Le taux alarmant de l’émigration parmi les ingénieurs tunisiens, impacte sévèrement le développement économique et social du pays, ainsi que sa capacité à réussir ses transitions énergétique, numérique et écologique, la pérennité de son modèle économique et sa compétitivité internationale, c’est ce qui ressort d’une étude intitulée « La fuite des cerveaux parmi les ingénieurs en Tunisie : causes, conséquences et propositions de politiques économiques» publiée début juillet 2024 par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES).
L’émigration des ingénieurs de la Tunisie représente une menace significative pour la croissance de la nation, avec environ 3000 ingénieurs quittant le pays chaque année. Le pic a été atteint en 2022 avec 6500 ingénieurs, selon l’Ordre des Ingénieurs Tunisiens, souligne l’étude, ajoutant que «les impacts de cette émigration ne se limitent pas à la génération actuelle mais peuvent également compromettre les opportunités futures (transmission intergénérationnelle des effets) ».
Parmi ces impacts, l’ITES cite la diminution de l’expertise et de l’innovation en Tunisie. Le départ massif des ingénieurs compromet l’expertise et l’innovation du pays, affectant la productivité industrielle, la compétitivité sur les marchés mondiaux et les investissements en recherche et développement. Cela crée un cercle vicieux où le manque d’innovation décourage les investissements en capital humain et en technologie.
Il faudrait aussi s’attendre à «une accentuation des écarts entre les pays industrialisés et en développement car la migration des ingénieurs érode la base de compétences pour l’enseignement et la recherche locales, entravant les initiatives de R&D et limitant la capacité du pays à répondre aux défis locaux spécifiques ».
Des risques de dépendance technologique pour la Tunisie ne sont pas écartés car la fuite des ingénieurs compromet la capacité du pays à développer ses propres solutions pour les besoins énergétiques, environnementaux et industriels.
La fuite des ingénieurs affecte, aussi selon l’étude, l’attractivité de la Tunisie pour les IDE, décourageant les investisseurs potentiels et réduisant les financements disponibles pour la R&D, ce qui crée un cercle vicieux de sous-investissement.
«La perte de compétences en ingénierie entrave ainsi le développement économique dans des secteurs cruciaux tels que l’énergie, l’environnement et l’industrie manufacturière. Cela crée une dépendance technologique et limite la capacité du pays à innover et à entreprendre, entravant ainsi la compétitivité et la diversification économique ».
L’étude identifie les actions prioritaires pour la rétention des ingénieurs et la prévention de la fuite des compétences en Tunisie.
Lesquelles couvrent, entre autres, l’optimisation des conditions de travail, la valorisation du parcours professionnel et de la formation, l’adaptation du système éducatif aux besoins du marché du travail, le renforcement de la stabilité politique et économique, l’amélioration des infrastructures, la dynamisation de l’écosystème entrepreneurial…
L’étude recommande également l’augmentation des subventions dédiées à la R&D, le renforcement de l’investissement privé, l’instauration de régimes fiscaux privilégiés pour les ingénieurs et des politiques fiscales incitatives pour les entreprises technologiques, la modernisation des pratiques de gestion, le développement des partenariats avec des entreprises internationales et la promotion de l’intégration des ingénieurs tunisiens expatriés dans les projets locaux.