« Un Etat qui pédale le nez dans le guidon, sans vision pour l’intérêt bien compris du présent et de l’avenir du pays » cela résume la stratégie économique de la Tunisie dite par Hechmi Alaya dans le dernier numéro d’Ecoweek. Hechmi Alaya y parle aussi des risques pris par l’Etat en imposant à la BCT le financement du budget par un prêt direct de 7 milliards de dinars.
L’éminent économiste, qui n’est pas un faux expert, de ceux dont le rôle est de rassurer certains décideurs publics, preneurs de mauvaises décisions, sur leur fausse démarche, précise que 20,3% du déficit des transactions courantes des cinq dernières années (2018-2022) a été́ couvert par les entrées nettes de capitaux d’investissements étrangers et « qu’empiéter sur l’indépendance de la Banque centrale, c’est aggraver le phénomène de fuite des investissements étrangers. Un abandon déjà à l’œuvre depuis des années ».
Paradoxalement, l’enquête menée par la Chambre de Commerce et d’Industrie Tuniso-française parle d’un vent d’optimisme pour 2024. Ainsi, plus de 43% des entreprises envisagent une augmentation de leurs investissements, 30% s’orientent vers des investissements stables et 27% seulement envisagent des investissements en baisse pour l’année 2024. Pour la majeure partie des entreprises françaises et tunisiennes, l’année 2024 se veut être une année de relance des investissements.
“Un Etat qui pédale le nez dans le guidon, sans vision pour l’intérêt bien compris du présent et de l’avenir du pays” – Hechmi Alaya, économiste
Les chiffres illustrant les performances des entreprises concernées par l’enquête, dans l’ensemble assez positifs, traduisent la résilience des entreprises tunisiennes et françaises dans un contexte économique difficile a rapporté Mohamed Louzir, secrétaire général de la CCITF lors d’une conférence de presse consacrée à la présentation du résultat de l’enquête, en présence de Khalil Chaibi, président de la Chambre.
Ainsi, alors que Hechmi Alaya, parle de la baisse du moral des chefs d’entreprises industrielles au dernier trimestre de l’année 2023. Une baisse particulièrement importante dans les industries agroalimentaires, dans les industries du textile, de l’habillement & du cuir ainsi que dans les industries des matériaux de construction, à la CCITF, les entreprises prévoient une année 2024 positive et optimiste en matière de chiffre d’affaires.
“Empiéter sur l’indépendance de la Banque centrale, c’est aggraver le phénomène de fuite des investissements étrangers” – Hechmi Alaya, économiste
Alors que dans Ecoweek, on parle de la détérioration de la situation des entreprises industrielles exportatrices (industries du textile & de l’habillement et industries mécaniques & électriques), mais aussi des industries opérant sur le marché́ local qui ne sont pas épargnées et souffrent manifestement de l’inflation et de la détérioration du pouvoir d’achat, 55% des entreprises sondées et affiliées à la CCITF envisagent une amélioration de leur chiffre d’affaires alors qu’un tiers le prévoit stable (30%). Enfin, seulement 15% des entreprises envisagent une baisse de leur chiffre d’affaires.
S’agissant des échanges commerciaux avec la France en 2024, plus de 42% des entreprises prévoient une amélioration en 2024, 32% envisagent une stabilité de leurs échanges et 14% des entreprises envisagent une baisse des échanges commerciaux.
Le climat d’affaires toujours aussi contesté conjuguée à une pression fiscale oppressive
Selon l’enquête réalisée par la CCITF, 59% des entrepreneurs prévoient un environnement économique défavorable en 2024, c’est seulement une amélioration de 13 points par rapport à 2023. L’environnement social en 2024 pourrait aussi se révéler défavorable pour 48% des entreprises alors que 42% envisagent un climat social stable. L’environnement politique pourrait, au même titre, s’avérer défavorable pour une courte majorité des répondants (53%), soit une amélioration de 9 points par rapport à 2023
Les principaux facteurs impactant les activités des entreprises sont la pression fiscale dénoncée par 69% des sondés, la situation économique et les formalités administratives.
Les mesures les plus souhaitées pour stimuler l’activité économique comprennent de nouvelles incitations financières et fiscales et un allègement des procédures administratives. La pression ou oppression fiscale sont devenues telles que beaucoup de très petites entreprises ou TPE fuient aujourd’hui le formel pour se réfugier dans l’informel.
“Le climat d’affaires en Tunisie est toujours aussi contesté, conjugué à une pression fiscale oppressive” – Enquête CCITF
Une anecdote racontée par un jeune opérateur s’adressant à un agent du fisc : pourquoi me harceler alors que vous voyez devant vous tous ces étals dans la rue de toutes sortes de produits qui gagnent beaucoup et ne paient rien : « Monsieur, je ne suis pas concerné par ce qu’ils font, ils ne figurent pas dans mes registres ».
Une réponse sommes toutes logique, mais injuste pour tous ceux et celles qui s’acquittent de leurs impôts et de leurs devoirs envers l’Etat alors que ceux qui opèrent dans le noir s’enrichissent de plus en plus et ne sont nullement inquiétés !
Le parallèle prendra-t-il le pas sur l’économie formelle et les contrebandiers et travailleurs dans le noir prendront-ils la place des opérateurs économiques inscrits sur les listes du RNE ?
Ceci alors que l’objectif annoncé de la loi des finances 2024 est de diversifier et élargir l’assiette fiscale, d’intégrer le secteur informel et de lutter contre l’évasion fiscale.
Les experts économiques s’attendent, pour leur part à ce que le ratio recettes fiscales et non fiscales par rapport au PIB se stabilisent à 27,2% en 2025-2026 après avoir culminé à 28,6% en 2023.
L’Etat dans ce cas, devrait trouver d’autres ressources pour approvisionner ses caisses autres que les recettes fiscales ! Le dicton « Trop d’impôts tue l’impôt », n’aurait jamais eu autant de sens que pendant cette phase très délicate par laquelle passe l’économie tunisienne !