Les échanges commerciaux de la Tunisie aux prix courants au terme du premier trimestre 2024 enregistrent, selon l’INS, une hausse des exportations de 4,3% contre +10,9% durant la même période en 2023 soit 16.287,9 MD contre 15.614,7 MD durant le premier trimestre de l’année 2023. Les importations ont pour leur part baissé de 0,6% contre +5,5% durant la même période en 2023 ce qui revient à 19.342 MD contre 19.460,5 MD en 2023.
Est-ce bon signe ?
La hausse des exportations de 4,3% et la baisse des importations de 0,6% ont permis de réduire le déficit commercial qui s’établit à -3.054,1 MD contre -3.845,8 MD au premier trimestre de l’année dernière. Le taux de couverture a ainsi gagné 4 points et s’établit à 84,2%.
Les exportations du secteur de mines, phosphates et dérivés ont baissé de 21,9%. La Tunisie n’a pas pu récupérer ses marchés face à une concurrence féroce des voisins et à cause d’une longue décennie de destruction programmée de tout l’appareil productif du phosphate. Les incertitudes du marché mondial des phosphates dues à un rétrécissement de la demande n’ont pas aidé. Les cours du phosphate brut sont restés inchangés à 152,5 dollars la tonne, leur plus bas niveau depuis 2021, en chute de 56% depuis leur pic en 2023.
“Les exportations tunisiennes ont augmenté de 4,3% au premier trimestre 2024, contre 10,9% à la même période en 2023.”
Cela étant, en l’absence d’un véritable réveil économique et d’indicateurs de relance clairs, nets et précis, pouvons nous considérer la réduction du déficit commercial comme une grande réalisation, et nous complaire dans un optimisme béat fantasmant sur une prospérité économique qui doit ce peu de réalisation au choix de l’économie de la pénurie et aux exportations des produits agroalimentaires et en prime l’huile d’olive ?
Hechmi Alaya considère que la réduction du déficit commercial et la contraction des échanges extérieurs au premier trimestre 2024 témoignent de l’approfondissement de la crise économique.
“Les exportations ont progressé au premier trimestre (en dinars courants) au rythme le plus faible depuis la fin de la crise de la Covid et les importations sont en recul quasi non-stop pour le huitième mois. L’augmentation des exportations de 673,2 MDT résulte de la hausse des prix mondiaux de l’huile d’olive et du pétrole. Des hausses qui ont permis aux ventes d’huile d’olive de dégager un excédent de près de 955 MDT et à celles des produits pétroliers, de dégager un solde de 116 MDT. En revanche, les exportations du secteur offshore ont reculé pour la première fois depuis la pandémie, de 1,7% en glissement annuel à la suite de la chute des livraisons de produits textiles de 10,3% en g.a”.
Les industries mécaniques et électriques principalement exportatrices affichent une croissance de 2,0% en G.A (Glissement annuel). Ces industries principalement exportatrices dépendent des marchés internationaux et ne sont pas soumises aux contraintes du national.
“Les importations ont baissé de 0,6% au T1 2024, contre une hausse de 5,5% en 2023.”
Ce que les rapports officiels ou ceux de l’INS ne disent pas et que n’a cessé de dire et redire Hechmi Alaya et d’autres économistes est que la contraction des importations affecte les inputs qui font tourner l’appareil de production.
“Les achats de produits miniers sont en chute libre (-34,8% en g.a), ceux des produits intermédiaires sont en recul non-stop depuis douze mois (-6,9% en g.a), les achats de biens d’équipement (-2,2% en g.a) sont loin de retrouver en dinars courants, leur niveau pré pandémique (avant l’avènement du Covid+) : 3,89 MMDT contre 4,00 MMDT au premier trimestre 2019. Le déficit commercial est revenu cette année à son plus bas niveau depuis l’année 2009. Un déficit qui recèle une aggravation du déficit engendré par les échanges du régime général qui représente 252,3% du déficit commercial ; un record historique. Dans cette configuration, la baisse du déficit commercial est loin d’être un bon signe. Elle témoigne plutôt d’une aggravation du ralentissement de l’économie. La Tunisie est en passe de réduire sa dépendance aux financements extérieurs en sacrifiant son économie. Une approche mortifère qui va aggraver la menace que fait peser la dette extérieure”.
“Les exportations du secteur minier, phosphates et dérivés ont baissé de 21,9% au T1 2024.”
Un indicateur important est celui de la baisse de la production de l’électricité à fin février 2024 de 7% par rapport à la même période l’année précédente ce qui devrait interpeller les sages de ce pays quant aux raisons de cette baisse : est-elle liée au recul de la production industrielle ou à celle des consommation des ménages ?
Dans la réalité, la désindustrialisation se poursuit en Tunisie, le tissu entrepreneurial rétrécit comme peau de chagrin et ce sont les PME qui paient le prix fort de l’absence de plans efficients pour leur sauvetage.
Des PME par milliers qui disparaissent alors que tout l’appareil de l’État est mis au service des sociétés communautaires dans un pays qui risque de sortir de l’ère des grandes technologies après avoir reculé dans le classement des Speedtest Global Index des pays avec la connexion internet la plus rapide en 2024. Une connexion qui met en souffrance entreprises et particuliers mais ce n’est pas grave du moment que le nombre des sociétés communautaires augmente de jour en jour !
A.B.A
Sources : INS, Ecoweek, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2024/03/08/breves-economiques-de-tunisie-et-de-libye-semaine-du-4-au-8-mars-2024