«Le recyclage dans la commune de Thyna (gouvernorat de Sfax), une agglomération réputée par son dynamisme industriel et commercial, notamment dans ce secteur, est encore au stade embryonnaire. Il présente des carences par rapport aux équipements et aux nouvelles techniques de valorisation», selon une étude sur “L’économie circulaire : le recyclage des déchets plastiques dans l’agglomération sfaxienne (Tunisie) : étude du cas de la commune de Thyna”.

Cette situation « ne profite ni aux récupérateurs (barbecha), ni à l’environnement urbain », a souligné l’étude publiée, récemment, par le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES), et réalisée par Mehdia Soudeni, professeure à l’université de Sfax.

«En définitive, il s’avère que l’ensemble des initiatives publiques et privées sont demeurées insuffisantes pour satisfaire aux attentes environnementales et économiques”….”La valorisation des déchets demeure encore très limitée dans le système public, d’autant plus que  cette place est occupée, mais de manière marginale, par le secteur privé”.

Le secteur du recyclage a donné “naissance  à un secteur économique hétérogène qui fait intervenir à la fois des acteurs formels et informels aux différentes étapes (collecte, transport, regroupement, traitement puis production de matières premières intermédiaires de produits finis)”, selon l’étude.

“Ainsi, la commune de Thyna est pleinement ancrée dans son espace géographique, en témoigne l’existence d’un réseau d’activités, depuis la collecte jusqu’à la transformation, qui relie la région avec les villes voisines, mais, aussi, avec d’autres communes dans toute la Tunisie”.

“Le réseau des activités de recyclage dominées par le secteur informel, semble jouer un rôle fondamental dans la chaîne de recyclage. L’étude a conclu que la collecte des déchets repose principalement sur les barbecha, qui sont un maillon très important de cette chaîne, bien qu’ils se situent en marge des étapes de transformation des déchets et, plus généralement, en marge de la société”.

Pour la professeure “la situation des barbecha invite à questionner les principes de l’économie sociale et solidaire (ESS) et son importance dans l’intégration de nombreuses activités précaires au sein de cycles économiques moins discriminatoires et plus valorisants pour les catégories socio-professionnelles modestes qui y travaillent”.

“Il est également possible de s’interroger au sujet des revenus générés par cette activité, et au sujet des bénéfices et des coûts engendrés, puisque de nombreuses familles et catégories sociales en dépendent”, lit-on dans le document .

Les acteurs de recyclage des déchets plastiques à Thyna

En fait, la gestion de déchets plastiques (collecte et recyclage) s’appuie sur plusieurs acteurs qui, pour la plupart, ne travaillent pas dans le système formel. Il s’agit des collecteurs de rue (barbecha). Cette catégorie est très socialement vulnérable et stigmatisée. La récupération des déchets constitue pour elle une source de revenus.

Dans cette catégorie, on compte trois types de barbecha : les premiers sont placés en bas de la hiérarchie de la chaîne de recyclage des déchets. Ils collectent les déchets sur les trottoirs, les marchés, les dépotoirs, et les amassent dans des sacs à dos. Bien souvent, cette tâche incombe aux femmes.

Quant aux barbecha du deuxième type, ils possèdent des charrettes à main ou encore des bicyclettes, et peuvent donc élargir leur zone de recherche.

Enfin, l’on distingue un troisième type de barbecha, ceux – principalement des hommes – disposant de charrettes tirées par des ânes, ou d’un véhicule.

La 2ème catégorie est relative aux barbecha regroupeurs à domicile, qui collectent les déchets et les conservent chez eux, dans un entrepôt ou dans un petit espace mis à disposition chez des voisins.

La 3ème catégorie est les collecteurs grossistes informels. Ils disposent de dépôts spécifiques pour y entreposer leurs déchets, en achetant toutes sortes de déchets plastiques recyclables auprès des barbecha, et en acceptant tous les types de déchets (aluminium, carton, plastique, etc.). Ils les vendent, ensuite, aux unités de recyclage, et le prix varie alors selon la quantité commandée par les fournisseurs des unités de recyclage

Enfin, les collecteurs grossistes conventionnés, qui disposent de dépôts aménagés pour les déchets, qui sont achetés directement auprès des collecteurs informels ou des grossistes intermédiaires. Les grossistes profitent de leur position dominante dans ce secteur pour imposer leurs prix aux dépens des Barbecha. Ces collecteurs stockent les matériaux de récupération n’ayant pas encore subi de reconversion et, les revendent aux points Ecolef de la ville de Sfax.

S’agissant des acteurs dans les processus de transformation, il existe, aussi, deux types de sociétés de transformation les formelles et les informelles.

Les récupérateurs (barbecha)  constituent le groupe le plus marginalisé socialement

La Tunisie produit 2,6 millions de tonnes de déchets chaque année, dont 0,8 million de tonnes de déchets plastiques : 85 % d’entre eux environ finissent dans des décharges formelles ou informelles, et seulement 4 à 7 % sont recyclés.

A Sfax, la production des déchets ménagers et assimilés sur l’ensemble des municipalités dans la région, a atteint près de 206 151 tonnes en 2020  contre 140 000 tonnes en 2014 (soit une augmentation de 40 % en six ans).

Après la collecte, la quasi-totalité des déchets ménagers et assimilés est acheminée vers les centres de transfert, puis vers la décharge contrôlée d’Agareb, sans valorisation. En effet, malgré la législation en vigueur, le taux de valorisation reste très faible.

Dans cette étude, l’accent a été mis sur la catégorie des récupérateurs (barbecha)  qui semble constituer “le groupe le plus marginalisé socialement, et le plus exposé aux conséquences de la crise économique que connaît la Tunisie”.

“Cette marginalité sociale est encore plus remarquable dans le cas des femmes, dont les rémunérations sont souvent dérisoires, généralement inférieures à celles des hommes”.

Finalement, “le secteur informel occupe une place centrale sur les plans social, économique et environnemental. Il a donc une fonction déterminante. Mais cette idée, également centrale, mérite que l’on s’y attarde : bien que non (ou peu) reconnu, le rôle des barbecha en premier lieu, et derrière eux les autres intervenants informels dans la chaîne de collecte des déchets plastiques, est primordial dans la mesure où tous ces acteurs participent indirectement à deux fonctions principales (propreté des villes et protection durable de l’environnement)”.

Selon le FTDES de “nouvelles propositions devraient être  formulées et des  procédures opératoires devraient être modernisées, ainsi qu’un travail de sensibilisation mené pour mieux organiser le secteur informel dans la valorisation des déchets solides, qui se révèle indispensable dans le processus”.