L’évènement en matière d’autoproduction d’électricité propre a eu lieu, le 8 décembre 2023. Et pour cause. Le chef du gouvernement a publié, ce jour-là, un arrêté portant approbation du contrat type de transport de l’électricité produite par les sociétés d’autoproduction d’électricité à partir des énergies renouvelables (EnRs) et d’achat des excédents par la Société tunisienne de l’électricité et du gaz. Paru dans le JORT du 11 décembre 2023, cet arrêté, tant attendu, a un double but.

Objectifs de l’arrêté

Le premier vise à « fixer les conditions et les règles d’exercice  pour la société d’autoproduction, de son droit de faire transporter par la STEG l’énergie électrique produite par son unité de production raccordée au réseau de haute et moyenne tension jusqu’aux points de livraison de ses auto-consommateurs et du droit de vendre l’excédent de l’énergie électrique exclusivement à la STEG conformément à la législation en vigueur ».

Le deuxième objectif vise à promouvoir l’investissement dans les énergies renouvelables et à encourager les entreprises industrielles à le faire. Ces mêmes entreprises étant appelées dans les années à venir à utiliser au maximum l’électricité propre produite à partir des énergies vertes. C’est la tendance à l’échelle mondiale : l’impératif de produire propre.

L’arrêté définit les sociétés d’autoproduction comme des sociétés anonymes et ou à responsabilité limitée dont l’objet se limite exclusivement à la production et à la vente de l’électricité à parti des auto consommateurs. Ces derniers sont, pour leur part, définis comme « toute collectivité locale ou entreprise (publique et privée) opérant dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et  des services ».

“Les lois énergétiques forgent le chemin vers une Tunisie plus verte et autonome.”

Vers la fin du litige avec la STEG

Abstraction faite de ses éclairages, l’arrêté intervient à un moment opportun. Une fois appliqué, il devra mettre fin au litige qui oppose, depuis 2015,  les sociétés d’autoproduction à la STEG. Cette dernière voyait d’un mauvais œil ces sociétés. Elle y percevait des concurrents déloyaux qui prépareraient, d’après ses syndicats, la privatisation de l’entreprise.

A l’origine du litige, l’ambiguïté qui entourait les conditions de transport de l’électricité produite à partir des EnRs et l’exclusivité de la vente de l’électricité produite à la STEG avaient posé, au début, de sérieux problèmes aux développeurs indépendants et privés d’électricité provenant d’énergies vertes.

Il faut reconnaître que les syndicats de la STEG étaient en droit de refuser de prendre en charge tous les coûts de transport sur son réseau d’énergie électrique produite à partir des EnRs sans réaliser un quelconque bénéfice.

Entendre par-là que le transport de ce type d’énergie d’un lieu à un autre est tributaire du payement du coût du transport, et ce conformément à la loi du 11 mai 2015.

“L’harmonisation des textes est la clé pour catalyser le potentiel des énergies renouvelables.”

Cette loi est claire sur le sujet. Elle stipule que « le producteur d’électricité à partir des énergies renouvelables prend en charge toutes les dépenses relatives au raccordement de l’unité de production au réseau électrique national, ainsi que les frais de renforcement du réseau électrique national si cela est rendu nécessaire pour l’opération d’évacuation de l’énergie électrique qu’il produit. Elle stipule également que les projets de production d’électricité́ à partir des énergies renouvelables soient réalisés en vue de la vendre, en totalité́ et exclusivement, à l’organisme public qui s’engage à l’acheter, c’est-à-dire la STEG ».

Un arsenal juridique dense mais inefficace

Et pour ne rien oublier,  un mot sur la réglementation qui régit la production d’électricité à partir des énergies renouvelables. Cette réglementation est composée de plusieurs textes.

Il y a la loi du 11 mai 2015, texte principal qui définit le régime juridique relatif à la réalisation de projets de production d’électricité à partir d’énergies vertes. Ce texte légalise les initiatives de producteurs indépendants (collectivités locales, entreprises publiques, sociétés privées) et libéralise la production et l’exportation à travers trois régimes : l’autoconsommation, la production indépendante d’électricité pour répondre aux besoins de la consommation nationale et l’exportation.

“L’efficacité énergétique ne se mesure pas en mégawatts, mais en progrès durables.”

Interviennent d’autres textes dont le décret du 24 août 2016 qui fixe les conditions et modalités de réalisation de projets et de vente à la STEG (Société tunisienne de l’électricité et du gaz), le décret du 26 juillet 2017 relatif au fonctionnement et à l’organisation du Fonds de transition énergétique.

A signaler également deux arrêtés. Celui du 9 février 2017, qui instaure le cahier des charges du raccordement au réseau de la STEG, le contrat pour l’autoproduction et la PPA (parité du pouvoir d’achat) pour le régime des autorisations. Puis l’arrêté du 30 août 2018 portant approbation de la révision du contrat type de vente à la STEG de l’énergie électrique produite à partir des énergies renouvelables soumis à autorisation.

L’ensemble de ces textes, à défaut d’harmonisation et de coordination entre les acteurs concernés (développeurs, transporteurs d’électricité, syndicats…), aurait, selon les experts, flouté l’exploitation et la gestion des énergies renouvelables. C’est ce qui expliquerait, quelque part le retard qu’accuse la Tunisie dans le domaine des énergies vertes.