“La Tunisie n’a pas connu une pareille situation de baisse du taux de remplissage des barrages, surtout durant cette période automnale, depuis plus de 3 décennies”, a indiqué Houcine Rhili, spécialiste en développement et ressources en eau, dans un entretien avec l’agence TAP.
D’après le spécialiste, leur taux de remplissage à la date du 3 octobre courant, n’a pas dépassé les 21,6%. “Ceci est dû au changement de la carte des intempéries en Tunisie, puisque 80% des pluies ont chuté dans les zones du centre, du Sahel, du Cap Bon et du sud-ouest… et notamment les régions où il n’existe pas de barrages, alors que les précipitations enregistrées dans les zones du nord et du nord-oues,t étaient très faibles, d’où un apport en eau dans les barrages très limité».
“La part la plus importante des pluies enregistrées, depuis la fin du mois d’août et tout au long du mois de septembre, a concerné les sebkhats et la mer, surtout au niveau de la région du Sahel », a-t-il noté.
“Même si ces averses n’étaient pas bénéfiques pour améliorer les réserves en eau dans les différents barrages tunisiens, elles auront un effet positif sur l’alimentation des nappes phréatiques superficielles et semi-profondes, ce qui améliorera la qualité de plusieurs cultures, surtout les oliveraies dans la région de Sfax, Sidi Bouzid, Gafsa, Kairouan… dont certaines enregistraient une récolte très limitée, durant les dernières campagnes, à cause de la sécheresse”, a relevé Rhili.
«La baisse des réserves en eau dans les barrages est expliquée, aussi, par les utilisations accrues des ressources hydrauliques, que ce soit à des fins d’irrigation, ou d’approvisionnement de la population en eau potable »….«Les citoyens de 13 gouvernorats sont alimentés en eau potable grâce aux barrages. Il s’agit des quatre gouvernorats du nord-ouest et de ceux du district du Grand Tunis ainsi que des gouvernorats de Bizerte, du Cap Bon, de Sousse, de Monastir et de Mahdia.
«Pour ce qui est de l’irrigation, surtout dans les zones consacrées à la culture des légumes et fruits indispensables à la consommation nationale, elle accapare 80% de nos réserves en ressources hydrauliques, contre 12% uniquement, d’eau potable orientée vers à la consommation des habitants”, a t-il fait savoir.
Afin de faire face à cette situation de pénurie d’eau, Rhili a souligné l’impératif d’élaborer une stratégie nationale, qui peut s’étaler sur une période de 5 ou 7 années, en mobilisant une enveloppe conséquente s’élevant à 20 milliards de dinars, pour mettre en exécution une panoplie de mesures.
La première et plus importante mesure, consiste à limiter le gaspillage des eaux, causé surtout par la vétusté des conduites et des canaux de raccordement de la Sonede. Ces pertes sont estimées en moyenne, à l’échelle nationale, à environ 25% des eaux destinées à la consommation résidentielle, et elles sont encore plus importantes dans un nombre de gouvernorats à l’instar de Gabès et Gafsa, dépassant les 50%.
Parallèlement, il a préconisé de réaménager les périmètres irrigués, affichant un taux gaspillage de plus de 30%, à cause de recours aux procédés d’irrigation traditionnels. «Il convient de noter que ces eaux gaspillées au niveau de l’irrigation, sont en mesure de répondre aux besoins résidentiels en ressources hydrauliques pour une période d’une année et demie».
D’après lui, la récupération de ces eaux gaspillées, nous permettra de collecter “le quadruple des quantités d’eau provenant de l’ensemble des stations de dessalement dans les différentes régions du pays, à un coût quatre fois moins élevé par rapport à celui du dessalement de l’eau”. D’ailleurs, “le recours au dessalement de l’eau de mer devrait être la dernière alternative, au vu de son coût énergétique élevé”.
Rhili a recommandé, en outre, de revoir les politiques de mobilisation des ressources en eau de surface à travers la conception d’une nouvelle carte des barrages, et de définir les moyens adéquats pour orienter l’eau vers les nappes phréatiques, ainsi que pour les alimenter artificiellement, c’est ce qu’on appelle « les barrages souterrains».
Enfin, l’expert a appelé à doter l’ONAS des moyens nécessaires et à revoir les politiques de traitement des eaux usées, à travers l’adoption de la méthode de traitement tertiaire des eaux usées (une méthode de dépollution des eaux usées, pour une réutilisation de ces ressources), ce qui est en mesure de drainer une quantité de plus de 200 millions m3 d’eau traitée supplémentaire, chaque année, qui servira essentiellement pour l’irrigation.