“Lors d’une soirée mondaine, le grand écrivain George Bernard Shaw a murmuré à l’oreille d’une belle femme assise à côté de lui : « Accepteriez vous de passer une nuit avec moi pour un million de livres ? » Elle sourit et répond timidement : « Bien sûr… avec plaisir. » Après s’être assuré de sa parfaite adhésion à sa proposition, il est revenu vers elle et a demandé : « Serait-il possible de réduire le million de livres à dix livres ? » Offusquée, la dame aurait rétorqué : « Mais pour qui me prenez-vous ? » George Bernard Shaw aurait alors répondu : « Pour ce que vous êtes, madame. Le seul désaccord entre nous tient au prix à payer ”.
Outre la misogynie des propos cités plus haut et présentés comme étant ceux de Show alors qu’on n’en trouve pas, à première vue, trace dans ses ouvrages, l’histoire reprend cyniquement le principe sacrosaint de tous les opportunistes hommes ou femmes qui se vendent aux plus offrants à condition qu’on y mette le prix.
Opportunistes, que nous pensions une petite poignée, héritage d’une époque que l’on pensait révolue mais que nous avons vu, depuis 2011, par milliers, planer au dessus de tous les combats menés par les Tunisiens et la Tunisie qui avaient cru, espéré, que la chute du régime de Ben Ali allait les porter vers une ère d’une plus grande liberté et plus de prospérité.
La Tunisie en a vu de toutes les couleurs s’agissant des opportunistes, politiciens, médias, fonctionnaires toutes catégories confondues et beaucoup d’étrangers venus s’abreuver de ses souffrances et se nourrir de ses peines.
Les politiciens occupent la première place sur le podium de l’opportunisme. Leur compromission fût une ligne de conduite depuis qu’une certaine “aristocratie” universitaire s’est découverte des vocations politiciennes en 2011 profitant du désarroi des dirigeants benalistes dépassés complètement par le tsunami “révolutionniste” et décidés à se venger de toutes les années où elle essuyait un mépris royal d’un président “roturier” !
Nous avons ainsi vu une instance chargée prétendument de réaliser les objectifs de la “révolution” mais dont le nom et la composition furent soufflés par les donneurs d’ordre de ladite révolution, faciliter-consciemment ? Inconsciemment ? – l’accès des frères musulmans tunisiens au pouvoir ! Nous avons aussi assisté à une alliance étrange entre islamistes de tous bords, gauchistes et progressistes avec pour seul objectif et unique mission : procéder au grand nettoyage avant d’occuper la place !
“L’opportunisme est l’art de prendre le train en marche, même s’il va dans la mauvaise direction.” – Georges Elgozy
Nettoyage de l’administration de toutes ses compétences et des hommes et femmes d’Etat qui risquaient de mettre à mal le projet d’islamisation du pays prônés par les grands de ce monde ! Nous avons vu des semblants de leaders politiques professionnels de l’opposition sans aucun programme socioéconomique, mener des campagnes grand public féroces pour soi-disant débarrasser l’Etat des “serviteurs” de Ben Ali alors qu’en réalité, il s’agissait de grands commis de l’Etat qui ne faisaient que servir l’Etat et dont le plus grand tort était la lâcheté !
Mais depuis quand en Tunisie, osait-on faire fronde contre les gouvernants ? La lâcheté, la passivité ne sont-elles pas le propre d’une grande partie de Tunisiens désintéressés depuis belle lurette de la chose publique et habitués à des États providence qui pensaient et décidaient pour eux ?
Qu’est ce qui a changé depuis ?
“Le médiocre devient le référent de tout un système”
Les vents de liberté, une liberté parfois trop débridée, pour être réellement libératrice et constructrice, a vite tourné faisant place de nouveau à une lâcheté généralisée ! Seule grande réalisation : l’édification d’un mur de la peur et de nouveau la loi de l’omerta !
Les opportunistes, eux, se portent merveilleusement bien ! Ils ont même su s’adapter à l’ère de la médiocrité intellectuelle et politique que traverse la Tunisie.
Les opposants structurels à tous les régimes sauf à celui des islamistes desquels, ils ont toujours été complices, sont aujourd’hui déçus car le gâteau Tunisie, par un heureux ou malheureux concours de circonstances, leur a échappé.
Aujourd’hui, à cause des opportunistes politique qui plus est sont des loosers, la méritocratie a fait place à la médiocratie !
Ils auraient cédé à tous les coups à Ghannouchi et sa secte pour, finalement, se retrouver dans la posture des opposants qui aboient sans jamais avoir pu empêcher la caravane de passer ! Ils ont été évincés par d’autres qui ne font pas forcément partie des plus brillants ou des plus politisés !
Une situation qui nous renvoie à ce que dit le philosophe canadien Alain Deneaut : “Auparavant, chez La Bruyère, par exemple, le « médiocre » apparaissait souvent sous la forme d’un rusé, qui se faufile parmi des gens méritants et compétents. À sa suite, quoiqu’extrêmement différents, des auteurs comme Marx, Max Weber, Hans-Magnus Enzensberger ou Laurence Peter font état d’une évolution : le médiocre devient le référent de tout un système”.
