Dans sa boutique située à rue Sidi Ben Arous au centre de la Medina, l’artisan-fabricant de «Chéchia » (Coiffe traditionnelle, bonnet en laine rouge), Riadh Ben Youssef, souriant, accueille ses visiteurs, en poursuivant la confection d’une Chéchia qu’il tenait précieusement entre les mains. Ben Youssef a renoncé à ses études en médecine pour faire de sa passion pour la Chéchia sa profession.
« Je suis originaire de la capitale des Aghlabides (Kairouan). La Chéchia c’est un héritage familial précieux qui m’a été transmis par mon père et mon oncle. Et je ne regrette pas d’avoir abandonné mes études en médecine pour perpétuer cet héritage. Si c’était à refaire, je le referais sans hésiter », soutient-il.
« Mon objectif n’est pas simplement lucratif. J’ambitionne surtout de créer des postes d’emplois pour les jeunes et de promouvoir un métier que j’aime », ajoute-il.
Sa passion l’a amené à créer son entreprise « La maison africaine de la Chéchia » dont la production est destinée à raison de 90% au marché extérieur, notamment aux pays de l’Afrique de l’Ouest dont le Nigeria, le Niger, le Cameroun, et la Burkina-Faso.
« J’ambitionne de viser d’autres marchés, notamment asiatique en 2025. Toutefois, le marché européen ne figure pas parmi mes cibles actuelles étant donné que le volume de ma production actuel ne le permet pas », souligne Riadh.
Selon cet artisan, plusieurs valeurs doivent être mises en contribution pour réussir ce métier, estimant qu’il faut beaucoup de patience, de personnalité et de compétence. « Il faut par ailleurs, un bon apprentissage et une formation continue », observe-t-il.
Et d’ajouter que son entreprise organise des sessions de formation en collaboration avec l’Office National de l’Artisanat Tunisien, précisant qu’il a jusque-là formé environ 400 femmes.
L’objectif, affirme-t-il, est de porter ce nombre à 1500 en donnant la priorité aux jeunes, afin de les attirer vers un métier qui souffre d’un grand manque en main d’œuvre .
« Bien qu’il soit rentable, ce secteur est aujourd’hui en état de mort clinique dans la mesure où il n’existe pas une stratégie claire pour le développer et le promouvoir », a-t-il déploré, qualifiant la politique de communication gouvernementale dans ce domaine de “faible”.
Pour lui, le rôle de l’Etat en matière de soutien aux artisans se limite seulement à l’octroi des avantages fiscaux, à la formation et aux crédits .
L’économie sociale et solidaire au service de l’artisanat
Misant sur l’économie sociale et solidaire, Ben Youssef emploie des femmes issues de certaines délégations de Bizerte notamment Ghazala, Mateur et Louata, les aidant ainsi à avoir des sources de revenus.
Et d’ajouter que ces femmes artisanes bénéficient d’un programme de formation à l’issue duquel elles reçoivent une certification professionnelle qui leur permet d’être inscrites dans le registre national des artisans et de créer leurs propres projets dans leurs localités.
Malgré qu’il ait franchi le cap des soixante ans, Riadh garde un esprit jeune et cultive la persévérance pour atteindre ses ambitions.
“J’aspire à conquérir de nouveaux marchés et à créer un atelier destiné aux touristes, afin de faire connaitre les différentes étapes de fabrication d’une chachia. Je souhaite également lancer un circuit touristique dédiée à cet artisanat, devenu un savoir-faire ancestral hérité par les Andalous depuis le 15e siècle, et un marqueur de l’identité nationale “, déclare-t-il.