De nombreux acteurs économiques locaux et observateurs de l’économie tunisienne estiment que la Tunisie n’attire pas d’importants flux d’investissement direct étrangers (IDE) en raison, entre autres, de la lenteur administrative et de l’inefficacité des structures de promotion. Pour y remédier, ils ont proposé des solutions pratiques, et ce lors, de leur participation à un récent dîner-débat organisé par la délégation de l’union européenne en Tunisie sur le thème de « la relance les IDE dans le nouveau contexte mondial ». Quatre propositions méritent qu’on s’y attarde en raison de leur pertinence.
Pour les représentants des organisations patronales, le mal réside dans la non association des privés aux efforts de promotion.
Nafaa Naifar membre du bureau exécutif de l’UTICA estime que la régression des IDE en Tunisie est du à deux facteurs endogènes : la dégradation du climat des affaires dans le pays et la dégradation de l’image du pays. Pour y remédier, il s’agit de dégager une vision claire et d’établir des priorités. Pour lui est de choisir entre la promotion des IDE ou la collecte de fonds pour financer le budget de l’Etat.
La solution serait de se faire aider par des cabinets internationaux
Pour sa part, Aslan Berjeb président de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) a souligné, avec beaucoup d’insistance, le rôle positif que peuvent jouer les privés dans l’attraction des IDE. Pour contourner les limites des actions de promotion menées, jusqu’ici, il a suggéré au gouvernement de se faire aider par des cabinets internationaux pour mobiliser des ide de grande taille.
La régression des IDE en Tunisie est due à deux facteurs endogènes : la dégradation du climat des affaires dans le pays et la dégradation de l’image du pays.
Au rayon des structures d’encadrement de l’off shore en Tunisie, Adel Mohsen Chaabane, président du Conseil des Chambres Mixtes (CCM) a estimé que les solutions sont à portée de main. Il a rappelé, à ce sujet, que tous les problèmes liés à l’Ide (législation de l’investissement, commerce, douane, fiscalité…) ont été discutés avec les autorités tunisiennes. Il a ajouté que cette discussion a abouti à des recommandations consignées dans 200 mesures. Pour lui ces mesures, pour peu qu’elles soient mises en œuvre par le gouvernement sont à même d’améliorer le climat des affaires en Tunisie et relancer l’IDE dans le pays.
Cibler davantage les parcs technologiques et les zones industrielles
Pour sa part, Mohamed Malouche, consultant aux Etats Unis, et chef du projet « Promotunisiana » a proposé aux autorités tunisiennes en charge de la promotion des ide d’impliquer davantage sa diaspora dans l’attraction d’ide.
Pragmatique, il leur a demandé également de changer les méthodes de promotion macroéconomique du site de Tunisie (conférences, salons…). Pour lui, l’enjeu serait de se concentrer sur le microéconomique. Concrètement, il s’agit de promouvoir auprès des investisseurs étrangers les parcs technologiques, les technopoles et les zones industrielles du pays.
Des mesures, pour peu qu’elles soient mises en œuvre par le gouvernement, sont à même d’améliorer le climat des affaires en Tunisie et de relancer l’IDE dans le pays.
Collant à son époque, celle de la numérisation mondialisée, Tahar Ben Lakhdar, président de l’École supérieure d’ingénierie et de technologies (Esprit) de Tunis a demandé à l’Etat tunisien de se préparer sérieusement au tsunami de l’Intelligence artificielle (IA) et à mettre en place un environnement devant favoriser les ingénieurs tunisiens à travailler à distance à partir de la Tunisie. Pour lui, la mobilité n’est plus physique, elle est numérique.
En écho à ses propositions, les représentants des structures officielles de promotion des Ide en Tunisie ont affiché sérénité, optimisme et confiance.
L’IDE dans les énergies vertes serait une solution durable
C’est le cas de Namia Ayadi, présidente de l’Instance tunisienne de l’investissement (TIA). Elle a déclaré qu’en matière d’ide, la tendance aujourd’hui en Tunisie est à l’innovation. « Nous avons besoin de passer d’un modèle qui est basé sur une industrie à faible valeur ajoutée vers un modèle où l’innovation et les nouvelles technologies doivent être au cœur de la croissance, d’où l’enjeu pour la Tunisie d’attirer des IDE innovants, utilisant les nouvelles technologies et prenant en considération des paramètres comme le défi climatique et la relocalisation », a-t-elle dit.
Mieux, elle a salué le rôle que joue la diaspora tunisienne à l’étranger en matière d’orientation des IDE vers la Tunisie. Elle a révélé que l’année 2024 sera marquée par l’annonce d’importants projets d’IDE.
Nous avons besoin de passer d’un modèle qui est basé sur une industrie à faible valeur ajoutée vers un modèle où l’innovation et les nouvelles technologies doivent être au cœur de la croissance
Illico presto, un mois après cette déclaration de Namia Ayadi, le gouvernement tunisien, signe le 28 mai 2024, à Tunis, un accord préliminaire avec un consortium européen pour développer un méga-projet d’hydrogène vert en Tunisie.
Par le canal de leur joint-venture TE H2, les groupes français Total Energies et luxembourgeois Eren, associés à l’Autrichien Verbund, vont développer un méga-projet de production à grande échelle d’hydrogène vert à partir d’électricité solaire et éolienne dans le sud tunisien.
L’accord préliminaire prévoit l’acheminement de 200.000 tonnes par an vers l’Europe via le pipeline SoutH2 Corridor dans une première phase, avec la possibilité d’atteindre un million de tonnes par an.
L’investissement nécessaire pour la première phase est estimé à environ 6 milliards d’euros (19,8 milliards de dinars), tandis que la phase finale, prévue pour 2050, représentera un investissement total de 40 milliards d’euros (132 milliards de dinars).
Il s’agit de toute évidence d’un méga projet et d’un méga investissement qui, pour peu qu’il se confirme, va booster de manière significative les IDE en Tunisie.