La décision du parlement d’autoriser, le 6 février 2024, la Banque centrale de Tunisie (BCT) à accorder à la Trésorerie générale, des facilités de 7 milliards de dinars a inquiété plus d’une partie, à cause, entre autres, des éventuelles répercussions négatives d’une telle décision sur les réserves en devises.
D’ailleurs, la première tranche des facilités octroyées par la BCT a été utilisée pour rembourser, le 17 février 2024, un Eurobond, prêt contracté sur les marchés internationaux, de 850 millions d’Euros (en principal), accompagné d’intérêts s’élevant à environ 47,8 millions d’euros. Ce remboursement totalise ainsi 898 millions d’Euros, équivalant à environ 3 milliards de Dinars.
La récente baisse des réserves n’est pas encore grave
Le remboursement de cet eurobond a entraîné une réduction des réserves en devises de 14 jours d’importation, passant de 119 jours (équivalant à 25,9 milliards de dinars) le 16 février à 105 jours (représentant 23 milliards de dinars).
Il a généré également une diminution du solde du compte courant du Trésor le 19 février, passant ainsi de 4,5 milliards de dinars à 1,5 milliard de Dinars. Cette baisse résulte du tirage de 3 milliards de dinars et de leur conversion en euros pour honorer cet engagement.
“L’année 2024 se distingue comme une période exceptionnelle pour la Tunisie, marquée par le remboursement de dettes totalisant 24,7 milliards de dinars tunisiens.”
L’impact de ce remboursement en devises demeure toutefois toléré. Il n’a pas encore atteint le seuil inacceptable de 60 jours d’importations. La Tunisie a été confrontée, il y a cinq ans à une situation pire. Au mois d’août 2018, au temps du gouvernement de Youssef Chahed, la Tunisie a connu une baisse proche de ce seuil, soit 70 jours d’importation.
Faut- il le rappeler : les réserves, en devises sont essentielles en tant que filet de sécurité financier. Elles sont utilisées pour répondre aux besoins stratégiques de liquidité de l’économie en cas de pressions sur les comptes extérieurs.
Elles servent également de garantie pour les créanciers et les investisseurs étrangers quant à la capacité du pays à honorer ses dettes et à maintenir la continuité des transferts avec l’étranger, leur conférant ainsi un rôle stabilisateur d’une grande puissance.
L’année en cours s’annonce difficile
L’année 2024 se distingue comme une période exceptionnelle pour la Tunisie, marquée par le remboursement de dettes totalisant 24,7 milliards de dinars tunisiens (MDT), dont 17,9 milliards DT correspondent au principal et 5,8 milliards DT aux intérêts.
D’après les observateurs de la chose tunisienne, cette année sera marquée par de sérieuses difficultés financières et économiques.
Les réserves en devises sont essentielles en tant que filet de sécurité financier
Au premier rang de ces difficultés, figure une probable hausse du déficit des finances publiques, dans un contexte de négociations encore possibles entre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI), du moins si on croit les déclarations des responsables du FMI et du gouvernement tunisien.
Pour mémoire, ces négociations durent, depuis plus de deux ans pour mettre en place un programme de réformes économiques accompagné d’un prêt financier, estimé, en vertu d’un accord technique conclu le 15 octobre 2022, à 1,9 milliard de de dollars.
La Tunisie va connaître en 2024 et 2025, de fortes pressions
Empressons de signaler que ce prêt n’est pas une fin en soi. Il n’a de la valeur que son octroi serait le feu vert pour pouvoir contracter de nouveaux emprunts auprès d’autres bailleurs de fonds et des pays partenaires. Cet apport financier est, à priori, d’une extrême importance dans la mesure où la Tunisie va connaître durant les années 2024 et 2025 de fortes pressions.
Au cours de ces deux exercices, la Tunisie aura à rembourser deux prêts contractés sur le marché financier international privé de 1,850 milliard d’euros dont 898 millions d’Euros viennent d’être remboursés le 17 février courant.
En dépit de ces difficultés et de la persévérance du président de la République à refuser le diktat du FMI et ses conditionnalités, l’économie tunisienne a prouvé une résilience certaine. Pour preuve, elle est parvenue, en 2023, avec les moyens de bord, à payer ses dettes. Même la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva le pense et le reconnaît. Cette dernière, contrairement aux prédictions des prophètes du malheur qui ont prédit au pays tous les malheurs (faillite, recours au club de Paris, explosion sociale…) a estimé, que « la Tunisie n’était pas encore au bord du gouffre”.
Abou SARRA