“Malgré́ les leçons du passé, l’exécutif continue de recourir à l’encadrement et au blocage des prix pour lutter contre l’inflation. Il continue à recourir à des mesures qui non seulement créent les pénuries mais pénalisent l’investissement et la production.
Des mesures à contre-courant, qui relèguent la « suppression » des autorisations administratives au rang d’une bagatelle futile. D’autant plus futile qu’elle a déjà̀ servi de cheval de bataille pour tous les gouvernements (elle a déjà̀ été annoncée en juin 2022 pour fin 2022) sans empêcher la Tunisie de devenir le pays des autorisations administratives d’investissement : 52 auraient été déjà̀ supprimées, une nouvelle liste de 33 est en voie de suppression. Reste à savoir combien il en reste”. Il s’agit là, de la chute de la chronique hebdomadaire du magazine Ecoweek publié par l’économiste Hechmi Alaya.
Est-il aujourd’hui de bon ton de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité sur l’économie nationale ? Il semble bien que les analyses économique trop réalistes de Hechmi Alaya, dérangent plus d’un. Certains préférant le déni pour garder la paix de l’esprit et d’autres sont dans la fuite en avant estimant que la moindre réalisation représente une avancée et que si le verre est plein au 1/10e de sa capacité, eh bien autant le voir à travers une longue vue ou un télescope, pour un volume multiplié par 1000.
Le fait est que s’agissant d’économie, il ne sert à rien de mettre des œillères ou de jouer aux autruches. La réalité finit toujours par nous rattraper et dire la vérité, établir les bons diagnostics sont les seuls moyens de voir le bout d’un tunnel dont l’obscurité déprime les Tunisiens édifiés sur la chose économique et les autres. Les premiers parce que conscients de la réalité de la situation peu reluisante de l’économie nationale et les deuxièmes parce que souffrant dans leurs portefeuilles et leur quotidien de la dégradation de leur qualité de vie.
Les annonces sur les investissements importants en Tunisie avec ce qu’ils offrent comme opportunités d’emplois, devises, s’agissant des IDE, et enrichissement de l’écosystème économique, ne rassurent pas.
“Malgré les leçons du passé, l’exécutif continue de recourir à l’encadrement et au blocage des prix pour lutter contre l’inflation. Des mesures qui non seulement créent les pénuries mais pénalisent l’investissement et la production.” – Hechmi Alaya, économiste
Les grands groupes nationaux qui espéraient un répit après les séries d’arrestations d’opérateurs privés pour des délits financiers et qui projetaient d’investir sont sur le qui vive. Les grands annonceurs qui à travers de grandes campagnes de communication institutionnelle étaient les clients des agences de communication et permettaient de financer le secteur des médias qui vit en grande partie grâce à la publicité sont en train de décrocher au risque de voir des centaines si ce n’est de milliers d’emplois disparus.
La Tunisie, malgré des déclarations rassurantes venant de de part et d’autre ne rassure plus et plus que jamais les acteurs du secteur privé devenus des pestiférés sont en mode “Notre survie passe par notre capacité à être invisibles”. La centrale patronale, elle, observe un silence assourdissant ! C’est à croire qu’elle n’existe plus sur l’échiquier économique national ni en tant que syndicat ni en tant que force de propositions, de sensibilisation et de communication.
Comment dans pareil contexte attirer les IDE ?
IDE dites-vous ? !
Au terme de l’année 2023, les investissements internationaux en Tunisie ont atteint le montant de 2,5 milliards de dinars. Trop peu pour le potentiel de la Tunisie ou encore les incitations offertes aux investisseurs ! Comparés aux trois dernières années, ces investissements ont enregistré des variations de 13,5% par rapport à 2022, 34,4% par rapport à 2021 et 33,7% par rapport à 2020.
Dans un rapport publié par la FIPA en 2022, on cite les troubles transitoires, sociaux et politiques qui ralentissent un épanouissement économique possible avec lequel la Tunisie est familière. En fait, on devrait conjuguer à l’imparfait soit “avec lequel la Tunisie était” familière parce que 2,5 milliards de dinars même après le passage de la pandémie Covid+ sont insignifiants et moins que le tiers du revenu du travail (Transferts des TRE).
Selon les données publiées par la FIPA, les investissements de portefeuille, des investissement qui consistent à acquérir des obligations ou des actions d’une entreprise, sans volonté de la contrôler, ont enregistré une hausse par rapport à la même période de l’année précédente.
Le fait est que s’agissant d’économie, il ne sert à rien de mettre des œillères ou de jouer aux autruches. La réalité finit toujours par nous rattraper et dire la vérité, établir les bons diagnostics sont les seuls moyens de voir le bout d’un tunnel dont l’obscurité déprime les Tunisiens
Le flux des IDE hors énergie enregistré au cours de l’année 2023 a permis de réaliser 638 opérations d’investissement d’une valeur totale de 1916,3 MTND permettant de créer 14.746 nouveaux postes d’emplois.
Parmi ces projets d’investissement, 118 (18%) sont relatifs à des projets de création d’une valeur de 216,1 MTND (11%) qui ont créé 5.126 (35%) nouveaux postes d’emplois, 520 (82%) tiennent à des projets d’extension d’une valeur de 1700,2 MTND (89%), ayant permis de créer 9 620 (65%) nouveaux postes d’emplois.
La majorité des investissements sont donc orientés vers des extensions et non de nouveaux projet et concernant les intentions d’investir, il est de notoriété publique que le passage de l’intention à la réalisation n’est pas évident ! 50% des IDE sont concentrés dans les régions du Grand Tunis (973 MTND), principalement le gouvernorat de Tunis avec 544 MTND et la région du Nord-Est avec plus de 24% des IDE (460 MTND).
2,5 milliards de dinars d’investissements internationaux en Tunisie en 2023 ? Trop peu pour le potentiel du pays et les incitations offertes aux investisseurs !
Par ailleurs s’agissant des premiers investisseurs, la France conserve sa place avec 610,54 MTND soit plus de 31% du total des IDE hors énergie. Le Qatar est en deuxième position avec 293,7MTND, L’Italie troisième avec 263,4 MTND, l’Allemagne quatrième avec 237,9 MTND et le Japon en cinquième position avec 75,14 MTND.
Ceci alors que l’économiste Moktar Lamari commentant un rapport publié par Fitch Rating solutions attestant que les Emirats arabes Unis sont devenus les premiers investisseurs en Tunisie : “Ce sont désormais les Émirats qui investissent le plus en Tunisie. La France est ainsi dépassée, le Qatar arrive en 3ème position, l’Allemagne et l’Italie tentent de se maintenir péniblement”.
Jusqu’à quand se couvrir les yeux au lieu de mettre en place un véritable plan de relance économique ?
Pour rappel le montant des IDE en Tunisie en 2010 dépassait les 2,4 milliards de dinars avec une parité dinar/$ de 1,3255 DT le $. Les Flux d’IDE étaient de 3,7% du PIB en moyenne au cours de la période 2000-2010.
M. Lamari cite le dernier rapport de Fitch sur les risques économiques en Tunisie qui dessine un portrait morose de l’économie nationale. “Ce rapport en dit long sur les fragilités structurelles qui secoue le pays et retardent son rétablissement”.
Face à ce discours, il y a celui de “tout va pour le mieux dans le meilleur du monde” qui prévaut officiellement. Mais jusqu’à quand se couvrir les yeux au lieu de mettre en place un véritable plan de relance économique ?
Amel Belhadj Ali