Le Théâtre de plein air de Hammamet a vécu dans la soirée du 5 au 6 juillet 2024 un moment solennel en signant un retour théâtral aux sources assez exceptionnel à l’ouverture d’une nouvelle édition et la célébration de la toute première ayant rythmé les traditions d’une odyssée, celle du Festival International de Hammamet.

En accueillant ses invités de tous bords et ses festivaliers fidèles, le festival international de Hammamet a soufflé sa soixantième bougie lors de la soirée d’ouverture de sa 58ème édition. Une ouverture rehaussée d’une présence officielle à la hauteur de cet événement notamment celle du ministre par intérim chargé des affaires culturelles Moncef Boukthir, sans oublier évidemment de grandes figures de la scène culturelle et artistique dont notamment la grande actrice Mouna Noureddine, qui a joué le rôle d’Emilia dans la toute première « d’Othello » de Aly Ben Ayed présentée les 31 juillet et 1er aout 1964. Comme invitée cette fois dans ce lieu de mémoire et de retrouvailles, Mouna Noureddine, a eu droit à tous les honneurs hier soir sur la scène lors de l’hommage particulier qui lui a été rendu par le festival qui, fidèle à sa vocation, a tenté depuis sa création à réserver aux artistes tunisiens une place de choix tout en faisant la part belle au quatrième art.

“Othello et après…” commence là où s’est arrêtée la tragédie d’Othello, il y’a plus de 400 années….

De la scène de son amphithéâtre de charme qui porte son même âge et conçu comme un coquillage, s’infiltrent des inoubliables moments, ceux des souffles des comédiens qui y ont joué, des notes de musiques du monde qui résonnent encore par l’euphorie rythmique, la magie de la musique…

De ses gradins en ciment retentit au rythme des “hourra” d’aujourd’hui l’écho des ovations des invités comblés jadis. Soixante années de purs moments d’exaltation et d’émerveillement dans un endroit toujours enchanteur qui a drainé un public venu partager des moments de joie, des émotions et des instants de découverte dans une soirée d’ouverture teintée de nostalgie et porteuse d’une grande symbolique.

Né voilà 60 ans pour être un festival de création, de recherche et d’expérimentation, dans le théâtre, mais aussi la musique, la danse, et les arts de la scène, le festival a offert ce soir aux arts du spectacle à la fois classique et moderne, un champs d’expression qui interpelle à plus d’un égard.

Sur les traces d’ « Othello », les avertis et curieux sont venus découvrir « Othello et après… » dans sa version contemporaine mise en scène par Hammadi Louhaibi qui est revenu sur cette adaptation de la tragédie de Shakespeare âgée de plus de 400 années, en poursuivant le cheminement de la pièce là où l’oeuvre originale s’est terminée : acte 5 quant Othello, proie à sa jalousie démesurée, allait se venger de sa muse Desdemona.

C’est là, avec ce syndrome d’Othello, qu’intervient la signature de cette production cent pour cent tunisienne en ayant recours à une autre lecture tout à fait différente de l’histoire avec l’apparition du personnage de la mère qui va arrêter cette tragédie et toute la symbolique qui en découle de cette vision innovante par rapport à Othello d’où d’ailleurs le choix du titre « Othello et après »….

Classique, légère, brillante, visionnaire, diraient certains, la pièce d’ouverture favorablement accueillie dès le premier acte par les spectateurs, se dresse plutôt comme une création qui relit et interroge une oeuvre qui a traversé bien des siècles, et dont les sujets sont toujours d’actualité : la frénésie de l’homme et les méandres de l’esprit humain en rapport avec le bien et le mal, l’amour et la haine, le délire de jalousie, attribué d’ailleurs à Othello (Syndrome d’Othello), dans un contexte qui rompt avec les préjugés de l’époque.

Une esthétique théâtrale qui ne peut laisser indifférent…

Dans « Othello et après », servie dans l’arabe littéraire, grâce à l’apport de l’écrivain Boukthir Douma, l’on se retrouve peut être face à une approche n’ayant pour but que de nous mettre face à une présentation et une représentation qui livre d’autres faits, une autre vision débordant de messages et d’énergie pour envahir l’espace tel que imaginé par le metteur en scène, dans sa démarche de déchiffrer une œuvre, d’interroger l’histoire pour la raconter autrement, dans une sorte d’un dialogue avec l’oeuvre des plus célèbres du répertoire théâtral mondial.

Jouée dans le cadre idyllique du théâtre de plein air de Hammamet, la pièce est interprétée par un beau bouquet d’artistes de talent (Mhadheb Rmili, Mohamed Chawki Khouja, Bahram Aloui, Samia Bouguerra, Ibaa Hamli, Faten Chouabi) avec l’apparition de l’artiste-chanteur-musicien Ahmed Mejri, donnant à voir ainsi des mini-spectacles dans le spectacle qui laissent succomber au charme des rythmes de l’Afrique (en référence à l’Héros africain), au jeu d’acteurs et des danseurs-chorégraphes, sous une trame sonore, musicale et scénographique qui ne peut laisser indifférent.

Quel meilleur hommage peut-on rendre aux illustres fondateurs, artistes, festivaliers …que de leur offrir 60 ans plus tard une œuvre qui est née d’un devoir de mémoire au grand complet et à plus d’un titre!

Avec le clap de fin de la soirée-anniversaire, l’on ne peut quitter les lieux sans ces bribes de souvenirs, d’impressions sur le tas mais aussi d’autant de questionnements sur ce que cette esthétique théâtrale « Othello et après… » pourrait susciter sur les plans de la création et de la réception.