Sous la forte pression du réchauffement climatique, de l’intelligence artificielle et de la pandémie du Corona virus Covid 19, les déterminants de l’investissement direct étranger (IDE) vont beaucoup changer. Pour nuancer, sans effacer totalement les anciens déterminants, en l’occurrence les bas salaires et les bas coûts de production, de nouveaux critères sont apparus.
Il s’agit, principalement, de l’exigence dorénavant d’une main d’oeuvre à qualification numérisée, d’une production respectueuse de l’environnement et de la sécurisation des chaînes d’approvisionnement et l’option pour des sites de production de proximité (nearshoring).
Les enjeux pour la Tunisie
La Tunisie, qui a choisi, depuis les années 70, d’édifier son modèle de développement sur l’attraction des IDE moyennant les bas salaires et sa proximité d’un des plus grands marchés du monde, l’union européenne, devrait en principe tenir compte de ces nouveaux déterminants et s’employer à s’y adapter.
Est il besoin de rappeler que la Tunisie compte, actuellement, quelque 4000 entreprises étrangères ou à participation étrangère dont près de 3 400 entreprises sont européennes. Selon Marius Cornaro, ambassadeur de l’UE en Tunisie, cette forte présence européenne en Tunisie génère environ 380 millions d’euros d’investissement et offre 400 000 emplois. Cela pour dire que les enjeux socio-économiques sont énormes pour les tunisiens.
Pour revenir aux nouveaux déterminants de l’IDE dans une récente étude, le cabinet français, CapGemini, spécialisé dans les services numériques en a retenu trois groupes.
Le premier groupe d’avantages compétitifs concerne le profil de la future main d’œuvre demandée. Dorénavant, cette main d’œuvre, par l’effet de la mobilisation d’investissements lourds dans la robotique et l‘intelligence artificielle, devra, pour être recrutée, disposer nécessairement d’une qualification numérisée. D’après les projections de l’étude précitée de Capgemini, ce sont 53% des ouvriers contre 30% aujourd’hui, qui doivent être dotés de compétences numériques nécessaires au bon fonctionnement des machines.
Un tel déterminant, pour être disponible dans les pays récepteurs d’IDE, va exiger d’eux d’investir lourdement dans la formation et l’éducation numérisées.
Le deuxième groupe de déterminants est rendu nécessaire par les conséquences du réchauffement climatique. Il s’agit de ce qu’on appelle aujourd’hui, la décarbonation.
Pour pouvoir écouler leurs produits sur le marché européen, les pays récepteurs d’IDE doivent obligatoirement se conformer aux barrières érigées aux frontières de l’Union européenne. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est déjà appliqué depuis octobre 2023 avec l’obligation faite importateurs européens de déclarer la valeur carbone de leurs importations.
S’adapter à la décarbonation ou disparaître
Conséquence : le contenu en carbone des produits commercialisés va ainsi conditionner les échanges commerciaux et les futurs IDE. Il va exiger, parallèlement, des pays récepteurs d’IDE exportateurs de se conformer aux nouvelles taxes carbone et surtout d’investir lourd dans la production propre, biologique, respectueuse de la durabilité des ressources naturelles (énergie, eau, transport, agroalimentaire…).
A titre indicatif, il n’est pas exclu de voir un jour les européens, refouler aux frontières, des produits irrigués (dattes, primeurs…) en Tunisie (Kebili , Sidi Bouzid, kasserine, Gabès…) par l’eau de la nappe profonde qui serait déjà surexploitée au fort taux de 130% par l’effet des forages anarchiques. De telles pratiques ne seront plus tolérées dans l’avenir.
Le troisième groupe de déterminants a trait à la relocalisation devenue impérative après la crise de la pandémie du Corona virus Covid 19. Concrètement il s’agit de sécuriser les chaînes d’approvisionnement soit en optant pour la réindustrialisation des marchés émetteurs d’IDE soit en optant pour la production dans des sites de proximité, le sud de la méditerranée pour l’Union européenne….
Ce souci de sécurisation se justifie par des motifs géopolitiques (défiance vis-à-vis de puissances hostiles : Russie, Chine, Iran…) et par le besoin de contourner par l’avantage du nearshoring et du friend shoring des menaces potentielles qui pèsent sur le trafic maritime (piratage, guerres régionales…).
A regarder de près ces nouveaux déterminants de l’IDE, la Tunisie, pays encore sous équipé a tout intérêt à s’y adapter. Objectifs : accélérer les réformes structurelles (éducation numérisée, digitalisation de l’administration.., transition énergétique…), garantir à sa population un environnement sain et inciter les 4000 entreprises off shore implantées dans le pays à engager de nouveaux investissements dans la production propre. Il s’agit de les fidéliser en quelque sorte sur des bases plus saines.
A bon entendeur.