L’une des principales responsabilités du FMI auquel la Tunisie a adhéré en 1958, consiste à suivre les politiques économiques et financières des pays membres et à leur dispenser des conseils dans le cadre de sa mission de surveillance. La «surveillance», qui s’exerce aux niveaux mondial et régional permet au Fonds de détecter les risques et de proposer des changements de politique de nature à soutenir la croissance économique et à favoriser la stabilité financière. En quelques mots : le FMI est un peu la banque centrale du monde puisqu’il veille à la stabilité du système monétaire international et exerce une surveillance sur les politiques de change.
Maintenant loin de toute polémique sur la nature réelle de la mission du FMI en tant qu’instrument des accords de Bretton Woods, qui ont mis en place un système monétaire mondial autour du dollar américain ou qui plaident en faveur du renforcement de l’impérialisme US sur la planète terre, il se trouve que la Tunisie en tant que membre du FMI, contribue au financement du Fonds et à ce titre, est en droit de bénéficier de prêts lorsque la situation économique l’exige. Accorder des prêts à court ou moyen terme pour aider les pays qui rencontrent des difficultés à respecter leurs obligations de paiement extérieur est au cœur même de la mission du FMI !
“Est-il possible pour la Tunisie de se libérer de sa dépendance financière sans compromettre son avenir économique ?”
Ceux qui semblent si fiers, si heureux de voir la Tunisie classée dans la liste négative du FMI, devraient peut-être modérer leur enthousiasme et arrêter de pavoiser parce que, in fine, négocier avec le FMI et imposer le point de vue de la Tunisie en matière de réformes est peut-être meilleur que mendier des prêts de parts et d’autres et en prime de pays arabes dont les ambitions est d’imposer à la Tunisie une vassalité pire que toutes les exigences que peuvent émettre les bailleurs de fonds internationaux !
L’une des réalisations de l’ère présente -Waw !!!- est d’isoler de plus en plus la Tunisie du monde sous prétexte de veiller sur la souveraineté économique du pays ! Mais …encore faut-il avoir une économie prospère pour prétendre pouvoir se libérer de toute dépendance ! Une mission presqu’impossible pour les puissances économiques du monde et qui relèverait du miracle pour un pays dépourvu de richesses naturelles, où le secteur privé subit une guerre sans merci de la part même de ceux qui représentent l’Etat et où les politiques d’affranchissement économique -puisqu’il s’agit bien de cela- sont presqu’inexistantes !
“Le refus de négocier avec le FMI : un acte de souveraineté ou une menace pour l’économie tunisienne ?”
C’est bien beau de crier au compter-sur-soi, mais c’est encore plus beau de disposer des moyens financiers et humains pour le faire, or en Tunisie, les finances sont dans un pire état et mêmes les compétences harcelées et désenchantées quittent le pays. Le refus de recevoir les délégations du FMI qui a engendré des retards sur les consultations traditionnelles opérées dans tous les pays du monde, en rapport avec les politiques monétaires et les plans de développement économiques, prive le pays des rapports d’évaluation qui permettent à ses prêteurs potentiels de pouvoir calculer les risques inhérents à sa capacité de rembourser ses dettes.
Maintenant quelles pourraient bien être les conséquences de cette décision ?
Rappelons, en prime, que la Tunisie prévoit, dans le cadre du budget 2024, la mobilisation de crédits à hauteur de 28,4 milliards de dinars, dont une enveloppe de l’ordre de 16,4 milliards de dinars à travers des emprunts extérieurs.
“Compter sur soi, mais à quel prix ? Les conséquences d’un isolement financier pour la Tunisie.”
Qui pourrait aujourd’hui prêter des montants de l’ordre de 5 milliards de $ à un pays sur lequel on ne connait pas grand-chose s’agissant de la réalité économique et des capacités financières ?
Comment les agences de notation pourraient le classer et dans quelles cases pourraient-elle le ranger si le FMI, lui-même, ne sait pas grand-chose et iraient-elle vers de nouvelles notations négatives ?
La Tunisie pourrait-elle lever des Fonds sur les marchés internationaux ? Trop difficile et ceci était valable avant même que le pays se trouve sur la liste négative du FMI !
Pire, il serait ardu pour la Tunisie de contracter des prêts dans le cadre de relations bilatérales car sa « mauvaise note » FMI, découragerait ses partenaires de les lui accorder !
Comment une Tunisie dont les difficultés de la balance des paiements sont de notoriété publique et qui arrive difficilement à régler les importations essentielles et à assurer le remboursement de sa dette extérieure pourrait continuer à approvisionner le marché en pétrole et produits de première nécessité si ses fournisseurs ne sont pas sûrs d’être payés ? Useront-ils de la formule le cash est roi pour exiger d’être payés avant toute livraison depuis le marché émetteur ?
“La souveraineté économique : un objectif ambitieux ou une illusion pour la Tunisie ?”
Les investisseurs internationaux qui boudent le site, rien qu’en voyant le traitement subi par les nationaux, dont l’image véhiculée et encouragée est celle « d’affairistes sulfureux », prendront-ils le risque d’investir dans un pays sans visibilité ?
Quelle sera la conséquence du verdict du FMI sur les relations des banques tunisiennes avec leurs correspondants si lui-même ne peut pas communiquer des informations ou rassurer sur le risque pays ? Et même au cas où les banques en question prennent le risque comment calculeraient-elle leurs commissions ? En les élevant de manière à le couvrir ?
Comment les banques nationales couvriront la hausse des commissions ? En les répercutant sur leurs clients importateurs publics ou privés lesquels, eux-mêmes, répercuteront sur le prix final ?
Contrairement à ce que prétendent certains faux experts populistes à souhait qui estiment que la décision du FMI n’aura aucun impact sur la Tunisie, la réalité, sauf volonté divine, est que le pays sera de plus en plus isolé sur le plan commercial, financier et celui des investissements !
Mais ce n’est pas grave ! Le mot d’ordre qui conduit toutes les actions gouvernementales est celui du compter sur soi quel que soit le prix et les conséquences sur le court, moyen et long terme, quel qu’en soit l’impact sur le tissu entrepreneurial et sur la santé financière des acteurs économiques, quelles que soient les entraves aux importations nécessaires tels les médicaments, céréales ou pétrole !
Ne sommes-nous pas souverains ? Maîtres du pays n’entendant que notre propre voix, ne nous soumettant à aucun dictat ?
Alors trinquons !
Amel Belhadj Ali