Au regard des statistiques fournies sur les Investissements directs étrangers (IDE) en 2023, deux grandes tendances se manifestent : l’orientation des ide vers les services et une nouvelle configuration géographique des sites attractifs en méditerranée. D’après des données dévoilées par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le montant des IDE mobilisés en 2023 s’est chiffré à 1 370 milliards de dollars, soit, avec une légère augmentation de 3% qui n’efface pas les stigmates de 2022…

Ce qui est intéressant dans ces statistiques c’est la répartition sectorielle des IDE : les services ont le plus bénéficié avec une augmentation de leur part de 15% tandis que celle des industries manufacturières a reculé de 13%.

Mention spéciale pour leur localisation zonale : hormis dans l’Union européenne et en Amérique centrale, les flux d’IDE ont stagné ou reculé presque partout dans le monde.

L’orientation des IDE vers les services et une nouvelle configuration géographique des sites attractifs en Méditerranée.

Ces nouvelles tendances, rendues nécessaires par l’effet de la relocalisation générée par la pandémie du Corona virus Covid 19 et les progrès technologiques (intelligence artificielle), ne manquent pas d’enjeux pour la Tunisie retenue, depuis les années 70, comme site de production internationale. Le site Tunisie abrite, depuis et jusqu’à ce jour, 4000 entreprises étrangères ou à participation étrangères dont 3400 européennes. La plupart de ces entreprises off shore opèrent hélas dans les industries manufacturières, c’est-à-dire, à contre-courant de la tendance actuelle des IDE

La Tunisie ne figure plus dans la liste des futurs pays méditerranéens attractifs d’ide

Pis, dans une récente étude menée par le cabinet français, Cap Gemini, spécialisé dans les services numériques, la Tunisie ne figurerait pas dans la liste des quinze futurs pays les plus attractifs d’IDE dédiés aux industries manufacturières. dans la zone euro-méditerranéenne.

Sur les quinze pays listés, trois pays du sud de la méditerranée y sont retenus. Il s’agit de la Turquie, de l’Egypte et du Maroc.

Nous avons besoin de passer d’un modèle qui est basé sur une industrie à faible valeur ajoutée vers un modèle où l’innovation et les nouvelles technologies doivent être au cœur de la croissance

D’après l’étude, la partie off shore va se réduire, drastiquement, par l’effet de la réindustrialisation en Europe. En d’autres termes, l’Europe sera dorénavant un site concurrent des destinations classiques réceptrices d’ide.

Pour ne citer qu’un indicateur fort révélateur évoqué par le quotidien économique britannique Financial Times, « les investissements intra-européens ont doublé entre 2023 et les années précédant la Covid, soit 185 milliards de dollars contre 100 Milliards auparavant ».

Cap sur l’innovation

Face à cette nouvelle tendance, les responsables en charge de promotion de l’Ide en Tunisie en sont, parfaitement conscients. Ils mijotent actuellement sur la stratégie à suivre pour continuer à attirer des IDE.

Intervenant lors d’un récent débat organisé, le 23 avril 2024,  par la Délégation de l’Union européenne en Tunisie sur le thème «Relancer les IDE dans le nouveau contexte mondial », Namia Ayadi, présidente de l’Instance tunisienne de l’investissement (TIA) a déclaré qu’en matière d’ide, la tendance aujourd’hui en Tunisie est à l’innovation. « Nous avons besoin de passer d’un modèle qui est basé sur une industrie à faible valeur ajoutée vers un modèle où l’innovation et les nouvelles technologies doivent être au cœur de la croissance, d’où l’enjeu pour la Tunisie d’attirer des IDE innovants, utilisant les nouvelles technologies et prenant en considération des paramètres comme le défi climatique et la relocalisation », a-t-elle dit.

Encourager les 4000 entreprises off shore implantées en Tunisie à rester

Pour sa part, l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE), a plaidé lors d’un récent séminaire sur «Les investissements directs étrangers en Tunisie entre attractivité et fidélisation» (mi mai 2024), pour la fidélisation de l’existant. Il a proposé aux responsables du pays une double démarche. IL s’agit de préserver et de retenir les investissements étrangers existants, en favorisant un climat d’investissement idoine, à même de préserver les emplois créés, et à veiller à attirer de nouveaux IDE ». Autrement dit, la Tunisie gagnerait beaucoup à fidéliser les entreprises off existantes ».

Investir en amont, dans deux secteurs majeurs : la mise en place d’un environnement d’affaires attractifs et l’investissement massif dans la formation et l’éducation numérisées

L’IACE justifie sa proposition en se basant sur le constat suivant : «Depuis 2014, le nombre d’extension des projets étrangers en Tunisie est constamment supérieur aux nouvelles créations, ce qui reflète une capacité de rétention et de fidélisation des investissements étrangers existants, avec un effort de réinvestissement de plus en plus important, et ce, dans un contexte de faible capacité d’attractivité de nouveaux investissements », note t-il.

In fine, nous pensons que face aux défis de l’innovation et de la fidélisation, la Tunisie n’a d’autres choix, pour les relever, qu’investir en amont, dans deux secteurs majeurs : la mise en place d’un environnement d’affaires attractifs et  l’investissement massif dans la formation et l’éducation numérisées, des préalables exigées de plus en plus par l’IDE rénové.