Une étude de terrain réalisée par l’Association Femme et Citoyenneté au Kef, portant sur 32 cas de violence dans plusieurs centres de prise en charge de femmes victimes de violence dans les gouvernorats du Kef et du Grand Tunis, a révélé l’existence de problèmes majeurs au niveau de l’interprétation et l’application de la loi organique n°58 de 2017 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes par les autorités sécuritaires et judiciaires.
Dans une déclaration à l’agence TAP, en marge d’une conférence de presse tenue à Tunis pour présenter les résultats de l’étude, la directrice du projet « Protection des femmes victimes de violence et prévention des féminicides en Tunisie » à l’Association femme et citoyenneté au Kef, Wafa Oueslati, a souligné que malgré l’entrée en vigueur depuis six ans de la loi 58, les autorités sécuritaires et judiciaires, dans les deux gouvernorats, n’appliquent pas ou n’optimisent pas les mécanismes de protection prévus par la loi n° 58, ce qui place les femmes dans une situation de danger permanent qui pourrait affecter leur droit à la vie et à une vie sûre.
« Les femmes victimes de violence dans les deux régions continuent de se plaindre d’un mauvais traitement sécuritaire, de la normalisation de la violence conjugale et des tentatives de réconciliation, malgré la formation reçue par les officiers et les chefs des unités spécialisées sur la manière d’accueillir les victimes, de les écouter et de recevoir les plaintes », a encore révélé l’étude.
Pour sa part, l’experte Monia Kari, qui a supervisé la réalisation de l’étude, a souligné que la protection des femmes battues et la mise en œuvre de ses mécanismes nécessitent la formation continue des juges et du personnel de sécurité dans divers domaines, notamment la spécificité et la dynamique de la violence conjugale, la stratégie de l’agresseur, les effets de la violence sur la psychologie et le comportement des victimes, et la manière d’évaluer les risques qui les entourent et de prendre les mesures nécessaires avant qu’il ne soit trop tard.
À cet égard, l’expert a demandé aux ministères concernés d’obliger tous les agents de sécurité et les officiers de justice ayant reçu une formation à respecter tous les protocoles relatifs à l’application de la loi n° 58 , tout en veillant à ce qu’ils soient contrôlés et tenus pour responsables en cas de besoin.
Il convient de mentionner que l’étude sur le terrain concerne 32 femmes battues dans le centre « Manara » de l’Association pour la femme et la citoyenneté au Kef, le centre « Écoute et orientation » de l’Association des femmes démocrates, et les deux cellules d’écoute de l’association Aswat Nissa et de l’Association tunisienne pour la gestion et l’équilibre social, qui gère également un centre d’hébergement.