Au commencement une information diffusée début mars 2024, sur la page facebook de l’Office de la Marine Marchande et des Ports (OMMP). Cette information nous apprend que le transporteur maritime chinois Cosco Shipping est retourné en Tunisie après une absence de 7 ans. Ce retour ne serait pas fortuit. Il peut masquer d’importantes ambitions géostratégiques pour la Tunisie et tout le Maghreb.
Dans le détail, ce retour a été ponctué, début mars 2024, par une visite de travail effectuée au Port commercial de Radès par une délégation de l’armateur chinois, conduite par le vice-président de la compagnie, Hu Hua.
Au cours de cette visite l’armateur chinois a fait état de sa volonté reprendre ses positions en Tunisie et d’aller plus loin -bien d’aller plus loin-, avec notamment la création d’une ligne maritime qui partira du port de Radès pour rejoindre les pays européens et méditerranéens…
Intérêt de la Chine pour l’infrastructure portuaire en Afrique du nord
Point d’orgue de cette visite une déclaration géostratégique fort intéressante faite par le vice-président de Cosco shiping. Selon ce dernier, la Chine est intéressée par la montée en puissance de l’Afrique du Nord dans le commerce européen. D’après lui, la Chine veut exploiter cette dynamique pour créer des passerelles entre l’Europe et les autres continents par le biais du transport en mer, des chemins de fer et des réseaux de stockage et de distribution.
Dans cette perspective, le Maroc est déjà sur le radar de Cossco Shipping. Selon nos informations, les autorités marocaines négocieraient, actuellement, avec l’armateur chinois le transfert de la gestion du nouveau méga terminal du port de Nador West Med. En construction dans la baie de Betoya, à 50 kilomètres de la ville de Nador, dans le nord-est du pays ce terminal n’est pas loin de la frontière algérienne. Cette méga-infrastructure qui va coûter un milliard de dollars pourra être opérationnelle dès l’année 2025. Elle aura pour rôle de compléter l’activité du port Tanger Med en tant que port de transbordement du trafic mondial de marchandises avec pour principale destination les marchés européens.
L’Algérie est également concernée par cette dynamique entre l’Afrique du Nord et l’Europe avec son port en eau profonde d’El Hamdania , en construction à Cherchell dans la wilaya de Tipaza (100k m à l’ouest d’Alger.).
Lancé en 2015, le projet a été reporté après que les études de réalisation soient jugées insuffisantes et que des suspicions de corruption aient été ébruités1. Le projet a été relancé en 2020 par les autorités algériennes. Il sera réalisé par un financement mixte algéro-chinois.
La Tunisie, avec son projet d’eau profonde d’Enfidha en stand bye depuis une quinzaine d’années « pourrait intéresser de nouveau » les chinois d’autant plus qu’une entreprise chinoise, en l’occurrence, China Harbour Engineering Company Ltd (CHEC) est toujours en lice pour remporter ce marché.
Nous disons « pourrait intéresser de nouveau » parce qu’au mois de décembre dernier, l’ex- ministre tunisien des Transports Rabie Majidi, a révélé que le projet d’appel d’offres pour le port en eau profonde d’Enfidha, a été rejetée par la Haute Instance de la commande publique.
Selon le ministre, le refus est expliqué par le « caractère inacceptable des conditions financières proposées». Suite à cet appel d’offres infructueux, la Tunisie aurait à prendre, selon le ministre, trois options, soit en soumettant une nouvelle demande pour des appels d’offres, soit en trouvant un investisseur stratégique, soit en réinventant le projet.
Les ports tunisiens seraient un pied à terre idéal pour la Chine
Au regard du positionnement géo-stratégique de la Tunisie au milieu de la méditerranée et de son contrôle du détroit de Sicile, les chinois, par le canal de leurs entreprises publiques comme Cosco shiping, pourraient toujours opter pour la formule qui leur convient pour reprendre en main ce projet structurant.
A priori, ils ont de fortes chances de remporter ce marché pour peu qu’ils exploitent, à bon escient l’abandon de la Tunisie par le monde occidental dans ses négociations avec le FMI pour l’obtention de facilités de payement et le rapprochement, de plus en plus visible de Tunis, des capitales des pays du sud est asiatique.
Et pour ne rien oublier un rappel succinct de la fiche technique du port en eau profonde d’Enfidha. Situé à 100 kms de Tunis, à 40 kms de Sousse et à 170 kms de Sfax, le complexe du Port Enfidha, qui sera réalisé en partenariat public (60%) privé (40%), s’étend sur une superficie globale de 3000 hectares dont 1000 ha pour le seul port et le reste pour lazone économique et logistique avec une profondeur de 19 mètres. Il prévoit également un quai spécialisé dans le traitement des conteneurs dont la longueur est de 3 600 m, et un quai spécialisé pour les vrac avec une longueur de 1 400 m.
La capacité du port à la fin de la construction du projet sera de 5 millions de conteneurs EVP, et pour 4 millions de tonnes pour le trafic de vrac.