Dans des économies structurées planifiées et réfléchies, la hausse de l’endettement peut être favorable à de fortes croissances et à court terme, elle peut stimuler la demande domestique et la croissance entrainant des cycles d’endettement et de désendettement reliés au cycle économique. À plus long terme, un taux d’endettement élevé peut représenter un handicap pour le potentiel de croissance.
Une dette publique dépassant les 81% peut-elle être tolérable à moyen et long terme ?
Pouvons-nous, pallier les déficits de l’État en recourant systématiquement à l’endettement intérieur ou extérieur ?
L’équation tunisienne défie toute logique économique. Ainsi, nous nous trouvons dans un « no man’s land » s’agissant de stratégies économiques, un taux de croissance nul et une hausse de l’endettement intolérable.
Un endettement public puisé dans le national et l’international qui passe par un seul robinet lequel dans la plupart des cas coule dans le budget de l’État. Un budget où les dépenses d’investissement (connues sous l’ancienne appellation de titre II) n’occupent pas beaucoup d’espace. Donc pas d’investissements publics et des investissements privés trop modestes pour créer une croissance notable.
En revanche, les emprunts obligataires, titres de créance émis par l’État, continuent sur un rythme soutenu. Le mois de novembre 2023, par l’emprunt Obligataire National 2023 fixé à 700 MD, a sonné la fin des souscriptions de l’année. Lundi 6 mai, on a lancé la deuxième tranche de l’emprunt obligataire national 2024, pour mobiliser 700 MD à la suite d’une première tranche d’un montant de 1 033,7 MD qui a dépassé l’objectif initial fixé à 750 MD et dont les fonds proviennent principalement des intermédiaires en bourse (67%) et des banques (33%).
Lundi 6 mai, on a lancé la deuxième tranche de l’emprunt obligataire national 2024, pour mobiliser 700 MD à la suite d’une première tranche d’un montant de 1 033,7 MD qui a dépassé l’objectif initial fixé à 750 MD
Un marché financier qui n’arrive plus à financer l’économie avec le principal de ses ressources qui va vers le budget de l’État, des PME et TPE qui n’arrivent pas à arracher des prêts des banques frileuses, récalcitrantes ou en mal de liquidités mais des analystes financiers et des commentateurs économistes qui crient victoire car ces emprunts interviennent à un moment favorable de la conjoncture économique ?
La vie en rose!
Conjoncture économique favorable ? Avec une inflation de 7,2% qui a relativement reculé mais qui reste élevée pour le Tunisien moyen ? Un taux de chômage à 16,4% à fin décembre 2023 et une croissance atone ?
Des échanges commerciaux, qui au mois de mars 2023, selon l’INS, ont ralenti avec des exportations qui ont diminué de 1,3%, et hors produits énergétiques une baisse de 7,3% ? Une contraction des exportations dans plusieurs secteurs et en prime dans les industries mécaniques et électriques qui ont reculé de 6,4% ?
La baisse des exportations est la troisième baisse consécutive et les économistes qui voient la vie en rose devraient peut-être être moins euphoriques pour éviter d’être mis KO par une réalité que leur opportunisme médiatique ou leur courtisanerie gratuite a empêché de voir !
Dans l’attente, la Tunisie résiste et rembourse. Des 11,6 milliards de dinars que le pays devait rembourser à l’international, 5,5 milliards de dinars ont été honorés entre janvier et avril 2024 dont les 850 millions d’euros remboursés au mois de février. A partir du mois de mai et jusqu’au mois de juillet, 720 millions de dinars seront remis au FMI et au mois d’octobre prochain, le Japon récupérera ses 50 Mrd de Yen soit 1000 MD.
En Tunisie, les intérêts de la dette extérieure, à eux seuls ont représenté 1,5 % du PIB en 2023. Si l’on considère la dette intérieure, ils passent du simple au double, soit près de 5 % de la dépense publique. Le taux d’endettement est devenu un handicap et un frein à l’intervention publique et non un instrument à son service.
A partir du mois de mai et jusqu’au mois de juillet, 720 millions de dinars seront remis au FMI et au mois d’octobre prochain, le Japon récupérera ses 50 Mrd de Yen soit 1000 MD.
Un État qui vit au rythme des prêts contractés par ci, par-là, dont le dernier auprès du fonds islamique ITFC, (Arabie Saoudite) de 1,2 milliard de $ pour financer les importations de matières premières et en prime les produits pétroliers, peut-il réellement être souverain ? Ne dit-on pas que la main qui donne est la main qui dirige ? Et si la Tunisie est récalcitrante quant au fait de contracter un prêt du FMI par peur du dictat, ne doit-elle pas être vigilante par rapport aux pays qui aujourd’hui sont prompts à lui accorder des prêts mais qui peuvent un beau jour vouloir la mettre sous leur coupe ou la soumettre au chantage politique ou économique ?
Comment peut-on admettre l’obtention d’un crédit à moyen terme (3 ans) pour financer des opérations courantes d’achat par les entreprises publiques de produits divers, de surcroit du carburant et des céréales ? Il faut comprendre que financer des opérations courantes à court terme par des emprunts à long terme, ne relève nullement de l’orthodoxie économique et des règles d’une saine gestion financière
Les dettes, qui ne servent pas à booster la croissance économique et financer les investissements publics, ne peuvent ni permettre au pays contractant de dépasser ses difficultés, préserver sa souveraineté et encore moins assurer au peuple la prospérité ambitionnée.
Qu’attend-t-on pour transformer l’endettement vicieux en un endettement vertueux ?