Le ministère des Affaires étrangères sous la férule de Nabil Ammar, affirme de plus en plus sa volonté de développer une diplomatie économique susceptible de conforter les relations économiques de la Tunisie avec ses partenaires traditionnels et en prime l’Europe mais aussi tenant à diversifier ses partenariats dans la logique de ne pas « mettre tous ses œufs dans le même panier ».
Les différentes visites de Nabil Ammar, ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’Etranger dans nombre de pays européens et arabes illustrent une volonté réelle d’initier des partenariats économiques avec des pays autres que les partenaires traditionnels de la Tunisie. Le MAE s’est, ainsi, déplacé en Hongrie, en Roumanie et en Russie, pays qui ne figurent pas au premier rang des partenaires commerciaux de la Tunisie mais qui nous rappellent que l’Europe, c’est 50 pays et l’union européenne 28 pays soit un grand marché offrant plus d’opportunités. Le ministre s’est aussi rendu en Arabie Saoudite où il a signé un accord pour un prêt de 400 millions de $ et un don de 100 millions de $.
Le ministère s’est doté d’une direction générale, chargée de la diplomatie économique en 2018. Aujourd’hui, elle dispose de prérogatives renforcées en vertu de l’arrêté 531 du 20 juillet 2023. Les missions diplomatiques à l’étranger ont été appelées à mettre en place des stratégies comprenant des actions promotionnelles en faveur du site Tunisie axant sur les opportunités d’affaires, les secteurs exportateurs et les avantages accordés aux investisseurs. Le ministère a initié un programme de coordination entre les différents acteurs économiques publics et privés pour unifier les stratégies promotionnelles œuvrant pour le « Tous pour un, un pour tous » en lieu et place du « Chacun pour soi » !
Les missions diplomatiques à l’étranger ont été appelées à mettre en place des stratégies comprenant des actions promotionnelles en faveur du site Tunisie axant sur les opportunités d’affaires
Les différentes représentations diplomatiques ont été appelées à tisser et renforcer les liens avec la diaspora qui fourmilles de hautes compétences et d’élites bien placées à l’international, le but est de l’impliquer dans la promotion économique et culturelle de la Tunisie.
Le ministère a aussi cherché à élargir les accords-cadres de coopération et de partenariat avec les institutions nationales qui ont des représentations à l’étranger dont le CEPEX, la TIA (Tunisian Investment Agency) et l’ONTT.
Le MAE s’est également concerté avec les douanes nationales, les hommes d’affaires et les chambres de commerce pour des missions économiques plus structurées à l’international. A cet effet, un accord de coopération et de partenariat a été signé avec les deux organisations patronales : UTICA et Connect ainsi qu’avec l’Institut arabe des Chefs d’Entreprises : IACE.
Sur un tout autre plan, le MAE n’a pas hésité via la direction générale de la diplomatie économique à user de son réseau à l’international pour assurer l’approvisionnement de la Tunisie en céréales et fourrages le réseau diplomatique à l’étranger pour rechercher des producteurs de céréales. « Le dossier des céréales et fourrages sera inscrit sur l’agenda des accords bilatéraux programmés pour l’année 2024 ».
Le MAE, a-t-il les moyens de ses ambitions ?
Autant d’actions, qui plaident en faveur du renforcement du volet diplomatie économique au sein du MAE, ne doivent pas nous empêcher nous poser certaines questions :
– Les efforts louables du MAE et la volonté manifeste de Nabil Ammar de développer une diplomatie économique efficace au service des intérêts supérieurs du pays, arriveront-ils à calmer les tensions avec certains partenaires traditionnels de la Tunisie qui restent importants pour l’économie nationale dont la France et l’Allemagne ?
– Une diplomatie économique efficace exige des moyens financiers énormes pour doter les chancelleries d’attachés économiques, et pour l’organisation de manifestations et d’actions économiques d’éclat sachant quele budget du MAE ne dépasse pas le 0,59% du budget de l’Etat ? En un mot : le MAE a-t-il les moyens de ses ambitions et pourra-t-il réussir un « National Branding »porteur pour le site Tunisie ?
– Après l’élimination de l’ATCE, qui, malgré sa dimension propagandiste au profit du président Ben Ali faisait du beau travail pour valoriser l’image de marque de la Tunisie à l’international et la préserver contre les campagnes de dénigrement organisées par des lobbyistes au service de pays concurrents, aujourd’hui la Tunisie ne dispose d’aucune institution dédiée à la communication extérieure, comment dans ce cas soigner son image et la préserver alors qu’elle est la cible d’attaques venant de toutes parts ?
La diplomatie économique consiste en la recherche de réalisations économiques par des moyens diplomatiques à travers une combinaison savante entre la diplomatie, fonction régalienne exercé par l’Etat et sa fonction commerciale, l’Etat tunisien devrait peut-être commencer par consacrer un budget promotionnel conséquent pour assurer le rayonnement du pays à l’international mais plus que tout, il devrait définir des choix économiques claires et défendables loin des déclarations d’intentions et des diatribes verbales populistes.
La diplomatie économique consiste en la recherche de réalisations économiques par des moyens diplomatiques à travers une combinaison savante entre la diplomatie
Cela étant, nous ne pouvons ignorer les efforts déployés ces dernières années pour mettre un pied dans le marché africain. La Tunisie a ouvert des ambassades au Burkina Faso et au Kenya, a accru ses dessertes aériennes en direction de l’Afrique réalisant le potentiel de la clientèle africaine, dans les filières de la formation et de la santé. Elle a également intégré le COMESA en 2018 et est membre observateur de la CEDAO depuis 2017.
Reste que notre pays est un partenaire privilégié de l’Union européenne, de loin son principal partenaire économique (près de 80% de ses échanges commerciaux). Il a également été pendant longtemps un des premiers bénéficiaires de l’aide européenne et des programmes d’accompagnement européens.
La Tunisie est un site de prédilection pour les entreprises françaises présente par centaines sur place, c’est un pont pour l’Italie sur la Méditerranée et une plateforme productive importante pour les sociétés italiennes. L’Italie est le premier partenaire commercial de la Tunisie avec un excédent de la balance commerciale et son deuxième client et investisseur après la France. ainsi que le deuxième fournisseur de la Tunisie, avec un commerce bilatéral d’environ 7.1 milliards d’euro. L’Allemagne est aussi un partenaire très important pour la Tunisie. En 2022, ses investissements se sont élevés à près de 300 MD.
Ceci pour dire que si la diplomatie économique doit se donner les moyens de faire de nouvelles conquêtes sur l’échiquier économique international, elle doit aussi œuvrer à préserver ses alliances traditionnelles. Si la Tunisie veut être un aimant pour les investissements étrangers, il va falloir offrir un environnement accueillant, juridiquement sûr et surtout prouver qu’elle sait garder ceux qui lui ont fait confiance.
A bon entendeur