chèqueÀ l’approche de l’entrée en vigueur de la loi sur les chèques, il est utile de revenir sur le fléau des chèques impayés qui a fait des victimes, beaucoup et en prime les TPE et PME qui ont subi les conséquences de la pandémie Covid + et de la récession économique mais aussi les détenteurs de chèques non couverts par leurs émetteurs. Des émetteurs qui ne sont pas tous, il faut le dire, des victimes, parmi eux, le nombre des arnaqueurs demeure important. 

Voyons les chiffres :

En 2022, 25,3 millions de chèques ont été émis représentant 118,4 milliards de dinars soit près de 75% du PIB. Les chèques impayés sont au nombre de 400.000 pour un montant de 12,5 milliards de dinars.

En 2023, 12,5 millions de chèques ont été émis pour un montant de 58,9 milliards de dinars. Les chèques impayés y représentent 200.000 et représentent 1,7 milliard de dinars soit 2,9% du total des chèques émis.

“Les entreprises, notamment les TPE et PME, sont les premières victimes des chèques impayés.”

Le nombre des personnes emprisonnées ou arrêtées pour chèques impayés est, au 11 avril 2024, de 496 personnes.

Les jugements avec comparutions immédiates entre 2018 et 2023, s’élèvent à 151.101 jugements. Pour les années 2021-2022, ils étaient de 41.577 jugements et sur 2022-2023, ils ont été moindres soit 36.620.

En 2022, 114.603 affaires ont concerné des chèques impayés, 100 personnes sont en fuite et Fayçal Derbel, auteur de l’analyse, dont nous publions dans cet article les résultats, de dénoncer ce qu’il décrit comme aberration : « Un tireur de chèques impayés a été condamné à une peine d’emprisonnement de 658 ans, il ne sera libéré qu’en 2541, c’est dire !!!”.

Qu’est ce qui a changé dans la nouvelle réglementation du code du Commerce ?

Il y a eu abrogation des articles 351/377 et 372 relatifs à l’endossement. Entre l’article de loi 404 et 412, seul l’article 411 a été maintenu.

Les nouvelles dispositions de la loi sur les chèques font du banquier presque le tuteur du porteur de chéquier. Ainsi, à chaque fois, avant la remise du chéquier, le banquier se renseigne sur la situation du titulaire du compte auprès de la Centrale des Chèques impayés à la BCT, examiner et évaluer la situation financière eu égard au niveau de l’endettement et des engagements financiers courants et non courants.

“La digitalisation des paiements est inévitable, mais la transition doit se faire de manière progressive.”

Le banquier doit aussi avant de délivrer le chéquier fixer la capacité du client pour la couverture par chèques au titre d’une période déterminée et aussi contrôler les mouvements financiers à risque et les flux financiers qui dépassent la capacité de paiement du client.

Le banquier doit aussi assumer le rôle du “papa ou de la maman” (sic) en incitant et conseillant les utilisateurs de chèques à recourir à d’autres moyens de paiement, qu’il s’agisse de virement, de carte bancaire, de chèques électroniques ou tout autre moyen de paiement numérique.

A parcourir les dispositions de la nouvelle loi, même si elles mettent fin à certains abus venant des usagers ou des banques, on réalise à quel point elles sont infantilisantes pour les utilisateurs les protégeant de leurs propres abus au lieu de les responsabiliser pour qu’ils n’usent pas d’un moyen de paiement qu’ils savent non solvable.  A ce propos, nous ne parlons pas, bien entendu, des fournisseurs de l’État victimes des retards inadmissibles des services publics à payer leurs services et ils sont nombreux !

“La responsabilité des banques est renforcée par cette nouvelle loi, mais jusqu’où vont leurs obligations ?”

Dès l’entrée en vigueur de la nouvelle loi au mois de février 2025, des centaines de milliers de chèques ne seront plus valables ! Qui paiera pour les commerces, principalement d’électroménager ou de meubles qui ont accepté d’être payés par chèques antidatés sur 2 ans et plus ?  Qui couvrira les pertes des entreprises qui traitent avec leurs partenaires par chèques qui s’étalent sur au moins une année ?

N’aurait-il pas mieux valu donner du temps aux usagers et aux bénéficiaires des chèques, au moins une année, avant l’entrée en en vigueur de la loi, le temps de mettre en place la plateforme numérique (article 410 ter) gérée par la Banque Centrale et créée pour la gestion des chèques en les scannant le chèque et en réservant le montant à laquelle toutes les banques doivent se connecter et intégrer leurs systèmes d’information ?

Allons-nous d’aberrations en aberrations ?

Les législateurs ingénieux pensent-ils qu’une plateforme numérique qui intègre tous les systèmes d’information des banques qui ne sont pas tous les mêmes sont une mince affaire?

Des questions auxquelles pourraient éventuellement répondre MM Kais Fekih Expert-comptable et enseignant universitaire, Kamel Ayari, Magistrat à la Cour de cassation et Madame Najet BRAHM ZOUAOUI, Professeure à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis et Avocate près la Cour de cassation jeudi 17 septembre lors de la journée organisée à l’UTICA sur la nouvelle législation des chèques sans provision.

Amel Belhadj Ali

Source : analyse et commentaires de Fayçal Derbel, expert comptable sur les nouvelles dispositions stipulées par le code du Commerce.