L’International Crisis Group (ICG), ONG internationale qui a pour mission affichée de prévenir les crises grâce à un travail de recherche sur le terrain, des analyses et des recommandations indépendantes, vient d’élaborer un rapport alarmiste sur la situation politique et socio- économique en Tunisie. Loin d’être objectif, le rapport reflète, globalement, l’animosité qu’éprouvent, depuis le coup de force constitutionnel du 25 juillet 2021, les partenaires occidentaux de la Tunisie (Etats unis, Union européenne…) vis-à-vis du régime autocratique et souverainiste du chef de l’Etat tunisien Kais Saïed.
Au commencement, le rapport brosse un tableau inquiétant de l’Etat des lieux, particulièrement, de la situation politique. « Depuis juillet 2021, date du coup de force du président Kaïs Saïed, relève le document, la Tunisie a pris un tournant autocratique dans un contexte de crise économique de plus en plus aigüe. Kaïs Saïed a accompagné sa tentative de mise en place d’un système autoritaire d’une rhétorique nationaliste belliqueuse».
Kaïs Saïed, le conservateur, serait d’extrême gauche
« inspiré d’une idéologie nationaliste et d’extrême gauche, le président joue sur le ressentiment de la population, à l’égard, notamment, de l’ancienne classe politique et des pays occidentaux, ce qui renforce sa popularité », lit-on dans le document.
Au plan interne, le rapport considère que l’opposition tunisienne a été « étouffée par la répression ».
« Les arrestations et les condamnations de personnalités, notamment politiques, relève le document, se sont accélérées en 2023 (…). Plus de 50 d’entre elles sont soit en prison pour divers chefs d’accusation, soit en exil et font l’objet de mandats d’arrêt internationaux ».
Et le rapport de poursuivre : « cette opposition est, aujourd’hui, désorganisée, divisée et détournée des questions politiques intérieures, tandis qu’une grande partie de la population essaie de survivre dans un contexte de dégradation économique et sociale ».
Crisis Group craint le retour à l’autoritarisme de Ben Ali
Le résultat à craindre d’après le rapport serait un retour en arrière. « Les Tunisiens ordinaires ont à nouveau peur de la répression alors que cette crainte avait disparu après le renversement du président Zine El Abidine Ben Ali dans le sillage du soulèvement de 2010-2011 ».
Pis, se faisant de manière scandaleuse écho de la propagande occidentale, Crisis Group, qui se dit indépendante, fait assumer à Kaïs Saïed « les actes de violence perpétrés contre les migrants subsahariens, et ce, par l’effet du « climat de violence créé dans le pays ».
Au plan économique, le rapport constate que « la résistance de Kaïes Saïed à l’influence occidentale l’a conduit à rejeter les conditions d’un prêt proposé par le Fonds monétaire international (FMI), qui pourrait stabiliser l’économie du pays en difficulté en équilibrant le budget, rétablissant ainsi la confiance des investisseurs ».
Crisis est convaincu que «le financement du Fonds monétaire international (FMI), accompagné de réformes économiques et politiques, offrirait une possibilité de sortie de crise, mais Tunis résiste ».
Sans accord avec le FMI, point de salut
Là aussi alarmiste à dessein, le rapport, sans fournir d’arguments solides, considère que « si la Tunisie ne parvient pas à un nouvel accord de financement avec le FMI, la probabilité d’un défaut de paiement sur sa dette extérieure en 2024 ou 2025 sera beaucoup plus élevée. Un défaut de paiement pourrait exacerber les risques de violence et mettre en péril une stabilité intérieure déjà fragile ».
Pour Crisis group la solution serait aux mains du FMI et des partenaires étrangers de la Tunisie. « Le FMI devrait assouplir les conditions de son financement, afin de réduire le risque de troubles sociaux. Les partenaires étrangers de la Tunisie devraient maintenir à l’ordre du jour les questions de gouvernance et de défense des droits humains. En cas de défaut de paiement, les bailleurs de fonds devraient être prêts à fournir une aide d’urgence ».
Crisis group recommande pour éviter le désastre économique et social qui en résulterait, le gouvernement et le FMI devraient travailler à un accord révisé qui assouplirait les exigences dommageables pour la stabilité, en termes de réduction des dépenses publiques et de mise en œuvre de réformes économiques ».
« Dans ces conditions, indique le rapport, la priorité des bailleurs de fonds et du FMI devrait être de ramener l’équipe de Kaïs Saïed à la table des négociations et de proposer à Tunis un accord révisé assorti de conditions moins strictes – à la fois pour aider à réduire l’éventualité de troubles sociaux et pour encourager Saïed à accepter un nouvel accord avec le FMI. Les chances de succès sont faibles, mais cette approche mérite d’être tentée ».
Crisis Group rejette toute solution interne
Parallèlement à cette alternative, le rapport rejette, sans fournir d’argumentaires persuasifs et crédible, toute possibilité de solution interne pour sortir de la crise « Ce serait une erreur, lit-on, dans le rapport. Même si les partisans de Kaïs Saïed et certains économistes estiment que la Tunisie pourrait trouver d’autres sources de devises (par exemple, les revenus générés par les transferts de fonds des tunisiens à l’étranger, du soutien financier des pays amis comme l’Algérie ou sur l’accroissement de l’exportation de phosphate et de pétrole), ces scénarios comportent leur part d’incertitude ».
Et Crisis group de préciser: «Les arguments selon lesquels la Tunisie pourrait être en mesure de faire face à un défaut de paiement – notamment, en puisant dans ses réserves de change pendant qu’elle rééchelonne rapidement sa dette – sont tout aussi bancals. Ils ne tiennent pas compte des scénarios dans lesquels les risques existants pourraient se matérialiser, notamment celui d’une dette intérieure considérable dont il pourrait être difficile d’assurer le service si le pays était confronté à un resserrement du crédit à la suite d’un défaut de paiement, et celui d’une inflation galopante. Le gouvernement pourrait déclencher ce second scénario s’il poussait la Banque centrale à recourir à la planche à billets pour payer ses créanciers nationaux ou les salaires des employés du secteur public».
Encore une fois catastrophiste, le rapport prévoit le pire. Il fait remarquer que « l’effondrement économique pourrait faire descendre les citoyens dans la rue, créer une compétition violente au sein des populations pour l’accès aux ressources limitées ».
Crisis Group aux ordres de ses sponsors
A regarder de près ce rapport nous ne pouvons pas nous interdire de relever sa non objectivité. Et pour cause. Ce rapport ne souffle pas un mot sur les responsabilités des parties qui ont conduit la Tunisie à cette situation peu reluisante.
Le rapport occulte, apparemment délibérément, la décennie chaotique qu’a connue la Tunisie sous le règne de l’Islam politique et de partis politiques sans réel ancrage politique que les occidentaux ont tout fait pour les imposer aux tunisiens.
Il ne se prononce pas non plus sur la responsabilité des islamistes dans l’émergence du terrorisme dans le pays, dans les attentats perpétrés contre les leaders politiques et dans la faillite de l’économie du pays.
Le rapport ne dit rien sur la résilience de l’économie tunisienne qui est parvenue, depuis 2019, à payer régulièrement ses dettes et à honorer ses engagements extérieurs, et ce en dépit, du blocage du prêt du FMI.
Cela pour dire in fine que l’ensemble de ces arguments viennent illustrer de manière éloquente, non seulement l’alignement de ce rapport sur les politiques occidentales hostiles à la Tunisie mais également sa non objectivité[Opinion quant il occulte délibérément des éléments d’analyses majeurs. Morale de l’histoire : ce rapport ne mérite pas qu’on s’y attarde.