En prévision du prochain remaniement du gouvernement, le président de la république Kaës Saied, fort des pouvoirs absolus qui lui sont attribués légalement, serait bien inspiré d’exploiter cette opportunité pour révolutionner la gouvernance en Tunisie et marquer ainsi de son empreinte l’histoire du pays.

Objectif : mettre fin aux mauvaises pratiques de gestion et de gouvernance qui ont prévalu dans tous les secteurs sans distinction aucune, et ce, depuis l’accès du pays à l’indépendance.

Finir avec la bantoustination des ministères

Il s’agit surtout de finir avec la bantoustinasation des départements ministériels qui a prédominé la décennie du chaos (2011-2021). Durant cette décennie, les tunisiens, habitués à un minimum d’ordre durant les périodes d’autoritarisme de Bourguiba et de Ben Ali, se sont trouvés face à un ramassis d’activités ministérielles cacophoniques sans effets et sans impact positif majeur ni économique ni social.

Morale de l’histoire : l’enjeu est de taille. Il s’agit de réinventer le pays. C’est plus que jamais, le moment de le réformer en profondeur. Le Président Kaies Saied, qui a toujours plaidé, dans ses envolées lyriques, pour une nouvelle guerre de libération nationale, serait bien conseillé d’être au rendez vous. Car, le moment c’est le moment. Et pour cause. Le temps n’attend pas.

“Il s’agit surtout de finir avec la bantoustinasation des départements ministériels”

Ainsi, si les gouvernements de Nejla Bouden et d’Ahmed Hachani étaient chargés d’accomplir, en silence et en opinant, la mission de sacrifice qui leur est confiée, celle de stabiliser le pays et de restaurer ses institutions, celui du nouveau chef du gouvernement, Kamel Madouri devrait relancer le développement du pays sur la base de best practices.

Parmi ces dernières, figure la bonne gouvernance qui suppose trois prérequis majeurs : la définition d’une vision développementale stratégique claire et cohérente (un nouveau modèle de développement), la formation d’un gouvernement restreint, compétent et passionné de l’obligation des résultats et la mise en place de mécanismes d’évaluation et de contrôle solides.

Plaidoyer pour quatre super ministères interliés

Concrètement, il s’agit de finir avec les anciennes compositions des gouvernements. Celles-là mêmes qui consistaient pour les trente (et parfois quarante) ministères d’antan, à défendre jalousement leur territoire et leur prérogatives.

Dans un souci d’efficience, le nouveau gouvernement gagnerait à être réparti en quatre blocs ministériels compactés et interdépendants.

“L’enjeu est de taille. Il s’agit de réinventer le pays.”

Le premier serait celui de la sécurité intérieure et extérieure du pays. Ce bloc qui grouperait les ministères de l’intérieur et de la défense nationale aura pour mission de faire respecter la loi et de défendre les frontières du pays.

Le deuxième, un super ministère dédié au développement économique dans une vision de durabilité. Nous y trouvons les départements sectoriels, l’agriculture, la pêche, l’industrie, les technologies, le tourisme, l’énergie, l’aménagement du territoire, l’environnement, l’université et la recherche, les finances.

Le troisième, également un super-ministère, sera chargé du développement humain. Nous y trouvons l’éducation, la culture, le sport, l’encadrement de la jeunesse, la justice, le social …

Le quatrième aurait pour charge la promotion des services publics. Il consisterait en une réflexion permanente sur la Transformation de l’Etat, de l’administration et des collectivités locales. Le but étant de les mettre exclusivement au service des citoyens et non des lobbys comme cela a été le cas jusqu’à ce jour.

“Le Président Kaies Saied, qui a toujours plaidé, dans ses envolées lyriques, pour une nouvelle guerre de libération nationale, serait bien conseillé d’être au rendez vous.”

Privilégier la transversalité, la coordination et l’interdépendance

Chargés de mettre en œuvre la vision stratégique précitée, voir le nouveau modèle de développement, ces blocs se doivent d’être interdépendants et de favoriser, systématiquement, en leur sein, la transversalité et la coordination. A cette fin, l’accent doit être mis sur la communication interdépartementale.

En accompagnement de ces trois blocs, la présidence du gouvernement, dans le souci de garantir à leurs activités, efficience et succès, se doit de mettre en place des mécanismes de surveillance, de suivi et d’évaluation solides. L’objectif étant de mesurer, constamment, l’incidence des projets de développement sur le bien être des tunisiens.

“Concrètement, il s’agit de finir avec les anciennes compositions des gouvernements.”

Est-il besoin de rappeler que parmi les talons d’Achille de l’Etat tunisien figurent en bonne place l’absence d’évaluation et la faiblesse du contrôle.

Parallèlement à l’harmonie souhaitée entre les trois blocs, il serait intéressant pour l’exécutif de décentraliser l’exécution de la vision stratégique précitée et de déléguer aux autorités développementales et administratives régionales et locales une partie de ses pouvoirs. Le but est de généraliser les bonnes pratiques de gouvernance et de dissuader la corruption et autres dérapages.

Abou SARRA