“Les meilleures stratégies sont des visions pas des plans” atteste Henry Mintzberg, universitaire et chercheur canadien qui a beaucoup écrit sur le pouvoir de la planification stratégique. Dans l’histoire des nations, l’élaboration d’une vision claire pour un développement et une croissance économique a toujours permis la mise en place d’un processus socioéconomique qui évolue à travers différentes étapes.

La Tunisie en manque de vision depuis 2011 et à ce jour, s’est-elle enfin réveillée ? Il faut l’espérer surtout avec l’apparition de nouvelles économies : bleue, orange, circulaire, bleue ou verte qui recèlent un gros potentiel en matière d’investissement. D’où le thème baptisé “Où la durabilité rencontre les opportunités” lors de la dernière édition du Forum de Carthage sur l’investissement organisé du 12 au 13 juin par la FIPA.

Une édition axée sur le potentiel d’innovation et d’investissement durable de l’économie tunisienne. Des orientations sur lesquelles a été axée l’intervention de la ministre des Finances Sihem Boughdiri Nemsia lors de la session consacrée à “L’investissement étranger, les réformes et opportunité”.

La ministre a assuré l’engagement du gouvernement tunisien à réaliser des réformes importantes sur le système fiscal, encourageant du reste, pour l’investissement. Un système qui défend l’inclusion financière et qui accorde nombre d’avantages et d’incitations aux investisseurs, qui lutte contre les lourdeurs administratives et la complexité des lois et qui comprends nombre de lois très encourageantes dont les conventions sur la double imposition ainsi que l’assouplissement de la réglementation de change et la libéralisation des opérations d’investissement. Des affirmations qui ne font pas l’unanimité.

Une étude réalisée par Tejeddine Ben Ouali de l’Université virtuelle de Tunis, dénonce l’accroissement vertigineux du taux de la pression fiscale. “Cette dernière est presque restée constante entre 1995 et 2010 en se situant à 20,58%. Elle a atteint son apogée en 2022 pour se situer à 24,5%, compte non tenu des cotisations sociales et de la contribution sociale de solidarité et 32,5% compte tenu de ces obligations sociales”.

Des difficultés mais beaucoup d’idées

Fethi Zouhair Nouri, gouverneur de la BCT panéliste lors de la même session a, pour sa part, insisté sur l’importance de la maîtrise de l’inflation et du taux de change. “Mon objectif est la croissance économique via une politique monétaire efficiente. Nous estimons que la maîtrise de l’inflation est sur la bonne voie et dénote de la justesse des mesures prises par la BCT. Aujourd’hui, ce qui m’importe est de garder et de récupérer nos compétences et c’est là où investir dans un pays comme la Tunisie est important.

Nous avons des difficultés mais beaucoup d’idées et nous faisons ce qu’il faut pour améliorer nos agrégats économiques et récupérer les 3% de croissance perdus après la révolution ”. Le gouverneur de la BCT a aussi insisté sur la compétitivité prix. Soit la capacité à produire des biens et des services à des prix inférieurs à ceux des concurrents pour une qualité équivalente.

“L’investissement est libre” assure la ministre de l’Économie et de la Planification!

“Nous avons entrepris des démarches pour simplifier l’accès au marché et lever les barrières à l’entrée. Conformément à l’article 4 de la loi d’investissement stipulant que « l’investissement est libre », nous avons mis en place un programme de suppression des autorisations administratives et d’activités économiques.

Une première phase a déjà abouti à la suppression de 52 autorisations, et une troisième vague additionnelle de 33 autorisations seront supprimées. Nous nous sommes inscrits également dans un nouveau programme visant à simplifier les cahiers des charges des activités économiques et à digitaliser leur processus de traitement et d’approbation” a indiqué pour sa part Feriel Ouerghi Sebaï, ministre de l’Économie et de la Planification.

