Les facilités qui seront accordées exceptionnellement par la Banque Centrale de Tunisie (BCT) au profit de la Trésorerie Générale de la Tunisie devront être orientées pour le développement, a recommandé l’universitaire, Ridha Chkondali.
Il a également recommandé d’engager des négociations avec des donateurs bilatéraux et bailleurs multilatéraux pour rassurer la place financière et retrouver une trajectoire de croissance.
Ces propos interviennent dans un contexte qui se caractérise par une récession de la croissance du pays qui a atteint 0,4% en 2023, selon les estimations préliminaires de l’Institut National de la Statistique (INS) et 0,9% en 2023, selon les projections de la Banque africaine de développement (BAD).
En effet, la Tunisie envisage de mobiliser 500 millions de dollars auprès de l’Arabie Saoudite, 300 millions de dollars auprès de l’Algérie et 500 millions de dollars auprès de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), outre les emprunts Obligataires Subordonnés.
Dans une interview accordée à la TAP, Chkondali a mis l’accent par ailleurs sur la nécessité de dynamiser et de prioriser le secteur du phosphate, et ce, à travers le renouvellement de la flotte ferroviaire. L’objectif est de permettre à ce secteur de reprendre son rythme et d’apporter à l’Etat les ressources nécessaires en devises, a-t-il expliqué.
Il a fait savoir par ailleurs que l’abaissement du taux directeur de 100 points de base demeure nécessaire pour dynamiser l’investissement privé. Il a relevé également l’importance d’inciter les tunisiens résidents à l’étranger à ouvrir des comptes en devises.
Selon Chkondali, pour accorder une bouffée d’oxygène à l’économie, il est important de réduire l’impôt pour les entreprises exportatrices, et d’appliquer une amnistie fiscale totale, pour les monnaies en devise qui circulent sur le marché parallèle.
La Tunisie nécessite également un programme des grandes réformes, à partir des messages contenus dans le discours du président de la République. Selon chkandali, ce programme doit examiner trois principaux dossiers, avec une nouvelle approche tunisienne totalement différente de l’approche du fonds monétaire international (FMI).
Selon l’expert, il est impératif de réformer, d’abord, la fonction publique, en réduisant notamment le nombre des fonctionnaires. Il faut ensuite, introduire une réforme au niveau des entreprises publiques au lieu de procéder à une cession, et ce à travers la rationalisation de la gestion du denier public et l’éradication de la corruption. Il a aussi mis l’accent sur l’importance d’améliorer le climat des affaires, à travers l’allégement des procédures administratives.
Chkondali a rappelé que la récession de l’économie a concerné tous les secteurs économiques, notamment ceux de l’agriculture et de la pêche, avec une baisse de moins de 11% ainsi que celui des mines (- 10%). En contrepartie, seulement les secteurs du tourisme et des industries mécaniques et électriques ont enregistré une amélioration respective de 12,8% et de 5,8%.
Chkondali a imputé la contraction économique à la démarche suivie par le gouvernement actuel, en axant sur le remboursement des dettes, au détriment de la croissance économique et de la création des ressources d’emploi. Par conséquent, l’Etat a subi des pertes supplémentaires de l’ordre de mille milliards de dinars, par rapport aux ressources fiscales, en plus d’une perte de mille milliards de dinars causée par la baisse de la croissance économique, à 0,9 % enregistrée dans la loi de finances rectificative, contre 1,8% estimé dans la loi de finances initiale pour l’année 2023, a-t-il fait remarquer.
“Nous n’avons obtenu que moins d’un quart de ce que nous estimons en 2023, soit 0,4%, plutôt que 1,8%, ce qui signifie qu’il y a une réelle menace pour l’économie tunisienne et pour la solidité des finances publiques si nous continuons avec la même approche que nous avons adopté en 2023,” a encore estimé Ridha Chkondali.
Ce risque augmente, a-t-il encore précisé, d’autant plus que le budget de l’État pour 2024 est ponctué de déficits financiers de 10,3 milliards de dinars que le ministère des Finances entend payer avec les emprunts directs de la Banque centrale. Mais dans ce cas, les conséquences peuvent être graves si ces emprunts directs ne sont pas destinés à financer les dépenses de développement, a-t-il noté.
Selon Ridha Chkondali, le deuxième écart que “nous n’avons pas encore confirmé concerne les ressources d’emprunt extérieur programmé de l’État de 1401 millions de dollars, soit environ 4400 millions de dinars”.
Chkondali a conclu que la récession de la croissance économique atteignant 0,4 % au cours de l’année 2023 contre, 1,8 % estimé dans la loi de finances initiale de 2023, soit moins d’un quart, a entraîné une augmentation du taux de chômage à 16,4%.
Durant le 4ème trimestre de l’année 2023, le taux de chômage a atteint 40,3%, un chiffre qualifié d’alarmant qui nécessite une profonde réflexion, a notamment noté Chkondali relevant toutefois une remarquable baisse du taux de chômage parmi les diplômés de l’enseignement supérieur, passant de 24,6% à 23,2%.