Non. Finalement la récolte des céréales n’a pas répondu aux vœux et aux attentes aussi bien de l’État qui, à chaque fois, panique à l’idée d’une grande pénurie du pain ou encore à ceux des agriculteurs dans les grandes cultures qui pensaient que la pluviométrie du mois de mars allait continuer sur la lancée de celle de janvier/février. Cela qui n’a malheureusement, pas eu lieu, la sécheresse s’étant annoncée plus tôt soit au troisième mois de l’année, conséquence : la saison des céréales a été la quantité ont été touchées.

Résultat des courses, alors que la saison des moissons touche à sa fin, on s’attend à une récolte globale de l’ordre de 6,4 millions de quintaux dont 1,8 millions de quintaux réservés aux semences. Il s’agit de 300 000 quintaux de semences sélectionnées, 300 000 quintaux d’orge et aussi une quantité importante de semences ordinaires pour répondre à la demande des agriculteurs.

Collecte Céréales Tunisie
Céréales – Collecte saison 2023 – 2024 (source: OC)

Les besoins de la Tunisie étant d’au moins 30 millions de quintaux entre blé tendre, blé dur et orge (12 millions de quintaux de blé dur, 12 millions de quintaux de blé tendre et de 5 à 10 millions de quintaux d’orge) dont une bonne partie destiné au fourrage, il va falloir, une tradition désormais bien installée, importer de grandes quantités de céréales pour satisfaire à la demande du marché.

La sécurité alimentaire de la Tunisie est-elle menacée ? L’honnêteté intellectuelle nous impose de reconnaître qu’elle l’est, c’est ce qui explique que dans l’étude réalisée par l’ITES à propos de la sécurité alimentaire, on appelle à l’action.

L’action parce que l’agriculture a perdu beaucoup de terrain depuis l’indépendance “Depuis l’indépendance jusqu’à 2020, la Tunisie est passée d’un pays jeune avec un taux d’accroissement démographique élevé et une activité agricole dominante au cours des années 1960 (30% du PIB), à celle d’un pays émergent avec des activités économiques diversifiées et un recul significatif de la place de l’agriculture dans l’économie (moins de 10% actuellement)”*.

Céréales collecte 2023
Céréales collecte 2023 – (source: OC)

L’action associée à une stratégie bien pensée, parce qu’il est absurde que l’État contracte des prêts à des taux faramineux pour assurer l’importation des céréales.

“Il est impératif d’engager une stratégie nationale associant toutes les parties prenantes, État, agriculteurs, chercheurs, Institut national des grandes cultures, les laboratoires de recherche autour du changement climatique et de la nécessité de l’adaptation de notre agriculture à ces changements” appelle Mohamed Rjaibia, chargé des grandes cultures à l’Union Tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche” (UTAP). Il cite à ce propos l’expérience de l’Australie où l’État a consacré des lignes de financement pour aider les agriculteurs à s’adapter au changement climatique et où les entreprises investissent dans l’agriculture de haute technologie et la préservation et la transformation des produits agricoles et aquatiques.

Importations Céréales 2023
Importations Céréales 2023 – (source: OC)

Dans l’étude de l’ITES sur la sécurité alimentaire, les chercheurs proposent des mesures concrètes pour sauver le secteur agricole et l’adaptation de l’agriculture au changement climatique.

Parmi ses principales recommandations, la mise en place d’une politique nationale pour lutter contre le morcellement des terres agricoles : “Une bonne gestion du patrimoine foncier détermine sa productivité”.

“85% des terres appartenant à 500 000 agriculteurs sont de taille réduite dans notre pays. Le morcellement du territoire agricole est un frein au développement de certaines activités et nous devons mettre en place un cadre réglementaire équitable pour protéger notre patrimoine agricole et préserver les intérêts des agriculteurs” estime M. Rjaibia.

A l’ITES, on appelle à la conservation de la biodiversité et la préservation des écosystèmes : côtiers, insulaires, montagneux, désertiques, oasiens et de zones humides qui sont sérieusement menacés. Les chercheurs de l’Institut insistent sur la nécessité de l’adaptation transformative aux chocs et aux changements climatiques qui ont des interactions complexes avec les systèmes alimentaires et conséquemment une incidence sur la sécurité alimentaire.

Dans l’étude on insiste aussi, sur la gestion intégrée et efficace des ressources en eau du pays qui dispose d’un potentiel mobilisable de 4,8 milliards de m³ alloué à plus de 80% au secteur agricole et sur la nécessité d’une meilleure gouvernance des terres domaniales.

Reste une problématique importante qui concerne l’accompagnement financier des agriculteurs par l’État. “Aujourd’hui, nous importons 80% de nos besoins en céréales de Russie et d’Ukraine, nous n’arrivons même pas à produire 50% de ces besoins. Nos agriculteurs sur lesquels pèsent des prêts de l’ordre de 800 000 MD, sont difficilement éligibles à de nouveaux prêts. Le choix de repositionner l’agriculture au cœur de l’économie nationale n’est plus un choix, c’est une nécessité pour assurer notre sécurité alimentaire, nous devons tous travailler de concert pour sauver notre agriculture et nous prémunir d’une dépendance dangereuse s’agissant de notre sécurité alimentaire” appelle Mohamed Rjaibia.

Amel Belhadj Ali

http://www.onagri.nat.tn/uploads/Etudes/Securite-Alim-ITES.pdf