Sur le dernier rapport Moyen-Orient et Afrique du Nord N°243 de décembre 2023 publié par le Think tank « International Crisis Group » consacré à la Tunisie et intitulé : « Tunisie, éviter le défaut de paiement et préserver la paix » nous pouvons lire ce qui suit : Un Tunisien pro-Saïed a déclaré que de nombreuses personnes défavorisées espéraient que les riches allaient s’appauvrir, « parce que si tout le monde s’appauvrit, la société deviendra plus juste ».
Un habitant de Sfax a déclaré que certains essayaient de se convaincre que «les citoyens récupèreraient l’argent que les décideurs précédents avaient détourner» une fois que le projet de Kaïs Saïed aura abouti !
La vision de Kaïs Saïed pour la Tunisie serait-elle plus de paupérisation pour plus d’égalité ?
Nous ne pouvons croire que le discours du président apprécié par les défavorisés, les déçus et les démunis soit celui qu’il veut pour le pays. Un leader n’est-il pas censé tracer le chemin de la prospérité, de l’aisance et même de l’opulence pour ses concitoyens ? N’est-il pas censé donner aux plus pauvres les moyens de devenir plus riches ? Ne doit-il pas créer un modèle économique permettant au pays de sortir de la pauvreté par la création de la richesse, le développement économique, la croissance et la lutte contre le chômage ?
En fait, si lutte, il doit y avoir, ne devrait elle pas être surtout celle contre la pauvreté ?
L’inspirateur symbolisant la justice et l’égalité en Islam « Omar Ibnou Al Khattab », ne s’est-il pas écrié un jour « Si la pauvreté avait été un homme, je l’aurais tué » ? Alors pourquoi, s’acharne-t-on à tuer toute velléité de richesse, de mieux-être et vivre, la libre initiative et l’ambition sous différents titres et en prime, celui de la lutte contre la corruption, les mettant presque tous dans le même sac et considérant les victimes innocentes de cette lutte aveugle comme un dommage collatéral ? Pourquoi la Tunisie est-elle devenue incapable de créer de la richesse ?
“Si la pauvreté avait été un homme, je l’aurais tué.” – Omar Ibnou Al Khattab
Hechmi Alaya, que nous citons souvent parce que l’un des rares économistes qui osent parler de la réalité économique de la Tunisie, rappelle dans le dernier numéro d’Ecoweek qu’avec 2024, la Tunisie aborde la 17ème année d’une crise économique qui perdure et presque deux décennies tout au long desquelles elle a vécu au-dessus de ses moyens sacrifiant son avenir et en prime l’investissement !
D’ailleurs au train où vont les choses, on finira par croire qu’investir en Tunisie est un anathème ! Car outre les procédures administratives lourdes et interminables même l’accompagnement des investisseurs par les banques est devenu « condamnable » tant par certains discours populistes. Ceux qu’on appelle « les bechmergas » des réseaux sociaux en Tunisie auraient pour mission principale l’attaque sur la base très souvent de délations, des banquiers, investisseurs et hauts cadres administratifs avisés et clairvoyants faisant l’amalgame avec certains coupables d’avoir enfreint les lois ou de s’être adonnés à de mauvaises pratiques !
Comment un Etat peut faire de l’investissement public lorsque ses trois banques sont handicapées par les réglementations et les procès ?
Les trois plus grandes banques publiques, qui représentent plus de 41% des actifs totaux du secteur bancaire, souffrent aujourd’hui d’avoir osé accompagner des investisseurs parce que croyant aux projets porteurs et pensant avoir la liberté de concurrencer les banques privées.
Des cadres bancaires comparaissent régulièrement devant des brigades spécialisées dans les infractions économiques. Un banquier, qui préfère taire son nom, s’est indigné : « Il est triste de voir la crème de la clientèle ainsi que des cadres de très haute facture victimes de dossiers sans grande consistance, harcelés par la justice, fuir les banques publiques qui évoluaient positivement et déployaient d’énormes efforts pour sortir du dilemme des créances accrochées et s’imposer en tant que leaders sur la scène financière nationale ».
“Investir pour une entreprise est un acte qui témoigne d’une certaine confiance dans le présent et l’avenir du pays.” – Hechmi Alaya
Les intentions d’investissement n’ont jamais été aussi anémiques déplore Hechmi Alaya. «Investir pour une entreprise est un acte qui témoigne d’une certaine confiance dans le présent et l’avenir du pays, un gage que demain les richesses et les emplois seront plus abondants. De ce point de vue, les données publiées par l’Agence en charge de la promotion des investissements industriels ne sont guère rassurantes.
Jamais l’APII n’a enregistré des intentions d’investissement aussi faibles depuis l’année 2010 : près de onze mille projets dans l’industrie et dans les services d’un coût total en dinars courants, d’un peu plus de 3 milliards de dinars (3051,3 MDT) soit bien moins que les 4 milliards (3956,1 MDT) de 2010. Des projets qui envisagent la création de 69.250 emplois contre plus de 142 mille emplois en 2010.
Cette chute aux enfers est particulièrement patente dans l’industrie : de l’équivalent de 5,1% du PIB en 2010, les projets portés par les promoteurs industriels ont dégringolé́ à moins de 1,5% du PIB en 2023. Dans les industries exportatrices, le phénomène tourne au cauchemar : le nombre de projets a été́ amputé de plus de la moitié (1.585 en 2010 vs 643 en 2023) pour des mises en dinars courants passant de 1,9 milliards de dinars en 2010 à moins d’un milliard en 2023 ».
“Le site Tunisie reste compétitif si seulement on essayait de « vendre » pour une fois un discours rassurant.”
Ne nous étonnons pas de pareille situation lorsque nous savons qu’investisseurs, entrepreneurs et présidents de groupes peuvent être interdits de voyage au moindre doute à cause de n’importe quelle délation, du genre de celles, qu’on jetait du temps de Ben Ali, aux orties la considérant peu crédible parce que provenant de source anonyme ou peu fiable.
Et pourtant…
Le site Tunisie reste compétitif si seulement on essayait de « vendre » pour une fois un discours rassurant, rassérénant pour rendre la foi des investisseurs nationaux en leur pays et la confiance des internationaux dans l’Etat de droit.
La paix sociale, les compétences qui distinguent la Tunisie d’autres sites malgré le départ de milliers d’entre elles et une stabilité politique même si critiquée et décriée par nombre d’opposants et indépendants, sont importants.
“Il ne faut pas croire en une stabilité durable sans un sérieux effort de réforme.”
Reste qu’il ne faut pas croire en une stabilité durable sans un sérieux effort de réforme, sans redonner de l’espoir, sans encourager les ambitions et sans apporter des solutions concrètes à une réalité économique qui risque de métamorphoser les postures des partisans et de compromettre les perspectives de sauvetage du pays. Les griefs des opposants pourraient rejoindre les frustrations de ceux et celles auxquelles on n’offre pas les moyens de passer du stade de la précarité à celui d’une meilleure sécurité économique et un bien-être social.