L’euphorie que pourrait susciter la réalisation d’un bon cru touristique pour la deuxième année consécutive gagnerait à être relativisée. C’est du moins de notre point de vue. La raison qui nous a amené à penser ainsi est simple. Les bons résultats obtenus, l’année dernière, et ceux qui sont attendus, cette année, sont conjoncturels. Ils ne relèvent pas d’une quelconque performance structurelle et durable. C’est pour dire l’arbre ne doit pas cacher la forêt.

La destination Tunisie n’aurait pas pu enregistrer des résultats aussi positifs en nombre d’entrées et de recettes sans les crises géopolitiques qui sévissent dans le monde s’agissant particulièrement des climats d’insécurité générés par l’impact de la guerre russo-ukrainienne et de la guerre à Gaza, en Palestine occupée.

Un tourisme d’opportunisme

Car abstraction faite, des années euphoriques qui ont marqué son lancement dans les années 60 et 70, le tourisme tunisien, en dépit des atouts dont il dispose et qui sont confirmés à l’international, a tendance à se développer par défaut en profitant des crises géopolitiques et de celles que connaissent, de temps en temps, les destinations concurrentes en méditerranée. C’est un tourisme d’opportunisme.

Depuis, plus d’un demi-siècle, la vingtaine de ministres qui se sont relayés à la tête du département du tourisme n’on fait que gérer les crises. Ils n’ont jamais eu le courage d’évaluer le rendement du secteur et d’engager les réformes nécessaires pour lui garantir la pérennité souhaitable.

La diversification est vitale pour le secteur

Parmi ces réformes, figure en bonne place sa diversification, otage depuis une soixantaine d’années de la monotypie du balnéaire. Ce modèle traditionnel du tourisme de masse, souvent jugé peu respectueux de l’environnement et des communautés locales, a montré ses limites.

Plus que jamais, de nos jours, la destination Tunisie a besoin d’être éclatée en plusieurs destinations parallèles aux stations balnéaires. Il s’agit entre autres de promouvoir les îles Kerkennah, la Kroumirie (tourisme de montagne), la ville de Kairouan (tourisme spirituel), les régions de Kasserine, le Kef, Jendouba (tourisme archéologique) et évidement le Sahara (tourisme de découverte).

Plaidoyer pour un tourisme inclusif

Ultime objectif : concilier, en priorité, les tunisiens avec leur pays et faire du tourisme intérieur un levier permanent de résilience aux crises qui ne cessent de survenir à l’international.

Officiellement, le tourisme intérieur est, actuellement, considéré par l’administration du tourisme comme la 5ème roue de la charrette. Il a été, constamment, assimilé à des réductions de prix pratiqués par certains hôteliers en périodes de vaches maigres et de crises.

Malheureusement, ce n’est pas avec une telle approche qu’on peut développer un tourisme intérieur. Ce sont là des mesures de survie conjoncturelles. Pour développer ce secteur il faut créer des produits qui soient adaptés à la bourse du tunisien. C’est opter en quelque sorte pour un tourisme inclusif.

Cette option suppose de la part des autorités touristiques de ne plus se cacher derrière le préjugé selon lequel le tunisien ne réserve pas par d’avance comme le font les touristes mais de s’employer, par des campagnes de sensibilisation et une logistique adéquate (TO spécialisés dans le tourisme intérieur) pour amener le tunisien à se comporter comme les touristes européens.

Il s’agirait entre autres d’offrir des tarifs adaptés au pouvoir d’achat des tunisiens : réductions pour les familles, offres spéciales pour les résidents ou des forfaits attractifs pour les périodes creuses…Le moment est également le moment pour évoluer vers un tarif par chambre, une pratique courante dans de nombreux pays.

Il y a là autant d’idées pour lutter contre moults aspects négatifs du tourisme tunisien : saisonnalité du secteur, ghettoïsation, exclusion des communautés locales …

C’est pour dire au final que le gouvernement tunisien est appelé à révolutionner le secteur et à en faire, par transversalité, une véritable locomotive de développement, et ce, sur la base de l’inclusion, la diversification des produits, de la qualité du service (formation) et de la bonne gouvernance.

ABOU SARRA