“Le président tunisien Kais Saied semble élaborer une nouvelle doctrine économique”, c’est l’attaque d’un article paru sur la revue de l’IME (Institut du Moyen-Orient) qui relate les grandes décisions économiques prises par le président tunisien depuis sa prise du pouvoir.
La nouvelle approche économique du président Kais Saied en Tunisie a des implications significatives pour le pays. A commencer par la politique monétaire et le rejet du dictat du Fonds monétaire international (FMI) sans pour autant rompre totalement le contact. Il faut le préciser puisqu’une délégation tunisienne participe aux réunions du printemps du Fonds. La Tunisie doit compter sur ses propres moyens estime le président. Mais de quels ressources dispose-t-elle ? Mieux encore, rejeter le dictat du FMI donne-t-il à la Tunisie cette souveraineté rêvée lorsque nous savons que le pays continue à s’endetter auprès de différentes parties et parfois à des taux excessifs comme avec la Banque Africaine d’Import-Export (Afreximbank) qui a accordé à la Tunisie en 2023, un prêt de 500 millions de $ avec un taux d’intérêt de 10,8%.
En économie, il ne faut pas tout juste des intentions, il faut des stratégies, des politiques, des plans, des visions !
Les prêts contractés par l’État tunisien avec nombre d’institutions (dont la BERD et la BAD) représentant 60,15% de la dette publique extérieure totale mais pas seulement, la Tunisie contracte également des emprunts en bilatéral avec l’Allemagne, l’Arabie Saoudite, la France et l’Algérie grand fournisseur de gaz à la Tunisie. Et là, nous ne parlons pas de l’endettement public interne.
La loi sur la réconciliation pénale révisée à maintes reprises n’a pas apporté à l’État les fonds attendus. La dernière révision de la loi a apporté une innovation de taille : le pouvoir décisionnel en derniers recours a été attribué au Conseil de sécurité nationale. C’est le Conseil de sécurité nationale, présidé par le Chef de l’État, qui a la compétence exclusive d’arbitrer.
Pourquoi alors financer une commission pour réaliser des enquêtes et étudier des dossiers si elle n’a aucun pouvoir décisionnel ! Être juge et parti dans des affaires extrêmement complexes qui exigent une grande expertise peut-il assurer à l’État la récupération de ses “biens” et garantir la justice pour les concernés ? Il s’agit là de préserver le statut de l’État de droit mais c’est dans la logique Kais Saied, c’est plus que valable !
Une logique que rechignent à accepter de nombreux hommes d’affaires qui estiment que la loi, même révisée, du fait des conditions qu’elle impose et à cause des montants faramineux qu’elle exige, sonne le glas de leurs affaires !
Belles intentions, servies à souhait, pour l’instant, par l’économie de la pénurie et les discours populistes.
Autre axe de la doctrine Saied, la remise en question de l’indépendance de la BCT accompagnée de campagnes tous azimuts attaquant sa manière de faire et d’agir ce qui remet en question son autonomie et à terme pourrait menacer sa capacité à préserver les équilibres monétaires du pays.
S’agissant de la politique industrielle. Kais Saied, veut récupérer les bijoux de famille et leur rendre leur éclat mais est-ce possible aujourd’hui alors que le monde passe de l’industrie 4.0 à l’industrie 5.0 ? Comment intégrer des usines comme Al Fouledh, la Société tunisienne de Sucre, ou la Société nationale de Cellulose et de papier ALFA de Kasserine dans l’ère de l’intelligence artificielle par la seule volonté et sans grands moyens financiers et humains ?
La logique Kais Saied le veut !
La grande mode : les sociétés communautaires !
Alors que la Tunisie vit sa pire ère de désindustrialisation, des centaines d’entreprises industrielles ont fermé leurs portes depuis 2011 et continuent de plus belle depuis 2021, le président a décidé que les Sociétés communautaires ont prouvé leur efficience. Comment ?
Des études d’évaluation ont-elles été faites sans que nous le sachions ? Quel est leur apport au PIB ? Leur taux d’employabilité, leur participation au taux de croissance ? Pour évaluer la rentabilité d’une entreprise nouvellement créée, il faut une moyenne de 3 à 5 ans. A-t-on évalué le rendu des sociétés communautaires dont le nombre s’élève aujourd’hui à une centaine ?
A voir les moyens que met l’État tunisien au service des sociétés communautaires, il est probable que parce que Kais Saied le veut, Dieu le voudra et les sociétés communautaires feront des miracles contre toute logique économique !
La logique Kais Saied prévaudra sur toutes les autres logiques !
Kais Saied veut aussi créer un Office de Développement du Sud comme si la Tunisie manque d’Offices ! Le Sud disposait déjà de son office de développement (ODS) qui n’a pas été d’une grande efficience à ce jour et qui aurait pu être restructuré pour être plus agissant, ce qui préservera les deniers des contribuables mais…
La Tunisie qui n’a pas simplifié son armada réglementaire et n’a pas adouci son ton avec les investisseurs nationaux, qui est encore à la traine en Afrique s’agissant de logistique et de digital les verra partir un par un tout comme ses compétences.
En résumé, Kais Saied refuse de céder la souveraineté du pays, veut restaurer la souveraineté économique, renforcer l’autonomie de la Tunisie et réduire la dépendance extérieure et à promouvoir une politique économique axée sur les besoins internes du pays.
Belles intentions, servies à souhait, pour l’instant, par l’économie de la pénurie et les discours populistes mais qu’il est peu probable d’atteindre.
La Tunisie qui n’a pas fait de grandes avancées dans la production des énergies renouvelables, dans l’intégration des nouvelles technologies socle des politiques industrielles, qui n’a pas mis en place un plan révolutionnaire pour assurer son indépendance alimentaire, sera toujours dépendante des ressources énergétiques et des céréales venant de l’international et par conséquent de l’autre, celui qu’on rejette, obnubilé par une souveraineté économique fictive.
La Tunisie qui n’a pas simplifié son armada réglementaire et n’a pas adouci son ton avec les investisseurs nationaux, qui est encore à la traine en Afrique s’agissant de logistique et de digital les verra partir un par un tout comme ses compétences.
En économie, il ne faut pas tout juste des intentions, il faut des stratégies, des politiques, des plans, des visions !
La doctrine “économique” Saied reflète-t-elle cela ?
Le temps, qui passe très vite, nous le dira et puis l’enfer n’est-il pas pavé des meilleures intentions ?