Selon l’INS, les exportations 2023 ont, aux prix courants, progressé de 7,9% contre +23,4% en 2022 atteignant 62.077,3 MD contre 57.557,5 MD en 2022. Les importations ont enregistré une baisse de -4,4% alors que la hausse était de 31,7% en 2022. En valeur, les importations ont atteint 79.146,3 MD contre 82.788,9 MD durant l’année 2022.
Résultat : le déficit commercial s’est allégé pour s’établir à un niveau de -17.069 MD contre -25.231,4 MD durant l’année 2022. Le taux de couverture a gagné 8,9 points par rapport à l’année 2022 pour s’établir à 78,4%. Des réalisations rassurantes si nous considérons peu importantes certaines pénuries sur le marché national tels les intrants, médicaments ou denrées alimentaires.
La Banque mondiale apprécie les développements positifs de l’économie tunisienne comme l’amélioration des termes des échanges commerciaux et la reprise du secteur touristique mais prévient quant aux risques liés à l’évolution de la sécheresse, aux conditions de financement et au rythme des réformes.
“La Tunisie qui aborde 2024 avec le passif de plus d’une décennie d’un lent décrochage ne peut se permettre d’esquiver le débat sur les transformations disruptives de son modèle économique et social.” – Hechmi Alaya
L’augmentation des exportations du secteur textile, des industries mécaniques et de l’huile d’olive associée à la croissance des exportations touristiques, ont contribué à atténuer le déficit extérieur mais une croissance économique qui crée de la richesse et de l’emploi n’est pas encore à l’ordre du jour et ce ne sont pas les 2,4% de croissance prévus en 2024 qui changeront la donne ou amélioreront la qualité de vie et le pouvoir d’achat des Tunisiens.
“Loin des indicateurs économiques classiques, l’avenir de la Tunisie réside dans des transformations fortes et audacieuses.”
C’est ce que semble dire Hechmi Alaya, économiste émérite dont la voix ne semble pas parvenir aux décideurs politiques. « La Tunisie qui aborde 2024 avec le passif de plus d’une décennie d’un lent décrochage, ne peut se permettre d’esquiver le débat sur les transformations disruptives de son modèle économique et social. Les Tunisiens ne peuvent s’en remettre à̀ la peur du changement sous peine de passer à̀ côté́ des vrais problèmes qui sont à̀ l’origine de la baisse de leur niveau de vie qui se retrouve aujourd’hui -en termes de PIB réel par tête d’habitant- au niveau d’il y a dix ans : 7822 dinars vs 7833 dinars en 2013 et du chômage de leurs enfants : plus de quatre jeunes de 15-24 ans, sur dix est sans emploi ».
L’anticapitalisme primaire « faussement égalitariste » prôné par les politiques aujourd’hui ne pourra pas assurer à la Tunisie la relance économique dont elle ardemment besoin…. La vraie souveraineté exige des transformations fortes et audacieuses ».
Comment construire la Tunisie de demain sans une éducation de qualité ?
Loin des indicateurs économiques classiques, résultant des choix ou des stratégies prônés à tort ou à raison par l’Etat, il va falloir que la Tunisie se tourne vers un secteur à la base de tout progrès dans le pays : l’EDUCATION.
Parmi les investissements et les transformations à faire au plus tôt, ceux en rapport avec l’éducation nationale, un secteur dont on ne parle pas beaucoup mais capital pour le développement du pays. L’héritage de plus de 30 ans de mauvais choix exacerbé par 10 ans post 14 janvier, la dégradation de la formation des enseignants et de la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves conjuguées à l’abandon scolaire représente un véritable drame pour un pays qui n’a pu avancer que grâce à ses compétences.
il va falloir que la Tunisie se tourne vers un secteur à la base de tout progrès dans le pays : L’EDUCATION
Lorsqu’on entend dire qu’un élève sur trois entre 7 et 14 ans ne possède pas les compétences en matière de lecture et que 3 élèves sur 4 manquent de compétences en mathématiques, on peut dire adieu aux médecins, aux ingénieurs et à toutes les disciplines scientifiques qui peuvent projeter le pays dans un futur de hautes technologies et d’innovation, l’industrie 4.0, la robotique etc.
Selon une étude réalisée par la Fondation européenne pour la formation en 2019, trois entreprises sur quatre, en Tunisie, ont fait état de difficultés à trouver des candidats suffisamment qualifiés. « Les employeurs sont à la recherche de travailleurs qualifiés et de techniciens spécialisés, dans les secteurs du textile, de l’hôtellerie et de la restauration, du bâtiment et des TIC. Les profils moyennement et hautement qualifiés sont particulièrement touchés par le phénomène de « fuite des cerveaux » (migration des personnes à haut niveau de qualification). L’inadéquation entre les compétences des travailleurs et celles recherchées sur le marché du travail tunisien, dans ses multiples dimensions, continue de peser sur le développement économique et empêche une utilisation plus efficace du capital humain. Un certain nombre d’initiatives ont été lancées pour favoriser l’emploi des jeunes diplômés dont le plan Tunisie Digitale 2020, qui vise à développer les infrastructures de TIC et les services liés aux TIC dans tout le pays ».
“Peut-on parler de souveraineté économique si notre capital humain est en perte de vitesse ?”
Cela reste insuffisant en l’absence d’une prise de conscience réelle du drame de la dégradation de l’éducation de l’enseignement public en Tunisie et de l’incapacité désormais du pays à intégrer l’élément compétences et capital humain en tant que facteur d’attraction pour le site.
La situation de l’éducation en Tunisie exige une réunion du Conseil de sécurité nationale et des décisions à prendre au plus tôt. La seule volonté d’un ministre animé par de grandes ambitions ne suffit pas, c’est une stratégie nationale menée au plus haut de la pyramide de l’Etat qui doit être faite. Comment construire la Tunisie de demain sans une éducation de qualité ?
“L’éducation, socle de tout progrès, doit être au cœur des priorités pour construire la Tunisie de demain.”
Les atouts majeurs de la Tunisie qu’on ne cesse de mettre en avant, talents et cerveaux, bilinguisme ou trilinguisme sont sérieusement menacés et le pays ne pourrait les récupérer que par des mesures révolutionnaires et des moyens adéquats.
Hechmi Alaya parle d’un projet où la recherche d’une vraie croissance inclusive permettra de réduire les inégalités à travers le rétablissement de la capacité de l’Etat à assurer des services publics de qualité́ -éducation, santé, justice et police- et sur un secteur privé débarrassé des entraves bureaucratiques. Un projet où la reconquête de la souveraineté́ rime avec le rétablissement de la capacité de l’Etat à entreprendre les vraies transformations structurelles pour réduire la dépendance alimentaire et énergétique du pays, favoriser la compétitivité́ des entreprises pour réduire le déficit extérieur et l’engagement du Tunisien au travail et la productivité́ pour réduire sa dépendance à l’Etat et réhabiliter l’attractivité́ du pays.
“Hechmi Alaya prône un projet où la recherche d’une vraie croissance inclusive réduira les inégalités par le rétablissement de services publics de qualité et un secteur privé débarrassé des entraves bureaucratiques.”
Rien de cela ne pourra se faire sans un capital humain performant, lequel capital ne peut se construire sans une éducation de qualité depuis la formation des enseignants et jusqu’à l’apprentissage dispensée aux élèves.
Pouvons-nous parler de souveraineté économique si notre capital humain est en perte de vitesse ?