La Tunisie créatrice et procréatrice de talents et d’intelligence ne s’éteindra pas de sitôt. Le jeune Mohamed Ben Ahmed, rencontré en marge du FIAD 2024* tenu les 27 et 28 juin au Maroc, en est le parfait exemple. Il s’agit du cofondateur de la startup Aquadeep, une startup tunisienne qui opère dans le secteur de l’agritech et qui est orientée sur l’aquaculture. Ingénieur en informatique spécialisé en computer vision et développement en intelligence artificielle, il a, au cours de sa troisième année d’études, développé un petit projet sur les bassins d’élevage larvaire. Le feedback des acteurs dans l’aquaculture a été des plus positifs ce qui a encouragé, Mohamed à lancer sa startup mettant l’intelligence artificielle au service de l’élevage des larves des poissons destinés aux aquaculteurs.
Le point avec Mohamed Ben Ahmed.
Passer de l’idée de projet à la création d’une startup dans l’Agritech a-t-il été aisé pour vous ?
L’idée de sortir du contexte académique et devenir une startup venait du besoin de développer une solution. C’est ce que j’ai fait au début sans grandes difficultés. Après avoir achevé mes études, j’ai fondé Aquadeep avec deux associés. Nous avons développé le premier système de comptage de larves de poisson sur le marché, sacré par un Awards de la part de la FAO (institution des Nations Unies).
En quoi consiste le système que vous avez mis en place ?
Lorsque l’œuf du poisson éclos en larves, pendant 90 jours aquacultures et écloseries n’ont aucune visibilité et il n’y a aucune solution sur le marché qui leur permet de savoir combien il y de larves dans un bassin. C’est un très gros problème, parce que les aquaculteurs se basent sur le nombre de larves de poisson par bassin pour calculer la quantité d’alimentation et d’oxygène à administrer. Un calcul exact est très important pour avoir des larves bien développées. Jusqu’à présent il n’y avait pas de solutions sur le marché pour définir ces données avec exactitude.
Qu’offre votre solution aux aquaculteurs ?
Nous développons des solutions basées sur l’intelligence artificielle et le computer vision. C’est une technique d’intelligence artificielle qui consiste à permettre aux ordinateurs de voir et d’interpréter les images et vidéos de la même manière que le font les humains.
“L’idée de sortir du contexte académique et devenir une startup venait du besoin de développer une solution.” – Mohamed Ben Ahmed, cofondateur d’Aquadeep
L’usage de ces applications permet de donner avec une précision de 95%, le nombre de larves par bassin. Nous donnons aussi des recommandations pour ce qui est de la bonne quantité d’oxygène et d’aliments à placer par bassin, ce qui permet de réduire le coût de production et d’augmenter le taux de survie de la population de larves.
C’est très technique mais pouvez-vous nous expliquer exactement comment vous faites ?
Nous avons trois modules d’intelligence artificielle qui se complètent. Un tout premier module de computer vision pour la détection d’images, du nombre de larves présentes dans les bassins par le biais de vidéos et d’images.
Ensuite, nous utilisons des algorithmes de machine Learning pour établir des estimations sur le nombre de larves. Les larves à la post-éclosion sont très fragiles. Dans l’aquaculture, les transferts d’un bassin à un autre peuvent causer des taux de mortalité énormes et beaucoup de dommages.
Comment le marché a accueilli votre soution, parce que le marché des aquaculteurs est assez développé en Tunisie ?
Nous travaillons avec les écloseries de poisson, ce sont elles qui produisent les larves et les juvéniles de poissons, qui sont transférés ensuite vers des systèmes de croissance, tels que les cages aquatiques. En Tunisie, il y a, je pense, trois écloseries. Nous travaillons avec la plus grande écloserie qui couvre une partie importante du marché local. C’est notre client et notre partenaire en recherche et développement.
Il nous a aidé à développer notre système.
Votre solution peut-elle servir à minimiser les risques que peut avoir le poisson d’élevage sur la santé ?
En général durant la phase larvaire, la majorité des écloseries surestiment la quantité de l’air présent et vont mettre beaucoup plus d’aliments, beaucoup plus d’oxygène, ce qui peut créer un environnement toxique pour le poisson dont la qualité sera moins bonne pour le consommateur.
Grâce à notre solution, les opérateurs ont la capacité de savoir exactement combien de larves il y a dans le bassin et ajuster oxygène et nourriture. Il y a un impact autrement plus important qui est la préservation de l’écosystème marin.
Nous développons des solutions basées sur l’intelligence artificielle et le computer vision.
En général les écloseries rejettent l’eau usée dans la mer et c’est une eau qui peut être parfois très polluée parce qu’ils ont mis trop d’aliments dans l’eau, de l’oxygène et des produits néfastes. Notre solution permet d’éviter cela.
Est-ce que vous avez fait des levés de fonds ?
Nous avons levé des fonds près de Business Angels grâce au programme Hello de Smart capital et là nous préparons une levée de fonds à l’international d’1 million d’euros,
Une levée de fonds veut dire une implantation à l’international ?
Oui en effet. Nous visons les pays méditerranéens et la région MENA. Il y a de très bons contacts du côté de l’Afrique, au Kenya à titre d’exemple. Nous comptons implanter une deuxième filiale en Europe en France ou en Italie.
L’usage de ces applications permet de donner avec une précision de 95%, le nombre de larves par bassin.
Notre société mère est sise en Tunisie, la deuxième filiale sera une filiale technico-commerciale. La partie recherche développement se fera toujours en Tunisie. Nous tenons à garder pied dans notre pays.
Vous vous projetez où dans 10 ans ?
Nous espérons développer d’autres types d’activité parallèles à Aquadeep. Des activités qui peuvent être complémentaires à ce que nous faisons déjà. Nous ambitionnons de créer des sociétés annexes qui peuvent soutenir notre activité et être actifs dans l’économie circulaire.
Qu’attendez vous des autorités tunisiennes ?
Dans notre activité, nous importons beaucoup de Hardwares, des produits très sophistiqués. Honnêtement, nous avons reçu beaucoup d’aide de la part de l’État tunisien, mais nous aimerions l’aide soit plus orientée vers la partie import-export.
Nous aurons ainsi plus de facilité à exporter nos solutions de la Tunisie vers le marché international et nous n’aurons pas vraiment besoin de créer une filiale à l’international juste pour nous positionner.
La deuxième filiale est une obligation pour pouvoir accéder aux marchés et aux fonds européens très présents dans la Blue tech et dans la Deeptech, ce sont les nouvelles économies où nous comptons nous positionner en bonne place.
Propos recueillis par Amel Belhadj Ali
*Forum International Afrique Développement