L’ingéniosité (sic) des nouveaux législateurs n’a d’égale que leur méconnaissance si ce n’est leur ignorance de la chose économique ! Ainsi la nouvelle loi sur les chèques, dont les délais butoirs seraient, pour la promulgation des textes d’application pour dans 3 mois et la mise en application dans 6 mois, ne serait pas aussi salvatrice qu’on le pense ! Tout au contraire son impact socioéconomique serait désastreux et des millions de Tunisiens pourraient en être les victimes.

Ce qui est surprenant et même choquant, c’est de voir des représentants du peuple qui semblent complètement déconnectés de la réalité sociale et économique du pays.

Les victimes de la nouvelle loi ?

Ils sont ces jeunes couples qui, pour se marier, achètent meubles et équipements électroménagers avec des chèques répartis sur 12, 24 et même 36 mois qu’ils couvrent dès que leurs salaires sont versés !

Ce sont ces pères et mères de familles qui couvrent les frais des études de leurs enfants en donnant des chèques antidatés aux institutions scolaires privées ou même aux librairies tant les prix des fournitures scolaires ont flambé. Ce sont ces ouvriers smicards qui achètent chez l’épicier du coin des produits de consommation courante qu’ils payent chaque 15 ou fin de mois parce que le commerçant peut lui même acheter ses marchandises grâce à des chèques antidatés en négociant avec ses fournisseurs des délais d’un mois ou de 3 mois.

Ce sont tous ces commerces d’électroménagers qui vendent toutes sortes de marchandises depuis la cafetière jusqu’à l’ordinateur en donnant à leurs clients la possibilité de payer par tranches.

Les commerces d’électroménagers ou de meubles risquent de faire faillite avec toutes les conséquences sur les employés, leurs propres fournisseurs et toute la chaîne de valeurs depuis les détaillants jusqu’aux commerçants !

“Cette loi est une bombe à retardement pour l’économie tunisienne.”

Pire les PME et grands groupes qui disposent de stocks de chèques de garanties sensés être versés à des délais fixes répartis sur une, 2 ou 3 années, comment feraient-ils si à partir du 2 février 2025, date à laquelle les chèques en leurs possession ne seront plus valables, seraient rejetés par les banques !

Qu’est-ce qu’ils vont faire de ces chèques ? Est-ce qu’ils vont les présenter à l’encaissement auquel cas c’est la prison qui attend les émetteurs des chèques en question ? Est-ce qu’ils ne vont pas les verser auquel cas ils vont faire faillite ?

Un autre point important : est-il normal que l’on oblige les banques à consacrer 5% de leurs bénéfices de l’année passée pour des crédits sans intérêt et sans garantie alors que l’on vient de mettre en prison des banquiers qui ont accordé des prêts sans garantie ?

Une déclaration sur l’honneur peut-elle être suffisante pour rassurer les banques qui accordent des prêts sans intérêts et sans garanties ?

L’entrée en vigueur de la loi sur les chèques privera ceux dont les comptes sont dans le rouge et qui disposent de tout juste quelques dizaines ou centaines de dinars dans leurs compte de pouvoir assurer un minimum vital de confort à leurs familles car contrairement à ce que pensent les fameux décideurs, ceux qui disposent de milliers ou de millions de dinars dans leurs comptes bancaires ne sont pas nombreux.

“Les Tunisiens les plus modestes seront les premières victimes de cette réforme.”

Le peuple tunisien a été appauvri et la classe moyenne qui étaient la plus importante en Tunisie s’est rétrécie comme peau de chagrin.

Les chéquiers proposés par le “génie législateur” (resic) ressemblent plus à des carnets de tickets restaurants qu’à des chéquiers ! Il serait d’ailleurs étonnant si cette loi, vient à être appliquée, que l’on use désormais de ce moyen de paiement car plus inhumain que son prédécesseur.

Ceci sans oublier que pour mettre en place la plateforme gardienne de la probité des utilisateurs et des banques, il va falloir harmoniser les systèmes d’information des banques qui doivent être compatibles, ce qui sera impossible en seulement 6 mois. C’est aussi valable pour les textes d’application qui ne seront pas faciles à élaborer au cours de seulement trois mois.

“La nouvelle loi sur les chèques est un coup dur pour les PME.”

Ceci pour dire qu’il ne suffit pas d’être plébiscité par le peuple généralement pas édifié sur la chose économique pour décider en son nom de son avenir et l’engager sur des sentiers douteux alors qu’on n’a pas sois même la connaissance requise permettant de bien étudier le terrain avant de promulguer des lois.

L’adoption de la loi sur les chèques ne rassure pas s’agissant de la compétence législative. Elle prouve encore une fois les limites de la maîtrise de la chose économique des élus. Cette incompétence « négative” dans la rédaction d’un texte de loi ne pourra pas sécuriser le processus de réveil ou de relance économique.

S’il est une discipline qui doit être appréhendée sans populisme aucun, c’est bien l’économie ! L’économie n’est pas à la portée de n’importe qui et on ne peut parce qu’on prétend représenter le peuple s’aventurer sur des chemins sinueux en prétendant servir les intérêts des électeurs !

Nous y reviendrons plus en détail.

Amel Belhadj Ali