L’élaboration de textes d’application et de notes réglementaires pour les institutions financières demeure une nécessité afin de favoriser l’efficience de la nouvelle loi sur les chèques, dont la récente promulgation a permis de dépasser une impasse législative persistant depuis des décennies, souligne l’expert en risques financiers Mourad Hattab.

Toutefois, ces textes et mémorandums nécessitent la mise en place de plusieurs conditions qui tiennent compte des spécificités du contexte économique et social du pays marqué, depuis des années, par l’utilisation de chèques antidatés comme moyen de paiement et d’endettement, a-t-il expliqué.

Dans une déclaration à l’Agence TAP, l’expert rappelle que cette pratique (utilisation des chèques antidatés) « illégale » est bien répandue au sein des familles pour satisfaire leurs besoins de consommation ou au sein des institutions et groupements économiques pour garantir le seuil minimum de liquidités en circulation nécessaires pour gérer leurs activités d’exploitation.

Ces acteurs économiques eux même font face à l’exclusion financière qui touche une large partie des Tunisiens ne disposant pas de comptes bancaires dans un contexte marqué de plus en plus par la propagation du commerceb parallèle et de la faiblesse des revenus.

Hattab a appelé, dans ce cadre, à identifier des alternatives pour favoriser la continuité des transactions économiques, notamment les opérations de vente en détails comme la vente de meubles, de l’électroménagers, des matériaux de construction et d’autres produits de consommation.

La loi n°41 de 2024 portant sur la révision de certaines dispositions du Code de commerce approuvée par l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP) a été publié au Journal officiel de la République tunisienne (JORT), le 2 août 2024.

Le projet de loi soumis au Parlement le 11 juillet, vise à réviser les dispositions du Code de commerce, notamment l’article 411 relatif au cadre réglementaire des chèques sans provisions, afin de trouver un terrain d’entente entre toutes les parties concernées, et de rompre enfin avec le système juridique actuel et ses conséquences sociales et économiques pour de nombreuses parties, notamment les Petites et moyennes entreprises (PME) et les petits artisans.

Pour Hattab, la nouvelle loi comprend plusieurs points positifs et apporte un changement au niveau de la législation économique et financière. Il s’agit entre autres de la responsabilisation de toutes les parties impliquées dans l’utilisation des chèques et la réduction des sanctions injonctives, notamment la privation de liberté, conformément aux exigences du droit international, outre la protection des bénéficiaires des transactions par chèques et leurs tiroirs.

La loi prévoit, également, la mise en place de plateformes dédiées aux transactions en chèques, parallèlement à allègement des charges liées aux litiges pour dynamiser le climat des affaires et favoriser la durabilité des activités des institutions.

Sur un autre plan, l’expert en risques financiers a mis l’accent sur la nécessité de réviser le rôle de la lettre de change en tant que moyen de payement concret et de trouver les solutions pour les chèques antidatés qui font partie actuellement des portefeuilles des institutions commerciales et financières dans l’objectif de garantir leur recouvrement une fois la plateforme digitale sera mise en place.

Toujours selon Hatab, il est impératif de fixer des formules d’application claires de l’article 412 -3 nouveau et qui stipule la mobilisation d’au moins 8% des bénéfices de l’année comptable précédente pour créer de lignes de financement sur le court terme (ne dépassant pas les 2 ans) avec des conditions allégées et sans intérêts.

Pour l’expert, cette nouvelle loi est la première qui permettra de « moraliser » les transactions financières en Tunisie dans le cadre de l’équilibre et l’équité entre tous les acteurs , d’autant plus que les moyens de financements jouent un rôle de premier plan au sein de l’économie nationale basée sur le financement bancaires et les dépôts des clients outre l’utilisation des moyens de payement différés.

Selon le bulletin de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) sur “Les paiements en chiffres en Tunisie”, les opérations effectuées par moyens de paiement télécompensés, au cours du premier trimestre 2024, le nombre des opérations menées par lettres de change a baissé (-7% à 420 mille opérations pour un montant de 8,3 milliards de dinars) et par chèques (-3,4% à 6,122 millions opérations représentant un montant de 30,9 milliards de dinars).

Le taux de rejet des lettres de change et des chèques s’élève respectivement à 11,5% et 1,47%.

La BCT a montré une progression du nombre des cartes bancaires utilisées en Tunisie de 1,1% à 7128 mille cartes, par rapport à fin décembre 2023. De même, le nombre des DAB (distributeurs automatiques de billets), et des GAB (guichets automatiques de banque) est en évolution de 0,9% à 3235 DAB/GAB.

En ce qui concerne le paiement mobile, le nombre de transactions s’est multiplié par 9, passant de 33,4 mille transactions, à fin mars 2023 (pour un montant de 5,4 millions de dinars -MD), à 303 mille transactions (d’une valeur de 43,8 MD), à fin mars 2024.

Les opérations effectuées par cartes bancaires en Tunisie durant le premier trimestre 2024, ont servi à raison de 36% pour le paiement, contre 64% pour le retrait d’argent.

Il s’agit en totalité de plus de 37,3 millions opérations menées par cartes bancaires, mobilisant une enveloppe globale de l’ordre de 6,3 milliards de dinars, soit en hausse de 7,5% en termes du nombre de transactions et de 9,7% en termes de valeur, par rapport à la même période de 2023.