Qui peut douter de l’importance de la stabilité de la législation pour les investisseurs ? Un cadre légal qu’on ne change pas au quart de tour rassure l’investisseur, lui donne de la visibilité sur le court et le moyen terme et lui permet de prendre les meilleures décisions pour sécuriser son investissement. La loi des finances 2024 qui vient d’être promulguée en Tunisie a eu le mérite de ne pas avoir remis en cause les mesures stipulées par celle de 2023, ce qui selon les observateurs est de nature à tranquilliser l’entreprise et les investisseurs potentiels.

La Loi des Finances 2024 a été dans la continuité. Il y a eu de nouvelles mesures dont certaines avantageuses et encourageantes pour les acteurs économiques et les citoyens et d’autres dont les effets pourraient être contraires à ceux attendus par aussi bien l’exécutif que le législatif.

Prenons-les, une à une

L’amnistie fiscale arrive deux ans après celle qui l’a précédé et prévoit les mêmes mesures en comptant cette année les vignettes et en ôtant les droits de douanes. L’amnistie fiscale est devenue en Tunisie, une tradition alors qu’elle tire sa pertinence de son caractère exceptionnel comme après la pandémie Covid19. A ce jour, en Tunisie, il y’a des souscripteurs au calendrier de paiement précédent qui n’ont pas encore honoré tous leurs engagements. C’est comme si c’était l’amnistie de l’amnistie (sic).

L’amnistie décrétée aujourd’hui pourrait engranger plus de flux d’argent mais dans un processus d’anticipation. Que ferons nous en 2025 et 2026 après avoir épuisé tous les recours fiscaux ?

Pire que tout, les amnisties, à tout va, encouragent les déserteurs du fisc et pénalisent les entreprises et citoyens disciplinés qui ont respecté lois et délais d’où l’importance de les réintégrer dans la logique de l’exception.

“La stabilité de la législation est un facteur important pour attirer les investisseurs”, a déclaré un expert financier.

L’article 15 portant création du fonds national pour la réforme du système éducatif sera financé par 0,5% prélevés sur les bénéfices des établissements de l’enseignement privé, 0,25% sur les bénéfices des sociétés pétrolières, les banques, les compagnies d’assurances, les grandes surfaces et les pharmacies.

Outre le fait que tous les prélèvements pris sur les établissements, firmes et entreprises précitées se répercuteront sur le consommateur final qui verra ses charges augmenter et pourraient être un facteur aggravant l’inflation, la question qui se pose est : s’il est logique de taxer les établissements de l’enseignement privé, pourquoi inclure les pharmacies et les sociétés pétrolières dans la réforme de l’éducation. Les médicaments ne sont pas un luxe et les rendre encore plus chers pénalise le consommateur final tout comme il est plus logique de taxer les compagnies pétrolières pour le financement d’un fonds de préservation de l’environnement.

Dans un tout autre registre, nous pouvons citer les redevances sur les dérivés du lait qui seront appliqués à partir du mois de janvier 2024. Il s’agit de +1,500 millimes sur le kg de ricotta et +2,000 dinars sur le kg de la crème fraiche et autres dérivés ce qui aura pour conséquence l’augmentation des prix des pâtisseries. Cette mesure œuvrera-t-elle pour plus de disponibilité des produits laitiers sur le marché ? Attendons voir.

Pour la taxe carbone, l’augmentation variera de 5 à 10 millimes suivant la qualité et la catégorie du carburant.

Quelques points positifs sur le plan socio-économique

La nouvelle loi des Finances a aussi pris des mesures avantageuses et positives pour l’économie nationale. Nous pouvons citer l’article 44 instaurant la taxation de 1.200 produits turcs à hauteur de 75% à l’entrée en lieu et place de la totale exonération douanière (0%). La liste des produits en question n’a pas encore été définie et nous ne savons pas si des mesures d’accompagnement ont été prises pour encourager la production nationale et remplacer les produits turcs et éviter que le made in China, ne remplace pas rapidement le made in Turkey.

Décision a également été prise pour le report de l’application de la TVA de 19% sur le secteur immobilier à 2025 pour lui permettre de s’y préparer. Mais … Une année, est-ce suffisant pour aider au redressement et à la relance du secteur ?

“Il est important de suivre l’application de la loi des finances 2024 pour en évaluer la pertinence”, a déclaré un député.

Des encouragements ont été aussi consacrés aux jeunes opérateurs qui pourraient créer de nouvelles entreprises exonérées pendant 4 ans des impôts directs. L’article 19 porte création d’une ligne de financement de 20 MD au profit des catégories vulnérables et permet l’octroi de prêts sans intérêt n’excédant pas 10 mille dinars pour financer de petits projets.

L’article 22 stipule l’exemption des droits de douane sur les produits alimentaires des personnes qui souffrent d’une allergie au gluten de blé et l’article 23 permet la réduction des taxes sur les bus et les véhicules de 8 ou 9 places acquis par les associations actives dans l’accompagnement des personnes sans soutien familial, ce qui représente une décision importante pour une population souffrant d’une grande précarité.

La Loi des Finances 2024, n’a rien de révolutionnaire mais elle a eu le mérite de consacrer des mesures au profit de catégories socioprofessionnelles particulièrement vulnérables et aussi d’encourager les nouvelles économies vertes et circulaires en leur donnant plus de moyens.

Sa pertinence, si pertinence il y a, se verra à son application sur terrain. L’efficience économique étant tributaire des politiques adoptées pour les résultats attendus et souhaités.