Impliquer les caisses de sécurité sociale dans l’octroi des crédits à leurs affiliés malgré la crise financière qu’elles traversent actuellement, contribuera à diversifier leurs revenus et ne risque pas de perturber le fonctionnement des banques de la place, estime l’expert économique Moez Hadidane.
Dans une déclaration à TAP, l’expert a précisé que la réussite de cette opération reste tributaire de la mise en place de la logistique et les structures nécessaires en matière de suivi et de gestion des risques de défaut de payement.
Le rapport sur les entreprises publiques annexé au budget de l’État pour l’année 2024 et publié par le ministère des finances, qualifie la situation financière des caisses de sécurité sociale de «précaire», rappelle l’expert.
A fin 2022, la CNRPS a affiché des fonds propres de – 3377 millions de dinars, un résultat net de -578,7 millions de dinars, un total bilan de 2140 millions de dinars, un total passif de 5517 millions de dinars, des concours bancaires de court terme de 216 millions de dinars et une trésorerie positive de 402,7 millions de dinars.
La CNSS a affiché des fonds propres estimés à -3433 millions de dinars (fin 2022), un résultat net de -961,5 millions de dinars, un total bilan de 5572 millions de dinars, un total passif de 9972,7 millions de dinars, des concours bancaires de court terme de zéro dinars et une trésorerie positive de 521,5 millions de dinars.
La dette des deux caisses de sécurité sociale envers la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie), a atteint 8787,7 millions de dinars, au cours de la meme période.
Toujours selon le même rapport, les revenus des placements des caisses de sécurité sociale pour 2022 sont restés timides avec respectivement 7,8 millions de dinars pour la CNRPS et 42,3 millions de dinars pour la CNSS.
Sur la base de ces indicateurs financiers, Hadidane a fait valoir qu’impliquer les caisses de la sécurité sociale dans l’octroi des crédits à leurs affiliés peut contribuer à diversifier leurs revenus et ne risque en aucun cas de perturber le fonctionnement des banques de la place, étant donné la taille des crédits programmés, soit 90 millions de dinars.
Concernant la CNRPS, qui compte 700 mille affiliés actifs et 400 mille retraités, le nouveau schéma, prévoit trois types de crédits : crédits personnels, crédits autos et crédits logements.
Les charges de remboursement afférentes à l’ensemble des prêts accordés à l’assuré social ne doivent pas dépasser 40% du salaire déclaré.
Pour les crédits personnels, la CNRPS accordera des montants dans la limite de 25 mille dinars selon la capacité de remboursement de l’affilié, (contre deux salaires et demi auparavant), à rembourser sur trois années, (au lieu d’une année auparavant), avec un taux d’intérêt fixe de 8,25 % et non variable.
S’agissant des prêts véhicules, la CNRPS accordera des prêts dans la limite de 50 mille dinars (contre 10 mille dinars auparavant), remboursable sur cinq ans avec un taux d’intérêt fixe de 10% à condition que la voiture soit achetée chez un concessionnaire ou que le certificat d’immatriculation automobile du véhicule (carte grise) remonte à deux années seulement.
En ce qui concerne les prêts logements, leurs modalités sont encore à l’étude. Toutefois, le projet prévoit au moins d’activer l’ancien régime, soit des crédits de 15 mille dinars (avec possibilité de les porter à 100 mille dinars selon le projet en étude), remboursables sur 20 ans, à un taux d’intérêts fixe de 6,75%.
Fin du monopole des banques commerciales
Pour l’expert, les nouveaux prêts qui seront accordés par la CNRPS et la CNSS ne peuvent en aucun cas signer la fin du monopole des banques commerciales qui imposent des conditions strictes pour l’octroi des crédits.
Les montants qui devront être alloués par les deux caisses ne répondront pas à la demande totale du marché, a-t-il expliqué, estimant que c’est une alternative positive pour les salariés qui ne peuvent obtenir de crédit auprès des banques.
« Cette décision aura un impact sur les Tunisiens, d’autant plus qu’un bon nombre d’entre eux sont surendettés, en témoigne leur recours excessif à des avances sur salaire à court terme », a-t-il indiqué.
De toute façon, précise encore Hadidane, « les affiliés surendettés ne peuvent obtenir de crédit auprès des caisses si le remboursement dépasse 40% de leur salaire ».
S’agissant de l’impact économique de cette décision, l’expert estime qu’elle (décision) favorisera l’inclusion financière des affiliés et permettra de diversifier les revenus des caisses de sécurité sociale.
En revanche, les taux d’intérêt des crédits personnels et autos aurait du être indexé sur le TMM, pour éviter un manque à gagner des bénéficiaires en cas de baisse future des taux, a-t-il fait savoir.
Pour Hadidane, globalement les crédits des caisses de retraites peuvent servir d’apport en autofinancement pour obtenir le reliquat auprès des banques à condition de ne pas dépasser la règle des 40%. En revanche, a-t-il conclu, on aurait du impliquer également la poste en matière d’octroi de crédits de taille similaire.
Il s’agit, également, de créer des synergies avec les banques en cas d’unification de la centrale des risques. Ces crédits permettront aussi de réduire le recours aux crédits à taux exorbitants pratiqués par les structures de micro-finances, souligne Hadidane.