Le niveau des réserves de change est le marqueur national de solvabilité. Autant dire le bouclier de notre souveraineté. Il subit les coups de bélier, à répétition, des échéances de la dette. Il est impératif de le préserver.
Le 17 courant, le pays a réglé la tombée d’un ‘’Eurobond’’. Un pavé d’un montant de 850 millions d’euros. Soit la contrevaleur de 2.867 millions de TND, c’est du lourd. Le boulet de canon est passé tout près. Cela secoue nos avoirs en devises, cependant le pays écarte ainsi toute rumeur de défaut de paiement. Les agences de notation ont longuement spéculé sur une éventuelle défaillance du pays. Elles nous ont placé à des grades hautement spéculatifs, quasiment dans l’antichambre du risque de défaut. Le pays a su dribbler les oracles de malheur.
L’hécatombe des échéances de crédit
Oh là ! ça n’en finit pas. Après l’échéance du mois d’octobre, d’un Eurobond similaire, le 17 février, le pays a dû décaisser une échéance d’un ‘’Eurobond’’ de 850 millions d’euros.
L’Eurobond de février est de formule Bullet, c’est-à-dire payable in fine. Compte tenu d’un taux d’intérêt de 5,625%, le pays a déboursé la modique somme de 898 millions d’euros en principal et intérêt soit la contrevaleur de 3.028 millions de TND.
“Le niveau des réserves de change est le marqueur national de solvabilité. Autant dire le bouclier de notre souveraineté.”
Dit autrement cela nous a raflé 14 jours d’importation. De 119 le pays se retrouve avec 105 jours d’importation. Rappelons, qu’en la matière, la côte d’alerte est à 90 jours. C’est-à-dire que c’est le plancher requis pour émettre de la dette sur le marché international.
L’on n’a pas encore fini avec les échéances de crédit. Le pays devra également rembourser au mois d’octobre prochain la tombée d’un crédit Samouraï d’un montant de 50 milliards de Yens. A la contrevaleur d’aujourd’hui, il serait de 1. 062 millions de TND et nous faucherait l’équivalent de 5 jours d’importation. Le pays a sauvé la qualité de sa signature mais faut-il prendre cela comme un signal de bonne santé économique ?
Rester sur nos gardes
Le pays a payé et sauve la mise. Il a évité un scénario catastrophe. Il est, hélas exposé à un scénario frisson. Honorer ses engagements ne fera pas revenir pour autant les bailleurs de fonds.
Le pays montre une certaine résilience. Gare à la confondre avec le dynamisme économique. Le pays se trouve pris en ciseaux par deux contraintes implacables. D’une part il y a les déficits jumeaux qui persistent, durablement. Et, qui saignent nos avoirs de change. De l’autre, la relance n’étant toujours pas là, la croissance reste anémique à 0,4% en 2023.
“Le pays a su dribbler les oracles de malheur.”
L’hypothèse de l’effondrement émise par nos partenaires financiers et commerciaux a été esquivée l’on n’en est pas moins sur la corde raide. Le choix de compter sur soi, est une attitude de courage. Mais il n’alimente pas la caisse, comme on le voudrait. C’est juste qu’il sert à démentir les mauvaises prophéties des créanciers. La situation est grave il faut empêcher qu’elle devienne désespéré.
Se donner une longueur de confort
Le curseur des jours d’importation est un indicateur de situation d’urgence. Le pays ne peut en permanence avoir ‘’la tête dans le guidon’’. il lui faut une vision. Et dans cette perspective pourquoi ne se donne t-il pas une longueur de confort et déclarer l’amnistie de change ?
Après tout l’on s’est familiarisé avec le mécanisme pour les arrangements fiscaux. Why not pour le change. Voyons alentour, le Maroc en est à sa troisième édition. Tout en étant en plein essor l’économie marocaine en arrive quasiment à instituer ce mécanisme. C’est dire s’il est utile.
“L’hypothèse de l’effondrement a été esquivée, l’on n’en est pas moins sur la corde raide.”
La Tunisie décrète l’année 2024 comme l’année de l’inclusion de l’informel pourquoi le pays se priverait-il d’un tel recours.
Cela ferait moins dégringoler le curseur de l’autonomie d’importation. La communauté d’affaires aurait moins de sueur froide et disposerait d’une meilleure visibilité. Une autre alternative est envisageable. Un plan Marshall reste une alternative crédible.
Réformer, inévitablement
On peut toujours faire le choix de compter sur soi et refuser d’obtempérer aux conditionnalités des bailleurs de fonds. Mais, on ne peut résister aux appels objectifs de réformer l’économie d’autant que celle-ci est à la recherche d’un nouveau modèle de développement.
On a le droit de refuser de libéraliser l’économie pour ne pas laisser se déchaîner les démons des intérêts privés. Mais il serait contre nature, de rester en monopole, d’enchaîner le marché et d’enrayer la concurrence.
“On peut refuser la privatisation mais rien n’empêche de garder le contrôle et d’ouvrir le capital au public.”
Rien n’interdit à l’état de préserver un secteur productif public. Encore faut-il en optimiser le périmètre de sorte qu’il ne trouble pas la concurrence. On peut refuser la privatisation mais rien n’empêche de garder le contrôle et d’ouvrir le capital au public.
Dit autrement c’est une façon de populariser l’actionnariat.
Démocratiquement l’option est hautement méritoire. Tout sauf l’immobilisme ! En l’état même si le pays demeure solvable, l’économie est à la peine. Pour la réactiver, la raison dicte de se rapprocher des choix de la rationalité économique dont on ne peut se détourner. De la sorte on enverrait aux investisseurs le message de cohérence qu’ils attendent pour qu’ils se remettent à la tâche. Jouer les investisseurs contre les financiers, cela fait sens !