Différer la prise en mains du secteur informel, tout le monde y perd. Tout plaide en faveur de l’activation des solutions proposées, demeurées hélas en suspens.
Jeudi 7 décembre les travaux de la 37eme édition des Journées de l’Entreprise (JES) ont démarré à Sousse. Pour cette année les JES se penchent sur le thème d’ampleur et d’actualité : « l’entreprise et la formalité : inégalités et solutions en suspens ». La note conceptuelle présentée par l’IACE laisse entendre qu’il s’agit de la façon dont on peut gérer l’informalité. Quelle portée effective à cette problématique.
Juguler l’informalité
En réalité, la solution radicale contre l’informalité est de la moraliser en l’intégrant au système organisé. C’est-à-dire fiscalement transparent. Une fois que l’on a conçu les mécanismes appropriés, ne pas hésiter à les mettre en application. Le tout et de savoir comment s’y prendre. Cette interrogation a constitué le thème du panel inaugural qui s’est tenu dans la soirée du jeudi 7 décembre.
Divers pays se sont attaqué à la question et ont essayé des stratégies propres. Souvent les résultats ont été probants et la dynamique du basculement de l’informel vers le secteur organisé s’est réalisée de manière probante. Pour sa part, la Tunisie a opté pour des solutions précises et dont on espérait le plus. Toutefois leur entrée en application a été ajournée. Cela fait du tort à tout le monde étant donné que cela perpétue les inégalités inhérentes à cette économie dite grise.
Parer à l’informalité par une politique de l’emploi ciblée
Proposer des solutions afin d’intégrer le secteur informel nécessite une identification des causes qui en sont à l’origine, dixit Fakher Zaidi. C’est cette démarché qui a inspiré la réalisation d’une enquête sur terrain, la première en son genre dans la région, rappelle le DG de l’observatoire tunisien de l’emploi. Elle a concerné une population de 12.000 personnes salariés et promoteurs exerçant dans le secteur informel.
Et parmi les résultats de l’enquête l’on découvre que le statut d’auto entrepreneur n’est pas encore tout à fait reconnu par divers services administratifs. Ce statut évoqué dans la loi de finances de 2020, n’a pu être légalisé, en pratique. La Loi de Finances 2023 l’a amendé et remis à l’ordre du jour.
Et Fakher Zaidi de rappeler que ce retard n’est pas d’ordre réglementaire mais provient d’un retard de mise en place de la plateforme digitale qui lui est dédiée. Du fait d’une certaine confusion des compétences entre divers départements ministériels, l’affaire est restée en stand by. On annonce que la plateforme entrerait en service prochainement.
Pareil pour les projets relevant de l’économie sociale et annoncés en 2022 et restés inappliqués. Leur démarrage pourrait intervenir au courant de l’année 2024 car la question de la subvention qui leur est consentie sera enfin servie par la BTS.
L’importance de l’accès au droit à la propriété
Récupérer le secteur informel nécessite aussi de lui ouvrir un accès au financement bancaire rappelle Elena Panariti animatrice d’un Think Tank en Grèce. Ex responsable à la Banque Mondiale, elle a piloté des politiques dédiées en matière de gestion de l’informalité, au Pérou.
Elle a étudié un aspect précis à savoir l’inclusion financière des unités de production exerçant dans l’informalité. Il a fallu trouver des mécanismes précis pour leur permettre de régulariser leur situation du point de vue foncier. Et en bout de course, ils ont pu jouir du droit de propriété de leur patrimoine personnel, c’est à dire leur logement et dans le même temps se prévaloir de la propriété de leurs fonds de commerce. Cette politique a pris et au Pérou le secteur informel a baissé de 60 % à 18 % grossissant les rangs de la classe moyenne qui est un booster de stabilité économique et de croissance.
La parade à l’informalité par le decashing
Lutter contre l’informel c’est aussi le contraindre, en pratique, à rejoindre les circuits de paiement transparents. En effet le decashing peut s’avérer efficace à en juger par l’expérience hongroise exposée par Andras Szentgyoryi, promoteur d’une société de télé paiement en Hongrie.
Ce dernier rappel que la propriété de l’économie grise est de vendre sans facture et sans déclaration et donc de se faire payer en liquide. À l’évidence le système de paiement unique c’est-à-dire par carte bancaire ou via le mobile paiement sur la base de la facture électronique donnerait un coup d’arrêt à l’informel.
Le chantier de la généralisation de la facture électronique a pris 10 ans mais désormais c’est chose faite. Toutes les transactions se faisant, l’État a pu augmenter sensiblement ses rentrées fiscales. Anis wahabi expert-comptable de son état est revenu sur l’expérience tunisienne qui a les mêmes objectifs de decashing. Cependant elle a mal géré le chantier digital. Faute d’un système d’information unique l’administration n’a pu faire aboutir le mécanisme de la caisse enregistreuse pourtant votée depuis 2016.
Après divers rebonds, le projet de loi de finances 2024 annonce relancer le projet avec un contingent pilote de 5.000 caisses enregistreuses. L’ennui soutient Anis Wahbi est que l’on sait piloter ce genre d’opérations citant le succès de la digitalisation de la visite technique relevant de l’ATTT.
Afin d’aller plus vite Anis Wahabi insiste pour rappeler qu’il faut d’abord renforcer l’infrastructure digitale. Selon lui les télédéclarations fiscales sont ralenties par la faible capacité de l’infrastructure. Anis Waahabi recommande une solution audacieuse pour accélérer le tempo de la transition digitale dans notre pays.
La solution selon lui serait de confier le lead de la transition digitale au secteur privé. Nous ajoutons pour notre part qu’une expérience édifiante a été menée en 2020. En effet en avril 2020 en plein confinement du fait de la crise covid. La solution de paiement électroniques des aides sociales aux familles démunies a été réalisée avec un lead confié aux opérateurs privés et ce avec le consentement de l’administration. Et le résultat a été à la clé. À méditer