Il y a 20 ans, à voir ce qu’est devenue la Tunisie présentement, après une pseudo révolution orchestrée par l’international, nous aurions pensé que nous vivions un cauchemar et nous serions empressés de nous réveiller. Aujourd’hui, tels des zombies, rien ne nous touche, rien ne nous émeut.
La Tunisie des compétences et de la matière grise conduite en 1956 par Bourguiba considérait que la plus grande libération, le plus grand jihad étaient ceux contre l’ignorance et le sous développement d’où l’investissement important dans l’éducation parce que :
“Nous devons faire attention, nous attacher à l’éducation de l’enfant, lui inculquer, dès son jeune âge, les valeurs fondamentales. Ces valeurs ont un nom : dignité, liberté, indépendance. En cas de besoin, il doit être prêt à se sacrifier pour ces valeurs, non seulement ses plaisirs mais sa vie même” !
Le seul sacrifice dont se prévalent les Tunisiens maintenant consiste à sacrifier leur mère patrie et choisir des cieux qu’ils pensent plus cléments.
La médiocrité telle un tsunami a envahi le pays et tous ses strates socioprofessionnelles. Pire, plus on est médiocre, plus on a la chance d’occuper de beaux postes, il suffit pour cela d’avoir les bonnes introductions et les meilleures allégeances.
« Le seul sacrifice dont se prévalent les Tunisiens maintenant consiste à sacrifier leur mère patrie. »
Les compétences qui résistent encore ou qui ont décidé de ne pas déserter le pays se taisent préférant le silence aux discussions et querelles byzantines. Accusés d’être de faux experts, ridiculisés par la populace, désenchantés, ils préfèrent préserver leur dignité, se tenant à l’écart et attendant de voir venir.
Les faux experts couvrant les réseaux sociaux et une grande partie des plateaux médiatiques s’en donnent, pour leur part, à cœur joie s’exprimant sur tout et à propos de tout, pensant détenir la science infuse distillant le poison de leur ignorance à un peuple crédule et naïf non édifié sur la chose politique, pensant que la démocratie consiste à sacraliser les personnes et non élire un programme socioéconomique qui sert ses intérêts et assure la prospérité du pays et l’avenir des générations futures.
La dégradation de l’environnement humain n’a d’égale que celle de l’environnement physique d’une Tunisie devenue un dépotoir à ciel ouvert. L’environnement physique important parce qu’il soutient la vie humaine et nous permet, dans sa forme la plus basique, d’évoluer dans un cadre de vie décent, n’est plus ce qu’il était, il y a 15 ans.
« Les compétences qui résistent encore se taisent préférant le silence aux discussions. »
La propreté urbaine ne semble pas avoir bénéficié d’une grande attention des élus municipaux de 2017, dont les plus consciencieux ont été écartés laissant place aux opportunistes politiques de la nahdha et autres partis dont les soucis premiers ont été de récompenser leur fervents militants ou alliés par coups de kiosques à tabac ou des jardineries.
Les conseils municipaux dissous, ceux censés prendre la relève, c’est à dire les élus locaux n’ont rien fait, de remarquable à ce jour, pour pallier la dégradation de l’environnement dans les cités populaires ou résidentielles.
Des cités comme El Khadra, la cité olympique, le Centre urbain nord où se trouvent hôtels de luxes, hautes administrations et des cliniques privées parmi les plus importantes de Tunisie, font peine à voir tant elles ne bénéficient pas de l’attention nécessaire de la part des autorités municipales.
Des avenues comme celle de Charles Nicolle ou Mohamed Ali Akid sont couvertes d’ordures et font peine à voir, les stations de bus sont mal entretenues, sales et même saccagées.
Aucune des tâches qui doivent être assurées par des agents municipaux ne sont réalisées comme il se doit, qu’il s’agisse de l’enlèvement et du transport des ordures ménagères, des déchets industriels et de commerce, du balayage des rues et des trottoirs, de l’enlèvement d’herbes parasites ou du contrôle des constructions anarchiques.
« C’est de cela qu’a aujourd’hui besoin la Tunisie, d’un niveau intellectuel important, de clairvoyance et de beaucoup d’amour. »
Pendant ce temps, ce qu’on appelle “leaders”, décideurs ou autorités ne semblent pas croire que la propreté urbaine est importante dans un pays touristique où auparavant chaque année, à l’approche de l’été, on organisait des campagnes de propreté à laquelle participaient plusieurs ministères, un pays où des lois ont été promulguées pour sanctionner tous ceux qui jettent les ordures par terre, un pays qu’on disait à l’avant garde des pays arabo-musulmans dans les politiques de protection de l’environnement, devenu, hélas à l’arrière garde.
En la matière, la sensibilisation, la communication et le dialogue peuvent être d’une grande utilité pour faire prendre conscience aux citoyens lambda de l’importance de l’hygiène et de la propreté dans leur environnement immédiat.
Le défunt Bourguiba, qui est et sera toujours, malgré toutes ses erreurs, l’édificateur de la Tunisie républicaine qui a marqué l’histoire de notre pays parlait de la nécessité de communiquer en ces termes : « Le dialogue touche toutes les couches sociales. L’essentiel est une question de niveau intellectuel. Il faut que ceux qui sont amenés à donner leur avis et, partant, à influer sur les propositions, objet du dialogue, possèdent le niveau requis afin que leur influence soit utile. Sinon, cette influence peut devenir catastrophique…Car il ne faut pas oublier qu’il y a encore l’ignorance, les haines, les passions qui, inévitablement, faussent le jugement, d’où la confusion. Pour un niveau général valable, un bagage intellectuel est nécessaire ».
C’est de cela qu’a aujourd’hui besoin la Tunisie, d’un niveau intellectuel important, de clairvoyance et de beaucoup d’amour pour qu’elle ne normalise pas avec la médiocrité, la saleté et la haine.
Amel Belhadj Ali