De ses multiples tours aux quatre coins de son pays natal la Russie, en passant par ses nombreux voyages et escales sur les deux rives de la Méditerranée (Espagne, Italie, Grèce, Turquie), l’artiste Ksenia Filippova débarque en Tunisie avec toujours ce désir ardent qui l’habite et qui la nourrit : rechercher de nouvelles palettes chromatiques pour ses sources premières d’inspiration : la vie méridionale, les scènes de rue, les portraits croisés, le vécu quotidien. Bref tout ce qui est lié à l’espace de vie en symbiose profonde avec la nature humaine.
Depuis « Fleurs et soleil » en 2020 à Moscou, Ksenia Filippova expose actuellement et jusqu’au 15 septembre prochain sur invitation de la Galerie Saladin et pour la première fois en solo durant son séjour au pays des lumières et des couleurs, dans ce village perché qui fut dès son arrivée en terre d’ ifriqia, un coup de foudre pour elle.
Son exposition personnelle, « Sidi Bou Said, ou l’âme lumineuse d’un village haut perché » est dédiée à ce petit beau et agréable « balcon de la Méditerranée » où son cœur l’a poussée pour s’y installer et vivre pleinement une expérience artistique, sensorielle, culturelle et humaine à son image.
Avec près d’une quarantaine de toiles peintes en plein air, de formats différents, l’on se retrouve merveilleusement emportés dans un voyage à travers le temps et l’espace sur les traces de portraits multiples de gens qu’on croise tous les jours sans prêter attention, des scènes de vie de tous les jours qui pour nous passent pourtant presque inaperçues, dans des lieux publics qu’on a tendance à mal observer mais qui dans leurs détails les plus subtils et avec la sensibilité extrême sont portés dans des œuvres d’art qui reflètent le regard de Ksenia et sa touche émanant de l’intérieur de son âme, avec cette maîtrise de la capture d’instants, de temps de lumière et de vie humaine.
Peindre en plein air pour créer une œuvre plus réelle
Sidi Bou Said, ce village de charme qui a été depuis toujours une source d’inspiration intarissable pour d’illustres peintres d’ailleurs, ne pouvait la laisser indifférente face à ce foisonnement de lieux fréquentés et de personnes rencontrées, le tout transposé à travers ses subtils coups de pinceau et sa palette vibrante.
De cet intérêt particulier qu’elle porte à la région méditerranéenne en général et à Sidi Bou Said en particulier, elle a donné forme à des œuvres (huile sur toile, et techniques mixtes) de sa touche exaltée qui rappelle beaucoup d’ailleurs le style du plus célèbre de l’histoire de l’art occidental, le néerlandais Vincent van Gogh.
En effet, dans son travail de lumière et de couleurs, sont visibles les tons puissants et profonds du bleu de Prusse ou de cobalt que l’artiste oppose harmonieusement aux nuances du jaune cambodge dans les “ciels” de ses tableaux.
De ses déambulations dans les rues et ruelles, terrasses de cafés, restaurants, les plages, les paysages, la dimension humaine est réellement mise en valeur à travers les personnes en mouvement, les conversations entre passants, les moments de loisirs, dans les traits de chaque détail, de chaque couleur. Car tout est poésie pour elle dans les espaces publics, d’où d’ailleurs son choix d’installer son chevalet en plein air ; s’immerger de plus près dans l’espace et capter de l’intérieur la beauté du monde qui l’entoure pour créer une œuvre plus authentique et plus réelle.
Qu’elle peigne « la issaouia », les charmes nocturnes ou les jours lumineux au café des nattes, un déjeuner entre amis, la terrasse du café Hamadi le soir, les envoûtés par le mechmoum, la plage nocturne par une chaude nuit d’été, les cueilleurs de figues de barbarie, « le club de paddle à la plage », ou « chez le hajjem ; une nouvelle coupe »… la vie dans ses moindres détails circule sur chaque toile et fait voyager par la magie du trait, du ton et de la présence profonde dans l’instant.
En scrutant le monde qui vit, qui bouge, elle fixe le mouvement sans le figer, dépeint les odeurs en les suggérant, témoigne sans voyeurisme mais avec une grande intimité de la mixité de plusieurs populations qui cohabitent, de la beauté et de la dignité des femmes. De toute l’alchimie qui s’opère, sont révélés implicitement les accents, les traditions, les habitudes, le vestimentaire, le mode de vie….toute l’âme de Sidi Bou Said, dans les yeux de “l’étrangère” de par la nationalité et la tunisienne de cœur qui, avec son style épuré oscillant entre le figuratif, expressionniste et impressionniste, a donné à cette cité de la banlieue nord de Tunis, un charme de plus lors de cette exposition dont le vernissage s’est déroulé le 15 août en présence d’un grand nombre de passionnés et rehaussé de la présence de l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la fédération de Russie en Tunisie Alexandre Yourievitch Zolotov et du directeur du Centre Russe des Sciences et de la Culture (CRSC) à Tunis Yuri Vladimirovich Zaytsev.