Qu’est ce qui interdit à la Tunisie de prendre les mesures adéquates pour engager les réformes indispensables pour redonner vie à une économie en berne, donner un coup de fouet à l’investissement et améliorer le climat d’affaires ? Rien ! Si ce n’est une peur des troubles sociaux qui finiront par arriver, malgré tous les efforts déployés afin de les éviter et une vision économique réduite à un égalitarisme primaire où faute de tout mettre en œuvre pour créer de la richesse, on met tout en œuvre pour perpétuer l’état de pauvreté !
Pour preuve, la proposition de loi visant à imposer à la Banque centrale de Tunisie, d’octroyer un prêt de 7 milliards de dinars à l’exécutif et peut-être bien une révision de la loi 2016 instituant l’autonomie de la BCT et qui pourrait bien mettre l’institution chargée de veiller sur les équilibres monétaires du pays sous la coupe de l’exécutif !
Les risques ? Parlons-en !
Des experts en finance et en économie qui n’osent plus dévoiler leurs noms crient au scandale ! « Toute forme de financement par la BCT du budget de l’Etat à travers les banques ou de manière directe ne peut porter qu’un seul nom : la planche à billet ! »
Il y’a eu des précédents dans notre pays. En 2020, pour faire face à la crise financière consécutive à la pandémie Covid+, la BCT a accordé à l’Etat une facilité de crédit de 2,8 milliards de dinars. Ce fût à travers une loi adoptée par l’ancien parlement. Pour les opposants à ces pratiques, cette réforme revient à ouvrir la boîte de Pandore de l’inflation.
“Faute de réformes courageuses, on incite au laxisme budgétaire.” – Experts financiers
Qu’à cela ne tienne ! L’augmentation du taux d’intérêt directeur à 8% a freiné la fièvre consommatrice des Tunisiens et modéré les ambitions des porteurs de projets.
Aujourd’hui, récidive et cette fois-ci la somme est astronomique ! Une question se pose toutefois : lorsque la BCT accorde autant de milliard de dinars au gouvernement, d’où les amène-t-elle ? La réponse est que dans l’état actuel des choses, on est en train de créer de la monnaie à partir de rien, de la monnaie ex nihilo. Une pratique actuellement interdite dans la zone euro.
Faute de réformes courageuses, on incite au laxisme budgétaire !
L’injection de liquidités dans l’économie et un gonflement de la masse monétaire peuvent « générer un comportement de laxisme budgétaire et de financement systématique du déficit public par la banque centrale qui finirait par provoquer des tensions inflationnistes via une surchauffe de l’activité économique et une dépréciation de la monnaie » estiment les experts financiers.
“Ces bouffées d’oxygène pour un budget déficitaire risquent fort bien de se transformer en un poison pour l’économie nationale.” – Experts financiers
Ces bouffées d’oxygène pour un budget déficitaire risquent fort bien de se transformer en un poison pour l’économie nationale car comment expliquer des créations monétaires sans une dynamique économique créatrice de richesses ?
Auparavant, les banques achetaient les bons de trésor de l’Etat, finançaient le trésor public et la BCT couvrait les montants pourvus. Le risque est assumé par les banques commerciales et non par la banque centrale. Les banques commerciales, seules habilitées à faire des crédits et à recevoir des dépôts et censées être les seules à créer de la monnaie.
Toutefois l’endettement de l’Etat tunisien auprès des banques est tellement élevé que certaines d’entre elles ont vu leurs notations dégradées par Moody’s.
“Autant accorder des prêts aux banques et rester dans son rôle de régulateur du marché financier, que de prêter à un Etat, qui n’ose prendre les bonnes décisions pour une relance économique efficiente, et c’est elle (la BCT) qui va devoir assumer les risques d’un défaut de paiement.” – Expert en économie
Maintenant que l’Etat a décidé de puiser directement dans la caisse de la BCT, il faut espérer que les décideurs politiques ont calculé le risque. Un risque pesant sur le bilan de la banque centrale qui va entièrement l’assumer sachant qu’elle prête à un ETAT noté CCC-.
Autant accorder des prêts aux banques et rester dans son rôle de régulateur du marché financier, que de prêter à un Etat, qui n’ose prendre les bonnes décisions pour une relance économique efficiente, et c’est elle (la BCT) qui va devoir assumer les risques d’un défaut de paiement.
“N’y a-t-il pas un cerveau économique capable de raisonner l’Etat dans la Tunisie des compétences ?” – Citoyen tunisien
Autre risque : bonjour l’inflation ! Une inflation à 2 chiffres et une dévaluation du dinar mais comme on ne peut créer des devises, il faut s’attendre à ce que les réserves de change chutent parce qu’il faut bien honorer les engagements de l’Etat pour le remboursement des prêts internationaux et importer les besoins du pays en produits de base, hydrocarbures, médicaments, intrants etc.
Pour précision, au mois de février l’Etat tunisien doit rembourser 850 millions d’euros, avec un calendrier des échéances des dettes de la Tunisie qui va jusqu’en 2035 ! C’est dire que par refus ou incapacité d’engager les bonnes réformes pour une véritable relance économique, on risque fort de mettre en péril l’avenir du pays.
N’y -a-t-il pas un cerveau économique capable de raisonner l’Etat dans la Tunisie des compétences ?