Aujourd’hui, à cause des opportunistes politiques qui plus est sont des loosers, la méritocratie a fait place à la médiocratie !
En Tunisie, on ne peut même pas parler de la doctrine politique opportuniste telle que décrite dans l’histoire. Celle que nous voyons est la pire et n’est même pas inspirée du courant politique développé en France au début de la IIIe République et qui se caractérisait par la recherche du soutien populaire dans l’engagement de réformes utiles et bénéfiques pour la nation !
What else ?
Les entrepreneurs des médias sans vocation, sans principe et sans valeurs !
Les opportunistes des médias ! Ce sont ceux qui évoluaient dans le giron du système Ben Ali, qui leur cédaient quelques libertés pour faire bonne figure à l’international, et qui sont devenus, en quelques heures, ses pires ennemis et des opposants virulents ! Ils n’étaient rien avant 2011, ils sont devenus tout après cette date fatidique.
Ce sont les entrepreneurs des médias, qui mangent avec les loups et pleurent avec les bergers ! Ils ont fait partie de tous les cercles politiques, se sont vendus avec une facilité déconcertante à tous les décideurs et arrivent à se faire passer devant le grand public pour les défenseurs de la vérité, et les chevaliers de la plume et de l’écran au service de la mère patrie et des justes causes !
Dans les médias, nous trouvons aussi, ceux et celles qui n’ont jamais exercé le métier de journaliste et qui n’ont aucune idée sur le fonctionnement d’un média mais pour lesquels les médias semblaient être un moyen de gagner beaucoup d’argent et très vite.
2011 a sonné pour la Tunisie, le développement des télés et radios poubelles-pas toutes bien entendu-qui prétendaient répondre aux attentes du peuple. Nous avons dû subir la bêtise d’invités présentés comme des experts, des chroniqueurs mercenaires et des gens ordinaires parlant de leurs vie nourrissant ainsi un nouveau phénomène qui, depuis, s’est beaucoup développé dans notre pays : le voyeurisme.
Les quelques journalistes, animateurs et chroniqueurs patriotes et honnêtes ont été marginalisés par la déferlante des parachutés sur le secteur médiatique devenus sans avoir réellement été formés les spécialistes de la prise de parole publique et qui plus est dispensent des sessions de formation ! Comment et par quels moyens réussissent-ils à convaincre leurs clients ? La formule semble être magique ou plutôt les clients doivent être des abrutis (excusez le terme) !
Hallucinant !
Les opportunistes économiques : utiles dans les affaires, dangereux en politique
Mais les pires de tous sont les opportunistes économiques ! Autant le fait d’agir pour tirer le meilleur parti de toute opportunité qui se présente peut être positive même s’il est malheureux que beaucoup font peu de cas des principes moraux, autant un homme d’affaire opportuniste qui fait de la politique peut être nocif pour la politique et pour les affaires !
En Tunisie, ceux qui ont toujours courtisé le système, sont devenus du jour au lendemain ses pires ennemies se faisant passer pour les défenseurs de la veuve et de l’orphelin et pour les victimes d’un système corrompu alors qu’ils n’étaient victimes que de leur lâcheté.
Une anecdote pour l’histoire : en 2010, un entrepreneur disait, parlant de Hédi Djilani, ancien président du patronat et devant lui : “Vous voyez ce monsieur ? L’affection et le respect que je lui porte coulent comme le sang dans mes veines” ! Ce même monsieur a fait partie d’un groupe d’entrepreneurs vindicatifs et pas très nets qui se sont tout de suite retournés contre l’ancien président de l’UTICA et ont mené campagne contre lui !
Allez comprendre !
L’opportunisme des hommes d’affaires est très dangereux parce que disposant de grands moyens financiers, ils se sont mêlés de politique, l’exerçant de manière frontale ou finançant des partis mais pas pour les bonnes raisons. Le principal objectif de la plupart était de préserver leurs intérêts ! Une vision “court-termiste” qui ne les a pas sauvés du racket et du chantage de politiciens scélérats des différents gouvernements après 2011 !
Pour preuve, des centaines sont menacés de prison s’ils ne s’y trouvent pas déjà ! Ceci alors que la centrale patronale, celle qui ne fait pas de politique aujourd’hui (re-re-sic) assiste en téléspectatrice au massacre à la tronçonneuse du secteur privé et aux campagnes de dénigrement et de diffamation insensées à leur encontre !
Normal, l’UTICA ne fait plus de politique ! Elle approuve les politiques !
“Quand la force matérielle augmente, l’esprit de conquête s’affaiblit, ou disparaît complètement, l’élan vital s’épuise, l’intransigeance héroïque fait place à l’opportunisme” disait le philosophe et homme politique Antonio Gramsci.
Reconquérir, reconstruire la Tunisie par un nouvel élan vital ! Est-ce possible ?
Amel Belhadj Ali