“Mon objectif est la croissance économique via une politique monétaire efficiente.” – Fethi Zouhair Nouri, Gouverneur de la BCT

La ministre a rappelé les 185 réformes adoptées sous le gouvernement Bouden, qui reposent sur une approche globale et progressive visant la réalisation de la stabilité économique et d’une croissance inclusive et durable. Des mesures visant à créer un environnement favorable et attractif pour les investissements en Tunisie.

La ministre a affirmé encourager le dialogue public-privé, qui permet de définir une vision commune et d’améliorer le climat d’affaires et assure être engagée à pérenniser ce dialogue en tant qu’espace d’échange et de concertation.

La ministre qui a déclaré sur les ondes d’une radio privée déplorer le fait que l’économie nationale ne crée plus de l’emploi a annoncé un plan pour l’amélioration du climat des affaires articulé autour de 12 thématiques, “couvrant le cycle de vie d’entreprise, depuis sa création jusqu’à la résolution des différends, en passant par les questions foncières, la passation de marchés, et l’accès aux financements.”

Décidée à donner un coup de fouet à l’investissement en Tunisie, Feriel Ouerghi Sebaï, annonce un programme concret pour l’amélioration de l’accès au foncier à travers la création d’une cartographie digitalisée des terrains disponibles à l’investissement ainsi que la mise en place d’un système national unifié pour centraliser toutes les informations foncières et continuer la digitalisation des procédures de de l’administration foncière.

“Nous avons entrepris des démarches pour simplifier l’accès au marché et lever les barrières à l’entrée.” – Feriel Ouerghi Sebaï, Ministre de l’Économie et de la Planification

Il faut espérer que ce projet puisse aboutir car à ce jour, l’interopérabilité ne fonctionne pas comme espéré dans un pays qui a été les premiers à lancer sa transformation digitale quand ses concurrents immédiats en étaient aux balbutiements.

La ministre, qui a beaucoup de pain sur la planche et qui doit user de toute la diplomatie dont un haut responsable peut être capable, pour que la finalisation de la digitalisation du processus d’obtention du permis de construire ne se limite pas aux discours d’intention, a annoncé le lancement imminent de la plateforme E-Construction pour six communes pilotes en juillet 2024, avec une généralisation en 2025.

Pour améliorer l’infrastructure portuaire dans le cadre d’un contrat d’objectifs, la promulgation d’un cadre réglementaire pour la logistique est programmée. Pour rappel, le système TOS agile, mobile, léger et abordable qui offre de véritables avantages de la numérisation des ports, a été lancé en Tunisie en 2019 sans que les performances suivent.  Pour la ministre, les efforts pour digitaliser les procédures liées au commerce transfrontalier, afin d’accroître la transparence et l’efficacité seront poursuivis avec détermination et persévérance.

“L’économie tunisienne a été malmenée par des choix non réfléchis, l’absence de plans de relance et développement.”

Feriel Ouerghi a également annoncé son ambition “de digitaliser le parcours de l’investisseur d’ici juin 2025, avec le lancement de la plateforme nationale unique de l’investisseur (PNI) et la mise en place d’un helpdesk online pour traiter les doléances et les requêtes des investisseurs”.

Toujours dans l’objectif de booster l’investissement, la ministre a annoncé, le lancement d’un système informatique J-Share pour l’échange électronique des dossiers relatifs aux affaires commerciales.

Parallèlement, il y aura création de pôles judiciaires commerciaux et renforcement des chambres de commerce au niveau des tribunaux pour que des juges édifiés sur le droit des affaires, le code du commerce statue sur les délits ou dossiers commerciaux.

Dans un pays où, l’économie tunisienne a été malmenée par des choix non réfléchis, l’absence de plans de relance et développement prenant en compte les grands bouleversement subis pendant prés de 14 ans, il faut espérer que Feriel Ouerghi Sebaï, qui s’engage et rassure, réussisse à desserrer les vis des résistances légales, administratives et surtout culturelles et lu redonne son brillant d’antan.

Amel Belhadj Ali