC, implantée dans la zone de Béni ATTA (gouvernorat de Bizerte). Selon des données fournies par le service économique régional de l’ambassade de France en Tunisie, cette entreprise est présente depuis 1990 en Tunisie. Avec plus de 1900 employés sur ce site, WIC MIC est présenté comme l’un des plus grands groupes textiles du pays, spécialisée dans la production de jeans en denim. Ses activités s’étendent à la conception, la préparation, la finition et l’envoi du produit final, ainsi que l’exportation de textile et accessoire au marché mondial (essentiellement européen).
La même source nous informe que cette entreprise a eu l’avantage d’intégrer, dans les temps, les enjeux RSE dans sa production.
Elle nous apprend qu’en 2022, 20% des investissements de l’entreprise ont été consacrés à des projets en lien avec le développement durable. WIC-MIC a notamment investi dans une démarche de baisse de consommation d’eau en utilisant des systèmes de traitements d’eaux usagées ainsi que des produits de consommation intermédiaire nécessitant une moindre quantité d’eau.
Les industries chimiques de Gabès, une menace sérieuse pour la mer Méditerranée
La deuxième entreprise off-shore française opère également dans un secteur très polluant celui de la transformation du phosphate et l’utilisation de ses dérivés.
Il s’agit du groupe breton Roullier qui a deux usines aux alentours des usines du groupe chimique de Gabès qui fabrique de l’acide phosphorique.
Le groupe Roullier, via sa filiale Phosphea, achète directement de l’acide phosphorique au Groupe chimique tunisien et l’utilise pour fabriquer sur place des « solutions nutritionnelles à base de macro-minéraux ». Ces compléments alimentaires, sous forme de petites billes blanches, sont utilisés dans les élevages de poulets, de vaches, de porcs, et même de crevettes. Le phosphore permet aux animaux de grandir plus vite, de produire plus de lait ou de mieux se reproduire…
Récemment, le groupe a fait l’objet d’une enquête de la cellule investigation de Radio France. Dans cette enquête, le groupe a été montré du doigt pour ses achats d’acide phosphorique en Tunisie et pour produire dans un site extrêmement polluant, celui des industries chimiques de Gabès.
Ces industries, qui fabriquent de l’acide phosphorique, rejettent à la mer une matière extrêmement polluante, le phosphogypse, une boue saturée en métaux lourds etradioactive. Les quantités jetées à la mer sont astronomiques : entre 10.000 et 15.000 tonnes de rejets par jour, soit environ cinq millions de tonnes par an.
Il faut dire qu’au regard de l’ampleur de la pollution générée par les industries chimiques de Gabès, la marge de manœuvre des deux usines du groupe Roulliers est très réduite. C’est la responsabilité du gouvernement tunisien. Ce dernier s’est montré incapable de valoriser les solutions proposées par des experts tunisiens pour recycler le phosphogypse, entre autres, dans la construction de routes comme c’est le cas partout dans le monde.
Quant à nous, nous ne pouvons que saluer cette prise de conscience des enjeux de la RSE et de la dynamique enclenchée pour lutter contre la pollution industrielle, et ce, au grand bonheur des Tunisiens qui résident dans le bassin minier de Gafsa et à Gabès qui abrite une industrie chimique polluante de plus en plus contestée.